Opinion
L'Avenir des territoire est posé ...
Publié le 16 Novembre 2017 à 11h39
Avec François KALFON, ancien fondateur de la Gauche populaire, membre de la direction collégiale du Parti Socialiste, et proche d’Arnaud Montebourg qui a toujours plaidé pour une France réconciliée autour de ses territoires (qu’ils soient ruraux, périurbains ou en mutation industrielle), et bien d’autres, ce sont près de 150 élus locaux de Gauche et 600 personnes ont signé l’Appel des Territoires en colère.
Territoires : les raisons de la colère !
Depuis des décennies, partout dans le monde, les effets de la mondialisation libérale et de la dérégulation financière produisent les mêmes symptômes : l’émergence de villes globales avec de très fortes différenciations sociales (creusement des différences entre les plus riches et les plus pauvres) et le développement d’espaces sociaux homogènes créant de nouvelles disparités spatiales (multiplication d’espaces résidentiels fermés, processus de gentrification des centres, etc.).
Nombreux sont les géographes, universitaires et intellectuels (Emmanuel Vigneron, Christophe Guilly, Laurent Davezies…) qui ont décrit ce processus de désagrégation territoriale au sein même des métropoles, mais aussi pour une « immense périphérie », territoires ruraux, périurbains, postindustriels, banlieues, tous soumis au même sentiment de déclassement, à la même crainte de relégation ou d’abandon…
En France comme dans le monde, ce mouvement de fond cause les mêmes maux : désarroi, crise de confiance en la politique et poussée constante de l’extrême droite.
En Angleterre, le plus fort soutien au Brexit s’est ainsi trouvé dans le cœur des Midlands et autour de vieilles villes industrielles du nord du pays. Aux États-Unis, alors que New York et San Diego votaient social-démocrate, le Midwest rural, les banlieues tentaculaires de Floride, mais aussi la Rust Belt (ceinture des vieux bastions industriels) votaient très largement Trump. En Allemagne, nous assistons comme en France, à la montée spectaculaire de l’extrême droit via la percée du parti AfD.
Avec François KALFON, ancien fondateur de la Gauche populaire, membre de la direction collégiale du Parti Socialiste, et proche d’Arnaud Montebourg qui a toujours plaidé pour une France réconciliée autour de ses territoires (qu’ils soient ruraux, périurbains ou en mutation industrielle), et bien d’autres, ce sont près de 150 élus locaux de Gauche et 600 personnes ont signé l’Appel des Territoires en colère.
Ils sont représentatifs de cette France qui se sent abandonnée, mais aussi de ces métropoles qui s’interrogent sur le creusement de plus en plus marqué des inégalités en leur sein.
Henri Cabanel, Sénateur de l’Hérault et viticulteur. Cléo Schweitzer, Conseillère régionale et élue de Mulhouse. Marc Vuillemot, Maire de la Seyne-sur-Mer, Vice-Président de Toulon Métropole et Président de l’Association des maires Ville et Banlieue. Aurélien Forlay, Maire de Moras-en-Valloire, Conseiller régional d’Auvergne Rhône Alpes et Président de l’association des maires ruraux de la Drôme. Valérie Dumontet, Vice-Présidente du Département de l’Aude et de la Région Occitanie. Christophe Ferrari, Président de Grenoble Métropole et Maire de Le Pont-de-Claix. Philippe Brugère, Maire de Meymac et Vice-Président de l’association des maires ruraux de Corrèze. Elisabeth Jutel, Conseillère régionale Nouvelle Aquitaine. Wilfried Schwartz, Maire de La Riche et Vice-Président de Tours Métropole et rapport de l’Association des Maires de Maire sur les « contrats de réciprocité ville-campagne ». Adeline Lhonen, Maire de Batz-sur-Mer et Vice-Président de Cap Atlantique. Patrice Laurent, Maire de Mourenx. Juliette Brocard, Conseillère départementale des Pyrénées Atlantiques. Gilles Noel, Maire de Varzy. Pascale Massicot, Conseillère régionale Bourgogne Franche Comté. Syamak Agha Babaei, Vice-Président de l’Eurométropole de Strasbourg. Denis Lamard, Conseiller régional et Président de la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse. Jean-Pierre Roussarie, Maire de Coulounieix-Chamiers et Vice-Président du Grand Périgueux. Maï Haeffelin, Conseillère régionale des Pays de la Loire. Henri Valès, Maire de la Charité-sur-Loire et Président de la communauté de communes Loire, Nièvre, Bertranges. Jérome Samalens, Maire de Montégut et Vice-Président du Grand Auch. Isabelle Arnould, Conseillère départementale de Touraine. Hervé Corouge, Vice-Président du Conseil départemental de Loire-Atlantique, etc.
Voilà quelques-uns des signataires, des visages de ces territoires en colère.
En (NOM de la REGION), les référents de cette démarche sont (INDIQUER LES NOMS ET COORDONNES)
La question des Territoires est aujourd’hui devenue un enjeu politique central. Emmanuel Macron incarne une pente structurelle de notre pays qui est celle de la détestation des territoires fruit de l’alliance des politiques libérales et d’une haute administration d’État mondialisée (Cour des Comptes, Bercy, Trésor en tête).
Comme pour les filiales des grands groupes du CAC 40, la nouvelle France d’Emmanuel Macron classe les territoires tantôt en « centres de profit » tantôt, et pour une immense majorité de l’espace français, en « centres de coûts ».
Face à cette vision comptable et gestionnaire (qui explique la reprise en main technocratique des collectivités locales par une « élite sachante », la baisse des crédits notamment pour les contrats aidés ou le logement social), la Gauche doit proposer une vision plus humaine et sociale à même de rassembler les deux France.
Si l’enjeu des territoires dépasse la seule problématique des moyens des collectivités locales et des élus locaux, cette démarche vise néanmoins à faire comprendre qu’un développement décentralisé de notre pays permet de conforter la croissance économique et le bien-être social cela sans être en contradiction avec le rôle d’un État régulateur et investisseur.
Née de la colère, cette dynamique collective de long terme vise aussi à transformer toute cette mobilisation en énergie positive pour montrer que chaque jour nos territoires innovent et collent au plus près des transformations sociétales et des nouvelles attentes des usagers et des citoyens.
Comment est née l’initiative des Territoires en colère ?
Née du drame social et humain qui se joue au cœur de nos territoires, cette démarche est le fruit d’un mouvement initial de colère et de révolte.
Ce sentiment d’abandon, de relégation, de déclassement parmi nos populations, voilà ce qui nous a amenés à pousser publiquement ce cri de colère. D’autant que la montée des inégalités territoriales est aussi forte entre métropoles et territoires périphériques qu’au sein même des métropoles.
Pourquoi est-ce seulement un appel d’élus de Gauche ?
La question du modèle institutionnel, de l’organisation décentralisée de la République, des moyens financiers des collectivités locales, du statut de l’élu local n’est ni de gauche ni de droite.
En revanche, les effets produits par la mondialisation libérale, la déréglementation, la vision de l’organisation spatiale à l’identique des modes de gestion de grandes entreprises du CAC 40 avec des logiques de « centres de coûts », tout cela relève bien de logiques que seuls des élus de Gauche peuvent combattre.
La détestation des territoires dans notre pays est le fruit de l’alliance fruit de l’alliance des politiques libérales et d’une haute administration d’État mondialisée. (Cour des Comptes, Bercy, Trésor en tête) qui n’a jamais vraiment digéré les grandes lois de décentralisation adoptées sous l’impulsion de François Mitterrand et Gaston Defferre.
L’abandon de certains territoires est le fruit de l’inaction publique sous l’effet de l’application depuis des décennies des politiques libérales et des ratios budgétaires européens. Au contraire, nous voulons que les pouvoirs publics relancent une politique ambitieuse d’investissements publics au bénéfice des infrastructures de transports, des services publics, de la santé de proximité, des centres villes qui se dévitalisent, de l’industrie, du logement, etc.
Nous voulons une puissance publique (l’État avec des collectivités territoriales puissantes) qui développement une nouvelle vision de l’aménagement du territoire français.
Quelles seront les suites ?
Des Assises nationales de la colère sont prévues le samedi 27 janvier 2018 à Paris. Puis des Assises locales de la colère auront lieu dans chaque territoire, des marches citoyennes également.
Mais nous voulons aussi transformer notre colère en énergie positive. Nos territoires et leurs habitants ne manquent pas d’idées et de projets. Nous voulons être une plateforme politique « proposante » qui valorise les initiatives innovantes comme les « contrats de réciprocité ville-campagne » et produit un certain nombre de contenus sur des thématiques importantes pour l’avenir des territoires comme les transports, les services publics, l’innovation numérique, l’industrie, l’agriculture, les circuits courts, le logement, etc.
François Kalfon
Membre de la direction collégiale du Parti Socialiste
Conseiller régional Ile de France et Conseiller municipal de Melun
« Pourquoi avoir suscité territoires en colère ? Il y a plus de cinq ans j’ai créé avec Laurent Baumel le think tank « la gauche populaire ». A l’époque nous avions constaté les ravages de la mondialisation sur ce que l’on appelait la France périphérique, celle-là qui commence au-delà du boulevard périphérique parisien.
Cinq ans plus tard nous voyons que les ravages de ces disparités territoriales n’ont fait que s’amplifier et s’approfondir. Or face à cette tendance, les politiques publiques se révèlent incapables de contrecarrer ce mouvement, laissant les acteurs de ces territoires et notamment les élus, seuls face à eux-mêmes, et à ce qu’il faut bien appeler la France à vendre. Maintenant ce sont des villes moyennes, des territoires ruraux autrefois prospères qui sont abandonnés à leur triste sort, sans aucun espoir pour la population: disparition du tissu commercial, perte de la substance industrielle, vieillissement des populations et exode massif caractérisent 80% du territoire national aujourd’hui.
Face à ce drame territorial qui se joue sous nos yeux, la réponse du nouveau Président de la République loin de corriger cette tendance, l’approfondit en favorisant une législation du travail qui accélère les fermetures de sites industriels, en baissant les dotations aux collectivités locales, en affaiblissant le monde du logement social.
C’est face à cet abandon programmé que nous avons souhaité fédérer de nombreuses initiatives qui existaient localement sans pouvoir se faire entendre nationalement. »
’appel des « sans »
Henri CABANEL
Sénateur de l’Hérault
Viticulteur
« En tant que vigneron sénateur, forcément je suis agriculteur et donc je vis dans le rural. Depuis le début de mon mandat, j’ai souhaité m’impliquer totalement dans la ruralité et la défense des territoires ruraux. Cette occasion qui m’était présentée avec territoires en colère, je l’ai saisi parce que je la partage et c’est tout le travail que je mène depuis 3 ans que je suis élu.
Je suis dans un département du sud qui est très fracturé, dans le sens où il y a à l’intérieur de ce département une métropole et au dehors de la métropole des territoires ruraux ou périurbains où malheureusement le vote extrême et le vote extrême droite notamment, exprime la fracture territoriale qu’il y a entre l’urbain et le rural. Je me reconnais pleinement dans cette démarche.
Au niveau de l’ancien gouvernement, la volonté qu’il y a eu de mettre en place la loi Notre, ce que je regrette, c’est qu’on n’ait pas suffisamment pris l’avis, et surtout entendu les élus ruraux. Pourquoi? Parce que c’est eux qui sont à même d’exprimer ce que les citoyens attendent le plus de ces territoires.
Ensuite, sur la volonté de ce gouvernement, on sent très bien que malgré le discours qui consistait à dire que chaque décision politique serait étudiée par rapport à une étude d’impact avant de prendre la décision, et bien ce n’est pas le cas. On s’aperçoit que c’est une vitrine et qu’en fait, ce n’est pas du tout ce qui se passe et que les décisions sont prises au niveau central. Et quand je dis au niveau central c’est surtout essentiellement au niveau de Bercy puisque la ligne politique du Président Macron, c’est de rentrer en dessous des 3 % du PIB, tel que le définit la réglementation européenne. Et pour ça, il est prêt à sacrifier certains territoires comme les territoires ruraux.
J’étais sur le terrain hier, comme je le suis tous les jours, auprès d’un maire rural qui ne sait plus comment arriver à satisfaire ses populations car il manque de moyens.
Il y a eu cette volonté de regrouper les communes en EPCI, en intercommunalité mais il n’en demeure pas moins que 2 communes pauvres, ou 4 ou 6 communes pauvres se réunissant en une intercommunalité, ça fait une intercommunalité pauvre. Donc il faut réellement qu’on réfléchisse à une péréquation budgétaire entre les territoires pour permettre à ces territoires de continuer à pouvoir satisfaire en toute égalité les citoyens français.
Parce qu’aujourd’hui sur ces territoires, il y a la fracture numérique, il y a la désertification médicale, il y a des problèmes de transports. Ça suffit, il faut qu’on mette en avant une véritable politique, et je ne sens pas réellement le Président Macron malgré la conférence des territoires, prêt à être dans cette dynamique-là, puisqu’il demande encore plus d’effort budgétaire, notamment au niveau des fonctionnements. Mais les fonctionnements sont en fait les services publics qui doivent être égalitaires sur les territoires.
Et aujourd’hui, quand je vous disais que j’étais dans une commune rurale qui veut investir dans une salle culturelle, si elle n’a pas des partenaires que sont le département la région, il ne pourra pas réaliser son investissement. Les départements jouent ce rôle d’équilibre des territoires à travers les métropoles et les territoires ruraux.
Il se dit que là où il y aurait des métropoles, on supprimerait les départements. Dans ce cas on supprime l’équilibre territorial et la répartition de la richesse telle qu’elle peut être dans un département entre l’urbain et le rural. Ça, c’est gravissime pour les territoires ruraux.
Il faut également insister sur le problème de la loi telle qu’elle est faite et notamment les normes dans sa mise en œuvre. Je vous prends un exemple, celui de l’accessibilité. Il faut vraiment que l’on fasse la différence entre l’urbain et les territoires ruraux. Dans un pays où on compte un peu moins de 36 000 communes pour la moitié elles sont en dessous de 500 habitants, j’ai l’exemple d’une école qui a des difficultés à se réaliser parce qu’on demande des normes d’accessibilité sur une petite école d’une commune de 400 habitants. Alors qu'on peut très bien la raisonner sur un territoire plus grand comme par exemple cantonal. Il faut qu’on arrive à s’adapter, et surtout laisser la confiance aux élus locaux qui ont suffisamment d’imagination et de créativité pour s’adapter. Et il faut laisser la place dans ce pays à l’expérimentation avant de proclamer une loi. »
Hadhoum TUNC
Conseillère départementale de la Marne
« Je suis élue locale depuis 2008 à Reims. C’est tout naturellement que j’ai eu l’envie de refonder quelque chose à gauche avec François Kalfon et avec tous les élus qui étaient proches d’Arnaud Montebourg sur cet enjeu décisif des territoires.
On voit en six mois les mesures qui sont prises. En tant que conseillère départementale, j’ai déjà des lettres d’associations qui m’interpellent sur les contrats aidés qui arrivent à la fin, et sur le fait qu’elles n’ont pas les moyens de pouvoir établir un contrat d’un autre type pour leurs salariés.
Il y a aussi la fin de la taxe d’habitation qui est effectivement un impôt injuste, mais ça impacte complètement nos budgets dans les collectivités. Ça veut dire encore moins de subvention, encore moins d’investissement etc… Et puis là encore récemment, le problème de la baisse des budgets pour les bailleurs sociaux, ce qui fait qu’il y aura moins d’investissement. Au lieu d’obliger les bailleurs sociaux à faire ce qu’ils ont à faire, c’est à dire par exemple à rénover l’habitat, ce qu’ils ne font pas assez, et bien on leur coupe des moyens de pouvoir réinvestir.
Pour toutes ces raisons-là, en tant qu’élue conseillère départementale, clairement ce sont les territoires qui sont visés, ce sont les missions sociales par exemple pour le conseil départemental, d’aides à la personne, ect, qui sont visés, les plus démunis, les plus précaires. On est dans le dur, le Président des riches, et puis nous, les territoires, on va être encore plus appauvris. »
Maï HAEFFELIN
Conseillère régionale Pays de la Loire
« Il y a de plus en plus une différence au niveau de la qualité de vie pour les gens qui habitent soit dans les métropoles, soit loin des métropoles.
Cette prise de conscience est importante. Par exemple, à Montaigu où j’habite, on a la métropole. Mais elle n’est pas uniquement attractive et dynamique en son cœur, elle irrigue aussi bien localement que les territoires environnants. C’est un aspect positif mais qui est loin d’être le cas partout en France. La dynamique métropolitaine et d’aménagement doit être englobante et emmenée vraiment un large territoire autour d’elle.
Rejoindre territoires en colère, ça a du sens par rapport aux politiques aujourd’hui qui sont mises en œuvre au niveau national. Il faut qu’il y ait des liens qui soient pertinents entre les politiques au niveau plus local. Quand je parle de cette dynamique, elle ne peut pas être faite qu’au niveau national.
En tant que conseillère régionale, je vois tout ce qui peut être fait à l’échelle de la région, et c’est vrai que ces dynamiques, elle ne peuvent être englobantes que si non seulement on pense au niveau national aux collectivités, et puis qu’ensuite au niveau régional et infra-régional, tout se met en place pour créer ces dynamiques. C’est vraiment une histoire de politique. Ce qui me pousse, c’est de créer ces dynamiques. Partout en France on a des territoires plein de ressources et il faut vraiment créer des dynamiques pour que cela entraîne l’ensemble du territoire. Pour moi, c’est le rôle du politique. »
Christophe FERRARI
Président de Grenoble-Alpes Métropole
Maire de Pont-de-Claix
« Pourquoi avoir rejoint territoires en colère? C’est parce qu’il y a aujourd’hui une forme de ras le bol des élus locaux, et pour moi en tant que maire et président de métropole, sur finalement à la fois des discours qui sont assez culpabilisateurs sur les élus, et d’une certaine façon aussi d’une non confiance a priori en direction des élus locaux de la part du gouvernement pour faire avancer des sujets qui sont la vie de nos concitoyens en général.
Je ne me sens pas dans une position aujourd’hui qui fait que la confiance est là, et c’est pour ça que je rejoins territoires en colère. C’est exprimer ainsi ce ras le bol là, nous sommes considérés comme une variable d’ajustement alors que c’est nous qui portons les projets pour l’essentiel d’aménagement, d’évolution et de croissance dans nos territoires qui soient ruraux urbains ou périurbains.
C’est un appel pour dire « faites-nous confiance » pour pouvoir porter les choses localement dans nos mairies, dans nos métropoles, pour porter la dynamique locale en lien avec les habitants et les acteurs territoriaux.
Il y a également un ras le bol des discours qui consistent à pointer les élus, à pointer les territoires qui sont un peu en retard et qui ont besoin d’être boostés collectivement. On a besoin d’être poussé collectivement, on n’a pas besoin d’être mis à l’index sur quoi que ce soit. On a besoin de confiance de la part des acteurs de l’Etat, du gouvernement et du Président de la République, bien sûr. On est là pour servir nos territoires, et c’est cela qui nous importe.
Un exemple très fort qui illustre les conséquences de la politique menée actuellement par le gouvernement: celui de l’aspiration des crédits des agences de l’eau qui est pour moi un vrai scandale. Je considère que c’est un scandale puisque ce sont les usagers qui ont payés au travers de leur facture d’eau pour normalement des projets qui doivent être réinvestis sur le territoire en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des milieux aquatiques e.t.c, pour améliorer les choses. Et là, c’est une approche purement et uniquement comptable, qui vise à aspirer les reliquats des agences alors que c’est de la fiscalité qui a été payée par les gens du territoire, et qui doit être redonnée au territoire. Je trouve ça absolument détestable comme méthode. C’est un exemple parmi tant d’autres mais celui-là est criant parce qu’il est un sujet sur l’investissement, car c’est une capacité d’investir et donc de stimuler l’économie locale qui est remise en cause. »
Elisabeth JUTER
Conseillère régionale Nouvelle Aquitaine
« C’est mon premier et unique mandat, je suis élue d’une collectivité qui est la région Nouvelle Aquitaine. Je suis impliquée de par ce mandat dans de nombreuses structures d’un territoire plus petit qui est le bocage bressuirais dont je suis élue de territoire pour la région. Je vois bien depuis ces deux niveaux d’observation que les territoires sont budgétairement de plus en plus étranglés et que l’Etat ne leur fait pas suffisamment confiance pour prendre des initiatives, pour mener à bien les politiques qui correspondent aux compétences qu’on leur confie. Il n’y a pas les moyens en face de ces compétences. C’est pour cette raison que j’ai rejoint territoires en colère.
C’est aussi dans la continuité de mon engagement dans le projet France d’Arnaud Montebourg avec François Kalfon. Concrètement un exemple pour la région Nouvelle Aquitaine, le fait que l‘Etat décide de ne pas pérenniser le fonds de 450 millions d’euros pour la reprise des actions économiques transférées des départements. C’est pour nous une incapacité financière du coup à assumer les nouvelles compétences sauf à supprimer des politiques utiles. Là en l’occurrence, ça correspond pour la Nouvelle Aquitaine à 50,8 millions d’euros pour l’année 2018. C’est directement du soutien à des PME et des ETI c’est à dire ce que nous pensons être vraiment un des leviers principaux pour l’emploi. Ce sont les PME d’une part et la formation professionnelle d’autre part. Et donc ne pas pouvoir soutenir autant qu’on le voudrait les PME de notre territoire, c’est un crève-cœur et nous ne sommes pas ravis de cela. »
Wilfried SCHWARTZ
Maire de La Riche
Vice-Président de Tours Métropole
Rapporteur de l’AMF sur les contrats de réciprocité villes-campagnes
« Cet été, le pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités territoriales a été rompu avec les annonces brutales du gouvernement. Je ne partage pas la vision centralisatrice et purement comptable que veut nous imposer Bercy. Le gouvernement doit faire confiance aux collectivités territoriales car sans la décentralisation, notre pays ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui en terme de développement économique, d’attractivité et de services publics.
On doit aujourd’hui repenser le rôle de l’Etat qui doit être régulateur social, et non pas vécu comme une contrainte. En tant que maire, cet été le gouvernement a manqué de respect vis-à-vis des maires et des collectivités territoriales. Pour rétablir la confiance le chemin va être long.
Aujourd’hui le défi pour les collectivités territoriales et pour les territoires résident dans la solidarité territoriale. Nous devons passer d’une interdépendance entre les territoires à une complémentarité entre eux.
Un autre enjeu, c’est celui de la solidarité pour ce qui concerne les métropoles au sein même des communautés de communes ou des métropoles. Il s’agit de la solidarité inter-territoriale. Il y a de grandes disparités entre les communes au sein de ces regroupements de communes. Et aujourd’hui les dispositifs d’accompagnement des populations, d’insertion, comme ceux de la politique de la ville sont à restructurer profondément.
Dans une ville comme la mienne, on ne peut pas avoir qu’une vision comptable, il y a nécessairement une vision humaine et sociale. A titre d’exemple, les contrats aidés doivent être regardés comme des formations qui permettent à des personnes en grande fragilité très éloignées de l’emploi d’obtenir un travail et en même temps une formation car les villes les forment. Tel est le cas pour les ATSEM dans les écoles maternelles qui passent le CAP petite enfance. Une personne m’a dit dans le cadre de mon mandat de maire: « cet emploi m’a sauvé la vie ». Et ça, c’est déjà une grande victoire en tant que maire, et pour l’ensemble de la société. Les contrats aidés sont donc utiles parce qu’ils répondent dans le secteur non marchand à une mission de service public, et ils sont utiles pour les personnes elles-mêmes qui sans ces contrats n’auraient eu aucune perspective. »
Juliette BROCARD
Conseillère départementale Pyrénées Atlantique
« J’ai rejoint territoires en colère car on touche du doigt ce qui ne va pas en politique, et derrière c’est également important de parler de ces territoires qu’on a complètement oubliés.
La gauche et le PS sont bipolarisés entre d’un côté le social libéralisme, et de l’autre côté la gauche qui va bien des grandes villes qui ont les moyens de consommer autrement, de vivre autrement, qui ont les moyens de faire de l’écologie. On a oublié toute une catégorie de personnes à qui on ne parle plus. Et c’est à ceux-là qu’on doit s’adresser mais c’est à nous-mêmes également qu’on doit parler.
Mon territoire, c’est une grande partie de Bayonne Nord, c’est une ZUP, il y a 50% de la politique de la ville sur ce territoire-là. Le désengagement sur les collectivités territoriales que le gouvernement a accentué est catastrophique, parce que derrière au niveau des aides des collectivités sur ce genre de politique, on le ressent tout de suite. C’est le cas par exemple du désengagement des collectivités sur la prévention spécialisée. Même chose pour l’arrêt des contrats aidés car on a tout un tissus associatif qui oeuvre dans le social, qui est complètement touché, notamment les centres de loisirs et les centres sociaux. Ce que l’on voit également venir avec la baisse des APL et ce que cela va donner sur les locataires et les bailleurs sociaux, notamment le fait qu’ils ne vont plus pouvoir réhabiliter. Et puis les EHPAD, dont on n’a pas encore pris la mesure des difficultés qu’il y avait dans l’accueil des aînés. C’est ce genre de décision qui va encore plus fragiliser ces organismes et rendre plus difficile la vie des familles. »
Syamak AGHA BABAEI
Vice-Président Eurométropole de Strasbourg
« J’ai rejoint territoires en colère parce qu’aujourd’hui on assiste à une recentralisation des politiques publiques. On le voit dans beaucoup de domaine, moins en ce qui concerne le logement, avec l’excuse de faire des économies, alors que sur les territoires on arrive à inventer des solutions qui sont intéressantes, intelligentes et coopératives.
Par ailleurs on a des enjeux qui sont importants. Je suis élu dans une métropole, mais je ne conçois pas la métropolisation comme quelque chose qui puisse être exclusive. Pour moi, si l’on veut une réussite des métropoles, il faut une politique inclusive des métropoles envers les communes qui sont hors de ces métropoles, qui en sont à la périphérie. Il faut que les politiques publiques puissent cimenter cette relation. Or aujourd’hui on voit que rien que sur la question de la politique du logement ou la stratégie logement avec la disparition d’un certain nombre d’avantages, on va avoir un certain nombre de territoires qui seront désertés en terme d’investissement immobilier, et d’autres qui vont tout concentrer. Là où tout sera concentré, les prix des logements vont grimper, là où il n’y aura plus d’investissement ces territoires vont dépérir, vont perdre en habitants, ensuite en nombre de classe, en commerces de proximité, et donc ce sont des territoires que l’on va laisser à l’abandon.
Je pense qu’il y a une politique de recentralisation, et de l’autre côté une politique d’économie budgétaire à tout va, qui tourne le dos à l’aménagement du territoire face au transport en commun, grâce à une politique de l’habitat, grâce à l’installation des entreprises, en tout cas un maillage du territoire qui fasse en sorte que l’égalité puisse être constatée pour les citoyens en tout point du territoire. Aujourd’hui, il y a un vrai danger de voir de plus en plus ces inégalités territoriales se creuser.
Et puis, derrière, à l’intérieur des métropoles, on a maintenant des métropoles qui sont très inégalitaires. L’Eurométropole de Strasbourg est la deuxième métropole la plus inégalitaire de France. Entre les plus pauvres et les plus riches on a des écarts qui peuvent aller de 1 à 10 parfois.
Tout cela nécessite qu’on puisse se reposer la question des territoires et des politiques publiques à l’échelle des territoires. Je ne suis pas un régionaliste, je pense que l’échelon national doit assurer la péréquation et l’égalité sur le territoire mais il faut aussi laisser les territoires s’organiser car ils peuvent avoir des solutions originales. Nous par exemple sur la métropole de Strasbourg, on a travaillé et on a mis en place un plan de lutte contre les logements vacants qui est certes difficile, mais qui est partenarial. Il commence à porter ses fruits, on sort 100 logements vacants du parc privé et on les conventionne en logement social chaque année. Ce genre de chose se fait à l’échelle d’un territoire où les acteurs se mettent ensemble, discutent, et on avance. Je trouve qu’aujourd’hui la politique du gouvernement va à l’encontre de tout ça, de cette intelligence qui existe dans les territoires. La politique du gouvernement, pas seulement l’actuel mais le précédent aussi, va conduire à une concurrence des territoires les uns contre les autres. Et ça je pense que ce serait une concurrence qui serait mortifère. »
Denis LAMARD
Conseiller régional Bourgogne Franche-Comté
Président de la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse
« J’ai signé l’appel car j’apprécie la démarche. Il n’y a pas un seul jour sans une mauvaise nouvelle de ce gouvernement. Tout pousse à la métropolisation du monde, qu’on soit toujours plus gros plus fort mais dans cela, j’ai l’impression qu’on perd un peu notre âme, l’âme des territoires. On a à faire à une vraie compétition des territoires où chacun doit s’organiser pour peser mais au passage, on perd tout un soutien à ce qui fait la vie d’un territoire rural.
Je vois bien que ce qui est en train de se passer, c’est un délitement de nos campagnes. La baisse des dotations pour les communes, ça veut dire que ceux qui en pâtiront les premiers ce sont les associations, les projets culturels, sportifs, parce que c’est là-dessus qu’on coupe, sur le facultatif. Or le facultatif c’est pour moi le nécessaire, c’est le lien social.
Ainsi la suppression des contrats aidés, c’est une catastrophe sur un plan social. Dans la région, c’est 1500 emplois qui disparaissent pour la Bourgogne Franche-Comté, notamment dans les associations et une fois de plus un impact sur la vie même de nos territoires, donc je suis furieux.
Je souhaite au niveau national un réseau pour la défense de nos territoires. »
Cléo SCHWEITZER
Conseillère régionale Grand Est
Conseillère municipale de Mulhouse
1ère Fédérale du Bas Rhin
« Pourquoi avoir rejoint ce mouvement? C’est parce qu’aujourd’hui les décisions doivent partir du local, en tout cas on doit faire du local au global, parce que je pense que les territoires sont quand même les mieux placés pour mettre en place des politiques en phase avec les aspirations et les besoins de leurs habitants.
Je trouvais que c’était une bonne manière aujourd’hui de parler à l’Etat. On peut légitimement je pense le soupçonner de vouloir recentraliser un certain nombre de politiques et de décisions, et je pense que ce n’est pas forcément la bonne méthode.
En fait, en tant que conseillère régionale, je soutiens le fait avec l’ensemble de mes collègues du groupe socialiste, que la région contractualise avec les territoires, c’est à dire que la région ne fasse pas comme l’Etat, décider et essayer de mettre en application des politiques descendantes; mais bien au contraire, à partir des axes de ses compétences, qu’elle s’adresse aux territoires et qu’elle contractualise un certain nombre de dossiers et de projets pour tenir compte des caractéristiques locales. »
Olivier GIRARDIN
Maire de La Chapelle-Saint-Luc
Vice-Président de Troyes Agglomération
« J’ai rejoint territoires en colère pour la raison qu’il met le doigt et en exergue un sujet qui me tient énormément à coeur, qui concerne l’aménagement de notre territoire, son évolution et les éléments fondamentaux qui sont contenus dans ce qui est en train de se passer. La désertification, les métropoles qui fonctionnent comme des trous noirs absorbant toute la matière, la bonne comme la mauvaise, c’est à dire les éléments de la surpopulation, de surexploitation des ressources des territoires qui sont les siens, et puis il y a en face des territoires ruraux mais aussi
semi-urbains qui sont eux, largement handicapés par cette question du poids des métropoles.
Je ne crois pas qu’il faille opposer les métropoles au reste du territoire, ce que ne fait pas, d’ailleurs, territoires en colère. Les métropoles gagneraient à créer des équilibres beaucoup plus solides entre leurs espaces et les espaces dédiés à la croissance des territoires et à leur gestion correcte, équilibrée et organisée. Je ne dis pas non plus qu’il faille réinventer la DATAR, par contre je pense que néanmoins l’Etat a un rôle à jouer en laissant les territoires s’organiser, avec des éléments d’harmonisation entre eux.
C’est cela qui me paraît essentiel, c’est à dire qu’il faut inventer le 3ème âge de l’aménagement du territoire. Pour moi il y a eu le 1er âge qui est la déconcentration: Paris et le désert français. On a créé les fameuses métropoles d’équilibre. Aujourd’hui ces métropoles d’équilibre sont des métropoles du niveau européen. On a eu cet épisode là, puis on a eu la décentralisation de l’organisation spatiale, politique et administrative du territoire. Et le 3ème âge pour moi c’est le rééquilibrage entre le développement des zones périphériques, interstitielles comme on dit en langage techno. Il faut un développement équilibré pour désengorger des problématiques lourdes que vivent les métropoles qui sont obligées de dépenser un argent fou pour gérer la question de la pollution par exemple, et de l’autre côté des territoires qui pourraient se développer si on leur donnait les moyens de le faire.
J’ai signé l’appel parce que sur la partie qui décrit le phénomène auquel on assiste, les raisons du phénomène et les problématiques auxquelles nous souhaiterions en tant que signataires pouvoir contribuer et apporter notre pierre me paraissent positives. Ce qui m’a intéressé c’est la problématique positive de ce que moi j’appelle le 3ème âge de l’aménagement du territoire, qui est à la fois une nécessité démocratique, une nécessité sociale et politique, qui est aussi une nécessité fonctionnelle organisationnelle, d’efficacité, pour reprendre les termes qui nous sont rabâchés à longueur de journée.
Par rapport aux politiques qui sont actuellement menées et aux enjeux de mon territoire, je tirerai une sirène d’alarme sur la forme et le fond. Sur la forme, on continue à nous expliquer une chose en début d’année dont on change les règles en cours d’année, nous laissant seuls face aux populations pour traiter les sujets. Je parle de l’organisation des services avec l’apport qu’à constitué pour nous la raréfaction de l’argent public, avec par exemple la question des emplois aidés mais aussi des éléments de politique de la ville. Avoir osé taper 90 millions sur les budgets de la politique de la ville, au coeur de l’été, il faut quand même oser. Ca a des conséquences extrêmes concrètes sur le territoire, et c’est nous qui gérons, c’est nous qui disons aux gens « oui nous avions prévus cela mais ça ne va plus être possible. » C’est nous qui disons, « je n’ai plus de place en périscolaire, mais je ne vois pas comment je peux faire. » D’un côté, on me demande constamment de réduire mes dépenses, et de l’autre côté on change les règles en cours de jeu, et moi je me retrouve à gérer vis-à-vis de la population des situations qui ne dépendent pas de mes engagements.
C’est une question de forme et c’est une question de fonds parce qu’on voit bien ce qui se passe autour du mouvement HLM. On voit ce qui se passe dans cette espèce de grille de lecture plaquée d’en haut, avec des préjugés dans tous les sens sur la nécessité de faire des économies. Ce qui est un bon principe dans la vie quand on gère de l’argent public, moi j’en fais tous les jours des économies. C’est nous qui avons le rapport avec le territoire, c’est nous qui voyons les gens. Il y a en effet des choses à faire, par exemple je suis un fervent partisan des communes nouvelles. J’estime non pas qu’il y a trop de communes en France, ce n’est pas mon sujet le nombre, mais c’est qu’en fait, en terme de politiques publiques, sur un territoire comme le mien qui est un territoire aggloméré, sur son bassin historique d’agglomérations, dire que nos communes sont séparées par un trottoir, le finage de nos communes a quelque chose de contre intuitif. Moi j’ai 60% de logements sociaux, je suis la 17ème ville la plus pauvre de France pour une ville de 13 000 habitants, donc j’ai une certaine expérience de ce que peuvent être les déséquilibres internes à des agglomérations comme les nôtres. Il faut que les élus, s’ils ne veulent pas subir des réformes inadéquates, inadaptées, sans intérêt en matière d’aménagement du territoire, se mobilisent et réagissent pour les structurer eux-mêmes.
Si je reviens sur la question de la forme et du fond, la forme c’est l’absence totale de parole de l’Etat, qui sous prétexte qu’il a un budget à finir revient sur tous les éléments concrets de politiques publiques qu’il met en direction des territoires. Sur le fond, cette stratégie consistant à nous rationner de manière uniforme sur le territoire, ce qui amène à des aberrations. Par exemple, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) est considérée désormais comme une variable d’ajustement, alors qu’elle a été inventée parce que justement il fallait pallier des situations spécifiques sur des territoires spécifiques.
On est dans une situation inepte consistant à rationner les territoires de manière très autoritaire. Et moi je suis partisan à ce que les élus locaux soient actifs dans la capacité qu’ils ont à accepter le principe de mutation de mouvement auquel on doit s’astreindre en vertu des politiques publiques qu’on défend et des gens. »
L’appel des « sans »
Partout dans le monde, le phénomène inexorable de concentration urbaine creuse de profondes inégalités entre les territoires mais également, ne nous y trompons pas, au sein même des métropoles. Parfois, une seule rue les sépare. Contrairement à la vision libérale, une métropole solidaire a vocation à jouer un rôle actif de cohésion sociale et territoriale.
D’un côté, certains espaces urbains, territoires conquérants, éduqués et mobiles et, de l’autre, une immense « périphérie », territoires populaires, ruraux, post-industriels, périurbains, banlieues, tous désintégrés sous l’effet d’une nouvelle ère de la mondialisation libérale comme l’ont démontré Laurent Davezies ou Christophe Guilluy.
Dans ces territoires délaissés, nous constatons le même sentiment de déclassement, la même crainte de relégation ou d’abandon. Les mêmes symptômes entraînant les mêmes maux, nous assistons impuissants au repli identitaire et à la poussée constante de l’extrême droite.
En Angleterre, le plus fort soutien au Brexit s’est ainsi trouvé dans le cœur des Midlands et autour de certaines vieilles villes industrielles du nord.
Aux Etats Unis, le vote Trump (“le Brexit puissance 3 ” comme l’a lui-même déclaré le Président américain) s’est également concentré dans le Midwest rural, les banlieues tentaculaires de Floride avec leur électorat blanc modeste ou encore dans la « Rust Belt » cette ceinture des anciens bastions industriels (Michigan, Ohio, Illinois) tandis que New York ou San Diego (proche de la Silicon Valley) épousaient une ligne social-libérale.
En Allemagne, en dépit de la victoire d’Angela Merkel, le parti d’extrême droite AfD connaît une progression historique dans l’électorat (notamment en Saxe) jouant sur la peur du déclassement, la crise migratoire et ravivant le clivage Est-Ouest.
En France, le Front National est arrivé une nouvelle fois au deuxième tour de l’élection présidentielle. Si Emmanuel Macron a réalisé des scores élevés au cœur des principales métropoles, le Front National perce chaque jour un peu plus dans les campagnes, les territoires périurbains et ouvriers, les périphéries et banlieues des grandes villes. Dans notre pays, la concentration territoriale s’accélère à vue d’œil détruisant toujours plus d’emplois et provoquant sans cesse plus de départs des populations dans les périphéries des métropoles.
De même, la détestation des territoires est dans notre pays une pente structurelle. Elle découle de l’alliance des politiques libérales et d’une haute administration d’Etat mondialisée (Cour des Comptes, Bercy et Trésor en tête) qui n’a jamais véritablement digéré les lois de décentralisation et cultive, dans un réflexe typique de l’Ancien Régime, une méfiance historique vis-à-vis des territoires (Michel Rocard l’avait parfaitement illustré dans son Manifeste “Décoloniser la province”).
Emmanuel Macron en est la parfaite incarnation, le triomphe même. Comme pour les filiales de grands groupes du CAC 40, les territoires sont aujourd’hui classés tantôt en « centres de profit », en espaces « high po » (pour haut potentiel), « high tech » ou alors, pour une immense majorité de l’espace français, en « centres de coûts ». Est-ce réellement cela le nouvel âge de l’aménagement du territoire français ?
En tous les cas, ce mépris social et territorial s’illustre très clairement dans la véhémence avec laquelle le Gouvernement orchestre la reprise en main technocratique des collectivités locales par une
« élite sachante ». Tout est minutieusement orchestré et programmé : mise sous tutelle des budgets locaux, retour au contrôle a priori des décisions, baisse des concours financiers de l’Etat, suppression de levier fiscaux dont les produits seront – comme toujours – imparfaitement compensées, réduction du nombre de contrats aidés mettant à mal tout le secteur associatif de proximité, baisse drastique des crédits de contractualisation notamment dans le champ de la politique de la ville, de l’insertion, de la ruralité ou encore du logement social.
Mais enfin, à défaut d’inventer la DATAR du 21ème siècle, ne pourrait-on pas faire confiance aux territoires plutôt que de les asphyxier à petit feu par un social-libéralisme à bout de souffle dont plus personne, ni en Europe ni dans le monde, ne semble réellement vouloir ? Face à cette vision comptable, nous proposons une vision plus humaine et sociale.
Nous voulons transformer notre colère en une énergie positive. Nous ne manquons pas d’idées pour rationaliser les dépenses publiques notamment en mettant fin aux doublons avec les services de l’Etat et entre collectivités dans des domaines aussi variés que la formation professionnelle, l’économie, l’emploi, l’environnement ou encore les routes et les transports. Chaque jour, nous nous levons en ayant la ferme ambition d’innover, de coller au plus près des transformations sociétales, des nouvelles attentes de nos citoyens.
Nous déployons le très haut débit qui facilitera à terme le développement du télétravail dans notre pays. Nous développons de nouvelles activités artisanales qui embauchent près de 100 000 personnes chaque année. Nous installons des moyens de transports adaptés qui permettent à nos populations de rester dans des territoires auxquels elles sont attachées tout en allant travailler au sein de pôles économiques de proximité. Qui aujourd’hui a entendu parler des « contrats de réciprocité villes-campagnes » contrats par lesquels les espaces ruraux en proximité des aires métropolitaines fournissent en circuits courts des produits de qualité aux écoles et inversement, par un appui technique du CHU de l’aire métropolitaine, des maisons de santé sont implantées dans l’aire rurale de proximité ? Qui pour se demander comment, au sein des métropoles comme entre les métropoles et les territoires avoisinants, toutes et tous peuvent participer d’une même dynamique territoriale convergente ? Rénovation urbaine, villes connectées, territoires ruraux numériques, opendata pour de nouveaux usages économiques, innovations en matière de mobilité, éco et agro quartiers, projets d’investissements créateurs d’emplois de proximité, nos territoires ne manquent pas d’idées et de projets.
La suffisance de nos nouvelles élites empêche parfois le discernement nécessaire pour voir, entendre et – peut-être – accepter que le développement décentralisé de notre pays permet de conforter le développement économique et le bien-être social, cela sans être en contradiction avec le rôle d’un Etat régulateur et investisseur. De nombreux territoires ont par exemple enclenché des stratégies intégrées de transition énergétique ou encore des réflexions sur la mise en place de monnaies locales ou bien des nouveaux indicateurs de développement et de bien-être social.
En Ile de France, haut lieu de la concentration démographique et économique, le Grand Paris Express – métro circulaire reliant les banlieues entre elles pour désengorger Paris – a été lancé après des années de tergiversations. Il serait temps qu’à l’échelle nationale nous mettions fin au réseau ferroviaire en étoile où tout transite par Paris et qu’enfin des moyens soient investis par l’Etat pour boucler les projets de transports interterritoriaux.
C’est un nouveau logiciel politique qu’il va nous falloir inventer. Nos territoires ont de la colère, de l’indignation mais aussi de l’énergie et de l’ambition. Sans une nouvelle République décentralisée et mature, sans confiance dans les territoires, notre pays demeurera paralysé, bloqué et malade. Il y a urgence à nous aider à créer cette nouvelle dynamique en faveur des territoires.
François Kalfon, Membre de la direction collégiale du Parti Socialiste, Conseiller régional Ile de France
Cléo Schweitzer, Conseillère régionale Grand Est, Conseillère municipale de Mulhouse, 1ère Fédérale du Bas Rhin
Henri Cabanel, Sénateur de l’Hérault, Viticulteur
Elisabeth Jutel, Conseillère régionale Nouvelle Aquitaine
Hervé Corouge, Vice-Président du Conseil départemental de Loire-Atlantique
Marc Vuillemot, Président de l’association des Maires Ville et Banlieue de France (AMVBF), Maire de La Seyne-sur-Mer, Vice-Président de Toulon Métropole
Wilfried Schwartz, Maire de La Riche, Vice-Président de Tours Métropole
Christophe Ferrari, Président de Grenoble Métropole, Maire de Le Pont-de-Claix
Adeline Lhonen, Maire de Batz-sur-Mer, Vice-Présidente de Cap Atlantique
Stéphane Raffalli, Maire de Ris-Orangis, Conseiller départemental de l’Essonne, Vice-Président de Grand Paris Sud
Thierry Suaud, Maire de Portet-sur-Garonne, Conseiller régional d’Occitanie
Jocelyne Rejasse, Maire de Vayres, Conseillère départementale de la Haute-Vienne
Olivier Girardin, Maire de La Chapelle-Saint-Luc, Vice-Président de Troyes Agglomération
Maï Haeffelin, Conseillère régionale Pays de la Loire
Jean-Pierre Roussarie, Maire de Coulounieix-Chamiers, Vice-Président du Grand Périgueux
Juliette Brocard, Conseillère départementale Pyrénées Atlantique
Henri Valès, Maire de la Charité-sur-Loire, Président de la Communauté de communes Loire, Nièvre et Bertranges
Yann Galut, Conseiller départemental du Cher, Ancien Député
Hadhoum Tunc, Conseillère départementale de la Marne
Philippe Brugère, Maire de Meymac, Vice-Président de l’association des maires ruraux de Corrèze
Habiba Bigdade, Maire adjointe de Nanterre, Grand Paris Seine Ouest
Laura Gandolfi, Vice-Présidente de Lyon Métropole, Maire adjointe de Villeurbanne
Patrice Laurent, Maire de Mourenx, Conseiller régional Nouvelle Aquitaine
Denis Lamard, Conseiller régional Bourgogne-Franche-Comté, Président de la fête de la Rose de Frangy-en-Bresse
François Chemin, Maire de Fourneaux, Conseiller régional Auvergne Rhône-Alpes
Nadia Bakiri, Conseillère régionale Occitanie
Gilles Noel, Maire de Varzy, Vice-Président du Haut-Nivernais Val d’Yonne
Aurélien Ferlay, Maire de Moras-en-Valloire, Président de l’association des maires ruraux d
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