Opinion
Evoluvies à Chalon sur Saône - La position de la CGT
Publié le 25 Octobre 2017 à 15h12
Ce salon a pour objet de « présenter des solutions techniques et humaines pour plus d’autonomie ». De nombreux exposants seront présents pour présenter leurs produits et leurs technologies (type domotique) pouvant faciliter la vie des personnes en perte d’autonomie (personnes âgées ou personnes handicapées) qui ont fait le choix du maintien à domicile. Ce salon s’appuie sur l’objectif formulé dans la loi ASV du développement de la « silver économie ».
Sans vouloir mettre en cause l’utilité d’un certain nombre de ces solutions qui peuvent effectivement aider et faciliter le maintien à domicile, nous voulons formuler plusieurs remarques :
- tout d’abord elles s’appuient souvent sur des solutions techniques numériques que les personnes (surtout les personnes âgées) ont très souvent du mal à maîtriser
- elles supposent également l’accès au numérique qui pour l’instant est loin d’être généralisé sur l’ensemble du territoire (en particulier dans les zones rurales)
- ces solutions ont un coût non négligeable qui est à mettre en relation avec les niveaux de ressources des personnes âgées comme des personnes handicapées
Une enquête récente vient de souligner que l’isolement des personnes ayant fait le choix du maintien à domicile avait tendance à s’accentuer. Peut-on penser que des solutions techniques (même si elles peuvent faciliter la communication) constituent une réponse à cette situation ? Peuvent-elles remplacer le nécessaire contact humain qui, de plus en plus, a tendance à se réduire du fait de la pression exercée sur les professionnels tant dans l’aide à domicile que dans les EHPAD ?
Ce salon, en ne posant pas l’exigence d’un renforcement sans précédent des professionnels qui apportent aide et soutien aux personnes en perte d’autonomie, ne répond pas à la nécessité d’une vision humaine du vieillissement et du handicap. Et nous regrettons que le Président du Conseil Départemental n’ait pas jugé nécessaire d’associer le Conseil départemental de la Citoyenneté et de l’autonomie à sa réalisation, comme il l’avait déclaré lors de l’installation de l’institution.
Par exemple aucun espace de débat n’est prévu permettant à ceux qui vivent la perte d’autonomie au quotidien, d’apporter leur point de vue, témoigner de leur vécu et formuler leurs besoins.
La loi « Adaptation de la Société au Vieillissement » (ASV)de décembre 2015, qui voulait aborder toutes les questions relatives au bien-être des personnes âgées, est restée au bord du chemin.
Quelques avancées :
- augmentation de 17 à 25 % des plafonds maximums de l’APA à domicile (entre 100 et 400 € selon le degré de perte d’autonomie)
- baisse du reste à charge avec une exonération pour les bénéficiaires ayant moins de 800 € de ressources mensuelles
- obligation pour les EHPAD de définir un « panier de services » avec un montant clairement identifié
- mesures de soutien aux aidants familiaux comportant un droit au répit qui peut financer un accueil de la personne aidée dans un hébergement temporaire à la hauteur de 500 € maximum par an lorsque le plafond des aides APA est atteint.
Cependant, plusieurs aspects ont été ignorés :
- les plans d’aides attribués par les Départements restent notoirement insuffisants. Le montant du reste à charge ne permet pas à bon nombre de personnes d’accéder aux services en EHPAD comme à domicile
- les EHPAD, les Services d’Aide à Domicile et les structures d’accueil des handicapés souffrent d’un manque de moyens financiers et en personnels
- la perte d’autonomie reste financée an grande partie par les retraités eux-mêmes à travers la CASA (Contribution Additionnelle de Solidarité pour l’Autonomie) prélevée à hauteurs de 0,3 % sur les pensions des retraités imposables.
La situation tend tellement à se dégrader que Mme Monique IBORRA, rapporteure de la mission « FLASH » sur les EHPAD pour la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée Nationale, en dénonçant « un encadrement plus technocratique qu’efficace » « des sous-effectifs avec des personnels épuisés et en souffrance », n’hésite pas à parler de « maltraitance institutionnelle ».
Les réalités de la situation des retraités :
Le niveau des pensions ne permet souvent pas de pouvoir accéder aux services tant en EHPAD qu’à domicile. Pourtant le gouvernement vient de décider d’amputer ces ressources en augmentant la CSG de 1,7 points, ce qui correspond à une baisse de pouvoir d’achat de 245 € par an minimum.
La situation dans les différents modes d’accueil des personnes âgées en perte d’autonomie :
Les EHPAD :
- le nombre de places médicalisées et d’accueil pour malades Alzheimer est notoirement insuffisant, à tel point que les listes d’attente peuvent atteindre plusieurs années
- le vieillissement des résidents - qui souvent souffrent de multi pathologies - conduit à un très fort besoin en personnels. Par exemple la moyenne de personnels en France est de 6 personnels pour 10 résidents alors qu’elle est de 10 pour 10 en Allemagne et dans les pays scandinaves
- les EHPAD souffrent d’une faiblesse de moyens financiers. La loi ASV vient d’ailleurs de modifier leurs règles de tarification, privant le secteur à but non lucratif de 16 millions d’euros de ressources
- dans ce secteur se développent à grande vitesse les maisons de retraites et résidences sénior du secteur privé lucratif (souvent filiales des grands groupes privés de la santé) dont l’objectif est d’abord de faire du profit sur le dos des personnes âgées
Les Services d’Aide à Domicile :
- comme les EHPAD, les Services d’Aide à Domicile souffrent d’un manque de moyens financiers. Même si le coût pour les personnes concernées est moindre qu’en EHPAD, on constate souvent que ceux-ci réduisent d’eux-mêmes les services dont ils auraient besoin
- dans ce secteur une concurrence effrénée se développe entre le non lucratif et le privé lucratif qui n’hésite pas à casser les prix.
- la pression exercée sur les personnels est considérable. Les conditions de travail qui se dégradent portent atteinte à la qualité du service rendu.
Les aidants familiaux :
- la loi ASV a instauré le « droit au répit » pour les proches aidants. Mais, ce droit s’inscrit dans un financement maximum de 500 € par an. L’aidant travaillant dans le secteur privé a droit à un « congés de proche aidant », hélas non rémunéré. Face aux contraintes de la prise en charge d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer, on mesure ce que cette mesure peut avoir d’illusoire.
- heureusement que se développent, comme à Mâcon, les plateformes de répit qui permettent d’alléger la fatigue physique et psychologique des aidants. Malheureusement elle reste la seule sur le département de Saône et Loire.
Les propositions formulées par la CGT
Pour la CGT, l’allongement de la durée de vie est une bonne nouvelle pour chacun et pour l’humanité toute entière. C’est pour cette raison que nous affirmons que la perte d’autonomie même si elle n’est pas une maladie, elle reste, au même titre que la maternité ou la mort, une évolution de la vie et qu’elle doit s’intégrer à l’ensemble du dispositif de protection sociale, dont le principe est de garantir tous les citoyens contre les aléas de la vie.
C’est pour ces raisons que nous revendiquons :
- que la perte d’autonomie relève de la Sécurité Sociale par la création d’un 5ème droit « autonomie » et une prise en charge dans le cadre de la branche maladie. Ce doit être un droit universel à compensation de la perte d’autonomie pour tous les âges sur la base d’une aide personnalisée et une prise en charge sur une réponse globale
- des établissements médicalisé (EHPAD) en nombre suffisants, de caractère publics, à des tarifs permettant l’accès aux plus démunis et pourvus de moyens suffisants à leurs missions. Leur financement doit relever des pouvoirs publics comme l’Hôpital ou l’école
- l’aide à domicile doit être organisée sur la base d’un grand service public qui réponde aux besoins des personnes aidées, avec du personnel formé, qualifié et correctement rémunéré
- une coordination sur un même bassin de vie permettant le maintien à domicile par la coordination de tous les intervenants, avec la création d’une maison des coordinations et de structures d’accompagnement
Concernant la « silver économie » et le salon autonomie des 27 et 28 octobre
En soulignant une nouvelle fois que nous n’avons pas d’opposition de principe à l’utilisation des technologies du numérique, à la suite de ce salon, nous proposerons au Conseil Départemental la mise en place d’une gamme d’aides techniques minimales pouvant être prises en charge notamment par les fonds dont dispose la Conférence des financeurs (dispositifs déjà mis en place dans certains départements). Ce pourrait être par exemple : la téléalarme, des dispositifs de détection des chutes, l’éclairage automatique des couloirs et placards)
Nous proposerons la mise en place d’un CICAT (centre d’information sur les aides techniques) où des professionnels délivrent des conseils gratuitement en fonction des besoins. Ce service pourrait utilement trouver sa place dans les 5 Maisons Locales de l’Autonomie mises en place sur plusieurs territoires du département. Cela permettra d’aider les personnes et les familles à faire des choix pertinents à partir de leurs besoins réels plutôt que de les laisser seules face à la multitude d’offres d’objets connectés.
Nous y affirmerons que la mise en place de ces dispositifs ne doit pas conduire à remplacer la nécessaire présence humaine et qu’il est nécessaire de renforcer les effectifs de personnels dans les EHPAD, dans l’aide à domicile et dans les centres d’accueil des personnes handicapées.
Enfin, nous demanderons au Conseil Départemental d’examiner toutes les possibilités de faire baisser le reste à charge pour les personnes concernées et les familles.
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