Chalon sur Saône
Avec Jefferey Jordan, la drosophilie gagne ses lettres de noblesse
Publié le 22 Octobre 2017 à 19h37
« Pourquoi les mouches ». C’est le spectacle de Jefferey Jordan qu’environ 180 personnes ont eu la chance de découvrir vendredi et samedi soir, dans le cadre du Bistrot-théâtre co-organisé par Antoine Demor et Victor Rossi, au théâtre du Grain de sel. Le retour d’info-chalon.com.
Jefferey Jordan, votre infochalonniste le connaissait plutôt un violon à la main et le sarcasme en bandoulière. Armé de cela, il n’avait pas son pareil pour mettre en lumière une certaine absurdité quotidienne, devenue patrimoine culturel français. En décortiquant certaines comptines à la noix, telle « Une souris verte », il avait par exemple le don de vous faire rire aux éclats, en plus de vous rendre un peu moins léthargique face à ce qui, au fond, a autant de sens que certains propos de Jean-Claude Van Damme. Aussi, quand il a su qu’il était à l’affiche du Bistrot-théâtre, pendant chalonnais du festival humoristique des Oenorires de Givry, comme le qualifie le collègue Michel Poiriault*, s’est-il précipité pour le voir en vrai.
Introduit en fanfare par un autre artiste de qualité, Antoine Demor, cheville ouvrière des fameux Oenorires et co-organisateur de l’évènement avec Victor Rossi, un trio infernal s’est en quelque sorte reconstitué, l’espace de deux soirées.
(Antoine Demor)
Pas de violon, cette fois-ci, pour Jefferey Jordan. Mais toujours la même présence scénique et des expressions faciales qui vous font immanquablement rire, même quand vous ne comprenez pas, ou trop tardivement, une référence. Et, surtout, toujours cette faculté de révéler l’absurdité ambiante dans laquelle nous sommes immergés, en raison, notamment, d’une langue française parfois très étrange, si on la pense à l’aune de Jefferey Jordan.
Toutefois, eu égard aux états de service de l'homme, ce spectacle co-écrit avec Martine Foresti (la tante de Florence), malgré ce que l’on retrouve de ce qui a fait Jefferey Jordan, demeure assez surprenant. En raison du décor, d’abord. Point de sunlights, juste quelques projos pour éclairer la scène et deux tables, sur lesquelles sont posées une paire de lunettes, une bouteille d’eau « anonymée » et des ouvrages d’auteurs n’ayant a priori rien à voir les uns avec les autres : Dieu (La Bible…), Raymond Devos, Raymond Queneau, Frédéric Beigbeder. Très sobre, minimaliste.
Ceci dit, s’il est aussi surprenant, c’est principalement en raison du texte. Jefferey Jordan va finalement assez loin dans les références littéraires. Surtout, il active fréquemment un questionnement philosophique par l’absurde, sans forcément chercher à ce que chaque réplique fasse…mouche. Non pas qu’il n’y ait jamais rien eu de tel auparavant chez lui. C'est au contraire une marque de fabrique. Simplement, cette fois-ci, votre infochalonniste a cru discerner comme une forme de détachement vis-à-vis du public, qui s’est dès lors senti d’autant plus libre de rire (ou pas) et de s’engouffrer (ou non) dans les interstices ouverts par ses soins, ceci pour s’interroger plus en profondeur sur le langage et la cohorte de préjugés ou de vacuité qu’il véhicule parfois (« c’est reparti comme en 40… »).
Bref, s’il est aussi surprenant, c’est peut-être parce que ce n’est pas un one-man show comme on en voit tant, comme on en voit trop, au cours desquels il faut absolument se marrer, sous peine de ressortir avec l’étrange impression de ne pas en avoir eu pour son argent. Une impression que l’on n’éprouve nullement en sortant du spectacle de Jefferey Jordan, qui ne répond à aucune des questions soulevées durant sa pseudo-conférence, mais vous laisse en revanche un paquet d’interrogations pour la nuit, peut-être des jours entiers, c’est-à-dire des restes du talent qu’il a déployé durant toute la soirée pour vous élever ou vous réveiller, y compris en vous faisant rire.
Samuel Bon
*Lire l’article de Michel Poiriault sur info-chalon.com :
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