Sud de l'agglomération
Rencontre avec Systèmes Bis, jeune association de Varennes-le-Grand
Publié le 25 Septembre 2017 à 18h15
Déjà dotée d’une micro-crèche – Le jardin des marguerites - et d’une Autre école, la commune de Varennes-le-Grand n’en finit plus de voir fleurir les initiatives privées ou d’essence associative. Un constat conforté par le fait qu’elle s’avère aussi le terreau fertile de « Systèmes Bis », une jeune association qu’info-chalon.com a récemment rencontrée.
« La société est toujours indifférente aux faibles, aux marginaux, à ceux qui meurent d’une maladie qui embarrasse ceux qui lui échappent et qui ne la comprennent pas. Il faut presque toujours lui faire violence pour qu’elle prête attention. » C’est ce qu’écrivait récemment Philippe Lançon*, à propos de 120 battements par minute, le film de Robin Campillon, retraçant l’épopée d’Act Up.
Ce que Lançon dit à propos des homosexuels et des malades du sida, on pourrait très certainement le transposer à tous ceux qui composent ce que le sociologue Stéphane Beaud appelle « la France invisible »** : la France de ceux que l’on ne voit pas. Celle de ceux qu’on ne voit pas parce que, tout simplement, on ne veut pas les voir, le simple fait de constater leur existence pouvant nous conduire à sortir de notre « zone de confort », et donc d’une routine rassurante, voire reposante. La France de ceux que l’on ne finit par voir qu’en se forçant, en se faisant violence. Ou alors parce que certains de nos congénères, sans nécessairement nous violenter, en nous conduisant plutôt à observer leur singularité comme un puits de richesses humaines, réussissent à nous ouvrir les yeux afin que nous les regardions pour ce qu’ils sont : des femmes et des hommes comme les autres, et non pas des « anormaux », qualification qui les exclut autant qu’elle les « invisibilise », en plus de les assigner à une résidence où il n’a jamais fait bon s’éterniser puisqu’elle est celles des marges de la société, qu’on a tôt fait d’appeler « marginaux » et de traiter comme tels, c’est-à-dire sans les égards dus à tout être humain.
Nous ouvrir doucement les yeux, changer notre regard sans nous administrer des baffes sur toutes celles et ceux à côté de qui nous passons parce que nous ne les comprenons pas faute, notamment, de savoir comment communiquer avec eux – par exemple les sourds*** et les personnes ayant des « troubles autistiques » –, c’est d’une certaine façon ce que se propose de faire une toute jeune association de Varennes-le-Grand, que ses fondateurs ont choisi de nommer « Systèmes Bis ». En effet, cherchant à promouvoir « des diversités de communication », donc d’autres systèmes « de signes conventionnels » – « vocaux ou auditifs, écrits ou encore corporels » – pour transmettre et recevoir des messages, Systèmes Bis met en lumière le fait que, trop souvent, nous ne percevons pas, faute de comprendre leur langue, ce que d’autres ont à nous dire et mérite pourtant d’être entendu.
Créer quelque chose dans l’esprit de la fable du colibri
Avant de se lancer dans cette aventure, les fondateurs de Systèmes Bis ont eux-mêmes du apprendre à regarder le monde autrement. A écouter Patricia Bonneau, la présidente de Système Bis, tout est parti des cours de musique que donnait son mari Jacky. Un jour, celui-ci a accepté de prendre sous son aile un enfant de 7 ans, souffrant de troubles autistiques. Jusqu’ici, il demeurait difficile d’entrer en communication avec lui. Mais, en prenant des cours de musique avec Jacky, « quelque chose de super » s’est passé entre Jacky et l’enfant. Quelque chose qui leur a permis de comprendre qu’ « il y a beaucoup de langues pour communiquer, autres que purement verbales ». Et quand une expérience similaire s’est reproduite avec un deuxième enfant, qui au fur et à mesure des cours est sorti d’une « sorte de prison », l’intuition est devenue conviction. Une conviction qui a débouché sur l’idée qu’il y avait quelque chose à créer. Quelque chose dans l’esprit de la fameuse fable du colibri : ne pas avoir la prétention de tout changer du jour au lendemain, mais y contribuer, en fonction de ses capacités et de ses moyens, aussi limités soient-ils. Et avec cette idée, Patricia Bonneau a contaminé d’autres personnes, en particulier Anne Kromberger (l’actuelle trésorière de l’association) et Deyanira Chevalier (la secrétaire de Systèmes Bis).
Offrir des solutions de répit et sensibiliser progressivement le public aux handicaps de communication
L’affaire était entendue, il y avait quelque chose à créer. Mais créer quoi, exactement ? Impliquée dans Autisme 71 et dans APLS***, une association proposant d’apprendre la langue des signes dont info-chalon.com vous a parlé il y a peu, Patricia Bonneau s’est dit qu’il manquait peut-être une association capable d’offrir des solutions de répit aux proches de personnes ayant des troubles autistiques ou sourdes. En effet, si Autisme 71 est indispensable, ses membres, très logiquement et « d’une façon formidable », « consacrent leurs forces à mener à bien des démarches administratives souvent épuisantes », permettant entre autres choses à un enfant d’être scolarisé, d’obtenir une auxiliaire de vie scolaire, etc. Ils n’ont plus ni le temps ni l’énergie pour organiser des concerts, des animations. Pourtant, de tels évènements sont nécessaires pour souffler un peu. Dans le même ordre d’idées, être sans arrêt en train de lutter contre une forme de Léviathan pour que des personnes puissent vivre comme les autres ne laisse guère l’opportunité de récolter des fonds, pour acquérir du matériel spécifique, offrir des solutions pour que les familles respirent un peu. Observant tout cela, l’idée a fait son chemin qu’une association venant en complément de ce qui existe déjà ne serait pas de trop. Puis une autre idée a elle aussi fait son chemin : celle selon laquelle le monde ne se porterait sans doute pas plus mal si une telle association pouvait par ailleurs sensibiliser progressivement le public aux handicaps de communication, voire changer les regards sur ceux que l’on catalogue trop facilement comme cinglés ou handicapés mentaux ou hystériques, en raison de l’invisibilité de leur handicap. Il n’y avait désormais plus qu’à passer à l’acte, c’est-à-dire créer l’association et, ceci fait, commencer d’agir, par exemple en organisant une lecture de contes traduits en langue des signes française, qui aura lieu le 30 septembre prochain, dans les locaux de l’Autre école.
Samuel Bon
(Photo de une : de g. à d., Anne Kromberger, Patricia et Jacky Bonneau, Deyanira Chevalier)
*Philippe Lançon, « Le pouls ralentit », Charlie Hebdo, 13.09.2017, p 11
**La France invisible, sous la direction de Stéphane Beaud, Jooseph Confavreux, Jade Lindgaard, éditions La Découverte/Poche, (2006) 2008, 647 p
***Sur les sourds et la surdité, lire l’article d’info-chalon.com :
APLS est désormais présidée par Lucie Wetzel.
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