Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Fin de cavale à Chalon

Il était 1 heure du matin, vendredi dernier 15 septembre, rue Jules Ferry à Chalon, et trois policiers de la BAC venaient de mettre la main sur un couple en cavale. Le prévenu explique, au cas où on ne l’aurait pas remarqué, qu’il a « des sautes d’humeur bizarres », et que « ça ne va pas dans ma tête ». 


Lui, 26 ans, est sorti de prison en avril dernier, il y a passé les 5 dernières années, donc ce n’est pas lui qui s’est évadé, c’est sa compagne. En réalité on ne sait pas quel mot utiliser pour dire exactement ce qu’elle est pour lui. Elle, 26 ans également, incarcérée à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas depuis 8 mois ½, venait d’obtenir sa première permission de sortie pour aller voir sa petite fille, placée en famille d’accueil. 


Le couple aurait quelque chose de touchant. Ils sont tous les deux nés à Vienne, la même année. L’enfant de Sylvia n’est pas la fille biologique de Yassin mais « il l’a élevée, alors c’est sa fille », dit Sylvia. « Je n’ai qu’elle », dit et répète Yassin en parlant de Sylvia. C’est parce qu’il n’a qu’elle et qu’il était « au bord du gouffre », qu’il lui aurait « interdit » de rentrer à la prison le lundi à 18h30 comme convenu. Au lieu de ça, il a voulu « acheter un véhicule » à une madame B. qui vit à Chalon, et le couple est venu de la Drôme pour faire affaire. Mais ça a mal tourné, ton haut et menaces, la femme appelle la police. La BAC contrôle les identités et la jeune compagne présente une carte au nom de « Maud X », alors que Yassin l’appelle Sylvia. Vérifications. Fin de la cavale. Insultes et menaces à l’encontre des policiers. Détention provisoire à l’issue des gardes à vues.

 

Le couple aurait quelque chose de touchant, donc, si ce n’était la violence crue qui habite et leurs vies, et leurs êtres. Si l’on est ému, c’est de cette misère qui veut se serrer les coudes mais qui s’envoie par le fond. 

Comment se passe la détention de Sylvia ? « Ça se passe, on n’a pas le choix. » A-t-elle eu visite de Yassin ? Non, « ça met 6 mois, les demandes de parloir. » Travaillait-elle avant ? « Non, je devais commencer une formation en ménage, mais sinon, j’aurais voulu en esthéticienne. »
Yassin a une histoire de 70 000 euros en liquide, provenant « d’un héritage, et d’économies » avec lesquels il se promenait. Cet argent, s’il existait, aurait disparu, « on » le lui aurait volé. Pourquoi il a insulté les policiers ? « Pourquoi ils m’ont tapé ? J’étais plein de sang. J’ai dû jeter mes vêtements à la poubelle, un survêtement Lacoste à 290 euros. Ils m’ont volé 70 000 euros, ma sœur aînée est morte, dans ma tête ça ne va pas. Certes, je suis un bon à rien, j’ai fait de la prison toute ma vie. » Pendant les réquisitions, il lève le doigt, comme à l’école, pour avoir la parole. 

 

Peine encourue pour une évasion ? Jusqu’à 3 ans de prison, rappelle la substitut du procureur, elle requiert 12 mois de prison ferme pour chacun. « La même peine pour les deux ? », maître Laborderie ne trouve pas cela sérieux, il demande la relaxe de Sylvia : une photocopie de la carte d’identité de sa cousine se trouvait dans des vêtements qu’elle lui passait, et l’usurpation de nom n’avait rien de prémédité. Sur l’évasion : « a-t-elle son libre arbitre ? Non, elle est sous influence. » Maître Diry à qui échoit le challenge de défendre un client « de la catégorie décourageant », raconte que dans un procès verbal d’audition, Yassin « se pose en caïd de la drogue de la région lyonnaise » mais que tout le monde s’en fiche, ne prêtant pas le moindre crédit à ses propos. « Pourquoi ne pas accorder le même dédain aux insultes ? La violence des mots n’est pas celle de son esprit. » C’était finement joué, mais voilà que son client a la parole en dernier et tient le crachoir un bon moment pour déclarer : « Moi je lui – Sylvia – ai déjà cassé deux dents, elle a plus peur de moi que de son père et que de toute la terre. » Sylvia a la tête penchée vers l’avant, l’air triste et atone, comme résignée à un sort qui dans tous les cas, libre ou enfermée, ne sera balisé que de violences. « Elle est super gentille, mais beaucoup naïve. Quand je lui dis d’aller voir un psychologue, elle croit que je dis qu’elle est folle, mais moi je vois un psy alors que je ne suis pas fou. » Yassin revient sur le décès de sa sœur, « j’ai que des problèmes, mais je suis un être humain, vous voyez ».

Sylvia comme Yassin ont d’abord comparu devant le tribunal pour enfants, avant de passer en correctionnelle à leur majorité. Elle avait 6 condamnations a son casier, et lui, 22.
« Quand cessera cette fuite en avant, monsieur ?
- Jusqu’à ce que je meure, ou que je me calme.
- Que faut-il pour que vous vous calmiez ?
- Qu’on la libère et que je récupère mon argent. »

Sylvia X, 26 ans, est déclarée coupable d’évasion et de la prise du nom d’un tiers, et condamnée à 4 mois et à 2 mois de prison ferme. Elle devait sortir en avril prochain, elle sortira à l’automne.
Yassin X, 26 ans, est déclaré coupable de « fourniture de moyen à un détenu pour une évasion » et de menaces de mort à l’encontre de dépositaires de l’autorité publique, il est condamné à 8 mois de prison et maintenu en détention.
Ils devront indemniser chacun des 3 policiers (400 euros x 3). Le tribunal ordonne la confiscation des scellés.

FSA