Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le travail dissimulé chinois à la barre

TRIBUNAL DE CHALON - Le travail dissimulé chinois à la barre

Madame Yin* s’avance à la barre, mais ce n’est pas seulement madame Yin, elle incarne à ce moment-là un petit morceau d’un phénomène prégnant en France depuis semble-t-il la seconde guerre mondiale** : la logique intra-communautaire du travail dissimulé chinois.

Madame Yin, 51 ans, et son mari, tiennent un restaurant à Saint-Rémy, et c’est madame qui porte la responsabilité légale de s’être soustrait à ses obligations en employant deux personnes (chinoises aussi) sans avoir préalablement déclaré leurs embauches. Partant de là, on est bien loin des ateliers clandestins parisiens qui ont réussi à s’intégrer à l’identité de la capitale. On en est bien loin, on n’en hume qu’une émanation provinciale, la Chine n’en paraît que plus lointaine et le destin de ces immigrés d’autant plus mystérieux.

Madame Yin se tient ce jeudi 26 octobre devant la juge Benhamou pour faire homologuer la peine qu’un procureur vient de lui proposer dans son bureau, en présence d’un avocat et d’une interprète : madame Yin ne parle pas français, ne le comprend pas non plus, et c’est dans la logique également de cette vie intra-communautaire, particulière au point d’avoir suscité des études de chercheurs en sciences humaines.

Les audiences d’homologation de CRPC ne donnent pas autant d’éléments que les audiences correctionnelles puisqu’on n’y débat pas, ou très peu : les faits sont reconnus, et la peine est acceptée. On apprend cependant qu’en 2008 déjà, madame Yin avait été condamnée par la Cour d’appel de Dijon à 1 an de prison avec sursis, pour travail dissimulé, et aide à l’entrée et au séjour irrégulier d’un étranger en France.

« Quelle est votre situation personnelle ?
- Mariée, un enfant.
- Quels sont vos revenus en tant que restauratrice ?
- 600 à 700 euros par mois.
- Avez-vous des justificatifs ? Déclaration d’impôts ?
- Non, elle n’a pas apporté de pièces.
- C’est ennuyeux, je dois m’appuyer sur ses déclarations orales. »

Les victimes ne sont pas là, ce qui est logique également : ce n’est pas elles qui se seraient plaintes de leur situation.  

La juge homologue la peine d’1 an de prison intégralement assorti du sursis : « Si vous ne commettez pas de nouvelle infraction pendant 5 ans, cette peine ne pourra plus être exécutée. » Madame Yin devra payer, comme toute personne condamnée, 127 euros « de droit fixe de procédure », soit « les frais de justice », traduit la juge pour que l’interprète puisse traduire à son tour quelque chose de compréhensible.

FSA

*nom modifié
**Les autorités françaises ont dû faire appel à une importante main-d’œuvre à l’issue de la Première guerre mondiale, en 2 ans, 140 000 ressortissants chinois quittent leur pays pour la France et la Belgique. Mais les besoins une fois passés, en décembre 1919, le directeur de l’Arsenal de Lyon demande « qu’on lui enlevât tout de suite les travailleurs chinois dont la présence est moralement insupportable à toute une population menacée par le chômage ». On peut lire un travail documenté sur le site du ministère du travail, cahier n°18 du comité d’histoire des administrations chargées du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, déc. 2014.
Les Chinois se sont installés à Paris au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale, venus en service commandé pour soutenir les britanniques et les français. Ils faisaient les tranchées, les cantonnements, ils allaient chercher les corps qu’ils mettaient dans des draps blancs, on les appelait « les blanchisseurs célestes ».
L’immigration chinoise en France est en réalité modeste, mais elle garde des spécificités propres.