Saône et Loire

A Saint-Martin-la-Patrouille, un étonnant jardin partagé : le "Jardin des 7 sens"

A Saint-Martin-la-Patrouille, un étonnant jardin partagé : le "Jardin des 7 sens"

Ouvert depuis le mois d'avril 2017, le Jardin des 7 sens, issu d'un projet pensé par personnes sensibilisées au handicap, principalement en raison de leurs expériences professionnelles, peut désormais accueillir jusqu'à 10 personnes âgées et/ou "en situation de handicap". Il offre des solutions de répit aux familles dont les membres ne sont qu'imparfaitement pris en charge par les institutions spécialisées existantes, souvent engorgées. Le point avec info-chalon.com.

Si, lors de la dernière élection présidentielle, les personnes présentant des troubles autistiques plus ou moins lourds ont bénéficié de l’attention des candidats à la magistrature suprême (Lire ICI), elles retombent assez vite dans l’oubli, une fois le nouveau « monarque républicain » désigné. En quelques mots, la montagne a accouché d’une souris, famélique de surcroît (Lire ICI).  Et les familles desdites personnes, qui attendaient beaucoup de leurs propositions, ont pu vérifier à leurs dépens, comme d’ailleurs la plupart des électeurs, le bien-fondé d’un adage que l’on devrait, paraît-il, à Charles Pasqua : « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ».

C’est ainsi qu’en France, contrairement à un pays pourtant battu 1 à 0 par les Bleus lors de la Coupe du Monde de pied-ballon - la Belgique – (Lire ICI), les personnes présentant des troubles autistiques demeurent aujourd’hui encore la dix-huitième roue du char. A tout le moins pour les institutions et les autorités publiques nationales.

Fort heureusement, au niveau des autorités publiques locales et de ce que l’on nomme la « société civile » (associations, entreprises, syndicats de salariés, organisations patronales, citoyens « ordinaires »), des gens se préoccupent de ces personnes demeurant invisibles et tentent de venir en aide, souvent avec succès, à leurs familles (Lire ICI). Des familles au bord du « burn-out », consumées de l’intérieur par la léthargie récurrent des pouvoirs publics. Par la contradiction patente entre les discours grandiloquents des tribunes ponctués d’effets de manche et l’immobilisme sur lequel il débouche. Par l’absence d’écoute. Par la fatigue psychique et physique. Par l’indifférence quasi généralisée à leur égard (Lire ICI et ICI).

Ceci étant, les lieux institutionnels de prise en charge des personnes présentant des troubles autistiques demeurent insuffisants en nombre. Et, lorsqu’ils existent, ceux-ci, engorgés (Lire ICI et ICI), ne sont peut-être pas toujours parfaitement adaptés aux besoins de leurs pensionnaires, encore moins à ceux de leurs proches (familles, amis – en un mot : « aidants »). Parce que, dans les faits, les personnes présentant des troubles autistiques ne sont pas une priorité. Parce que les moyens humains et financiers manquent. Parce que l’administration, kafkaïenne (Lire ICI), décourage les initiatives, douche les ardeurs, éteint les flammes. Et d’autant plus depuis que, plus pour faire de prétendues économies que pour en finir avec par des tonnes de paperasses inhérentes à ses chères procédures au sabir incompréhensible du profane, les pouvoirs publics se sont jetés à corps perdu dans la « dématérialisation » (Lire ICI).

Est-ce un tel constat qui a motivé la création du Jardin des 7 sens, structure associative située à Saint-Martin-La Patrouille, à côté de Joncy ? Une chose est sûre : les « adultes handicapés sans solution », terme qui permet aussi bien de recouvrir d’un voile pudique les « personnes présentant des troubles autistiques » que d’autres « personnes en situation de handicap » dont les pouvoirs publics ne savent trop que faire, ont désormais un lieu où ils peuvent enfin devenir des êtres humains presque comme les autres.

Un projet pensé par des professionnels de l’éducation spécialisée et des situations de handicap, soutenu par une multitude d’acteurs publics et privés locaux

A la base du Jardin des 7 sens, situé à deux pas de la route départementale reliant Joncy à Saint-Bonnet-de-Joux, il y a « un projet pensé, depuis plusieurs années, par des personnes sensibilisées au handicap et très motivées » : les trois salariées actuelles de l’association, qui ont exercé pendant 25 années dans différentes institutions et dans le secteur saône-et-loirien du handicap et des personnes âgées ; le propriétaire des lieux, artisan en espaces verts et bâtiment, qui a mis gracieusement à disposition dudit projet des parcelles de terrain et des locaux.

Un projet qui, partant du constat que certaines familles souhaitaient et souhaitent encore trouver « un lieu ressource qui serait pour elles plus adapté aux besoins spécifiques de leur proche concerné par le handicap », vise entre autres à proposer des « solutions pour les usagers et les aidants, les week-ends et en vacances, pour bénéficier d’un peu de répit ».

Un projet bien pensé ? Ce qui est certain, c’est qu’il a en tous cas convaincu nombre d’acteurs économiques et publics locaux de soutenir le Jardin des 7 sens. Car celui-ci ne repose pas « que » sur un réseau de bénévoles impliqués et d’associations non moins impliquées, à l’instar de Système Bis (Lire ICI) ou de « club service » tels que le Rotary (Lire ICI) ou le Kiwanis (Lire ICI). En effet, le Jardin des 7 sens a su fédérer autour de lui une députée (Josyane Corneloup), des collectivités publiques (le SIRTOM de Cluny présidé par Michel Mailla, dans le cadre du contrat Zéro Déchet Zéro Gaspillage ; le Conseil départemental de Saône-et-Loire présidé par André Accary, qui a délivré un « agrément pour le fonctionnement d’une structure expérimentale d’Accueil thérapeutique Educatif et de Loisirs ») et de nombreuses communes (dont Joncy et Saint-Martin-la-Patrouille). Il a également su impliquer des professions libérales de la santé (médecins, pharmacies, cabinets médicaux) et des entreprises, comme par exemple Bourgogne Conseil Distribution – Protection Incendie, dirigée par Eric Bouteiller (Lire ICI).

Un projet qui allie le travail et le bien-être, en proposant aux personnes âgées et/ou en situation de handicap un panel d’activités liées à la nature et à la culture

Une fois les pieds mis dans le Jardin des 7 sens, le doute n’est guère permis : on n’est pas dans l’effroyable « Nid de coucou » décrit par Ken Kesey dans un roman publié en 1962 et immortalisé en images par Milos Forman dans son film-culte de 1975. Encore moins dans un endroit d’où l’on souhaiterait partir le plus rapidement possible.

A peine arrivé, info-chalon.com tombe sur Vincent, un jeune « Asperger » (une forme spécifique des troubles du spectre de l’autisme, Lire ICI), pensionnaire permanent du Jardin des 7 sens. D’emblée, le sympathique Vincent est intarissable et fait preuve d’un humour caustique. Il réunit donc toutes les conditions pour plaire à info-chalon.com.

Comme info-chalon.com est arrivé 30 minutes en avance à cause de mauvais renseignement fournis par sa saleté de GPS, Vincent va prévenir Annie, qui ne nous attendait pas si tôt. Musicothérapeute et hortithérapeute, Annie, est une sorte de Cicéron : un guide précieux pour visiter un lieu qui, contrairement à celui de l’œuvre de Dante, ressemble bien plus à un paradis qu’à l’Enfer.

Les salutations terminées, elle nous présente Kevin, le « coloc » de Vincent – Ils logent tous les deux dans le gîte rural à proximité, tenus par des amis du Jardin des 7 sens. Kevin, « Asperger » lui aussi, est plus réservé que Vincent, sauf, paraît-il, quand les Bleus triomphent d’une équipe concurrente. C’est-à-dire comme la plupart de ceux qui ont saboté le sommeil d’info-chalon.com durant la nuit de dimanche à lundi. S’il n’est pas très expansif, Kévin observe tout, en silence, l’œil aussi goguenard que perçant. Il constitue, en ce sens, un parfait pendant au volubile et attachant Vincent.

(à g., Kévin ; à d., Annie)

Les présentations faites, Vincent et Kévin expliquent leurs vies respectives, les institutions par lesquelles ils sont passés, leurs origines. Ils racontent comment ils ont aidé à faire du Jardin des 7 sens ce qu’il est actuellement : un lieu où, via diverses activités liées à la nature et à la culture, ceux qui le fréquentent se connectent progressivement au monde qui les entoure avec, semble-t-il, beaucoup de succès.

Depuis qu’il vient au Jardin des 7 sens, Vincent est devenu un spécialiste du compost. C’est aussi un virtuose de la pyrogravure. Kévin, lui, en plus d’être doté d’une mémoire d’éléphant, est, à ce qu’on a compris, un baratineur de première : sur les marchés sur lesquels ils se rendent pour vendre leurs productions en musique (objets d’art-déco, notamment), il se situerait entre le bateleur de foire et le vendeur lyonnais campé par le comique Sélig dans un de ses sketches (Voir ICI).

(Une chaise pyrogravée par Vincent)

(Des objets fabriqués par Vincent et Kévin, vendus sur les marchés)

En dehors de ces domaines de prédilection, que font-ils de leurs journées au Jardin des 7 sens ? Parfois, ils ne font « rien », tout simplement parce que, comme le rappellera en rigolant Vincent à la fin de la visite, étendu dans une chaise longue, une glace à la main : « Eh ! On est basé sur le bien-être ! ».

 

(Vincent : « Eh !  On est basé sur le bien-être ! »)

Plus souvent, ils apprennent, par l’intermédiaire d’activités éducatives et thérapeutiques multi-sensorielles, à ressentir et connaître le monde dans lequel ils vivent. Concrètement, ils jouent de la musique. Ils s’éclatent avec Thierry Veaux, président de l’association, propriétaire des lieux et homme de goût puisque, à l’instar d’info-chalon, il semble aimer le Trash Metal de Slayer.

En dehors de cela, ils s’occupent de poules et de lapins, dont les secrets de clapier semblent fasciner Vincent, en même temps qu’ils l’égayent. Ils font aussi du yoga avec Satya, une bénévole venue en compagnie de son amie Monique durant la visite d’info-chalon.com. Ils cultivent également, en permaculture, des fruits et des légumes.

(de g. à d. : Satya, professeure de yoga depuis 15 ans ; Kévin, Annie, Vincent et Monique, une amie de Satya)

(à g., Thierry Veaux)

Ils font, en quelques mots, travailler leur sens. Les cinq sens que nous connaissons : le toucher, le goût, l’odorat, la vue, l’ouïe. Et ceux dont nous commençons, dans le sillage d’une nouvelle de Guy de Maupassant dans Le Horla, à admettre la probable existence : l’intuition, la proprioception (« le rapport du corps avec l’espace »). D’où le nom de l’endroit : le Jardin, non pas des cinq sens, mais des sept sens.

Un lieu pouvant accueillir jusqu’à 10 personnes

Traités comme les êtres humains qu’ils sont, plutôt que comme des « cas pathologiques » ou des exceptions à la règle de la normalité, ils apprennent surtout, en développant leur potentiel, à vivre en société, à s’y insérer. Et ceci malgré ceux qui, par ignorance ou peur de la « différence », déploient des trésors d’ingéniosité, parfois inconscients, pour les invisibiliser afin, peut-être, de ne plus être taraudés par les questions que leur existence soulève.

Actuellement occupé à temps complet par ces deux « Asperger »,  le Jardin des 7 sens n’est pas seulement ouvert à ceux que l’on qualifie toujours trop rapidement d’ « autistes » ou à l’aide de formules absconses, comme par exemple celle de « personnes atteintes de troubles envahissants du développement ». Il est ouvert à toutes les personnes âgées et/ou en situation de handicap. Fort d’une éducatrice spécialisée formée à l’autisme, d’une monitrice éducatrice expérimentée en maladies psychiques, d’Annie et de nombreux bénévoles, il peut accueillir jusqu’à 10 pensionnaires, et donc offrir un véritable accompagnement personnalisé (pas plus de trois personnes par éducateur). Adhérent à l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales), il sera visité le 27 septembre prochain par des représentants du Conseil départemental de Saône-et-Loire et de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Il est donc plus que très bien parti pour devenir une bonne adresse pour toutes celles et ceux qui, en Saône-et-Loire, ne renoncent pas à l’idée que des êtres humains, leurs enfants ou leurs proches, puissent être enfin traités comme tels. Et non pas comme des numéros de dossier.

Samuel Bon

Infos pratiques

Jardin des 7 sens

Val Echo La Bellevelle

71 460 Saint-Martin-La-Patrouille

email : [email protected]

Téléphone : 06.07.60.39.62

Site Internet : http://jardindes7sens.fr/

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