Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON-SUR-SAÔNE : Quand les policiers dégainent à Châtenoy face à un homme menaçant, insultant et provocateur

TRIBUNAL DE CHALON-SUR-SAÔNE : Quand les policiers dégainent à Châtenoy face à un homme menaçant, insultant et provocateur

Le lundi 28 mai dernier, rue de la Libération à Châtenoy-le-Royal, des policiers ont dû dégainer.

Trois policiers ont sorti leurs armes parce qu’un homme, dans la pénombre de la nuit qui tombait, avançait lentement vers eux, portant deux armes, menaçant. L’épouse de ce monsieur a frappé le bras qui tenait un couteau, le couteau tombe, les policiers déploient leurs bâtons de défense et interviennent. Le monsieur les insulte, et, pour faire bon poids, lance des mots qui pourraient relever de l’apologie du terrorisme. Il est jugé ce lundi 17 juillet en comparution immédiate, il comparaît libre, d’une certaine façon.
En effet ce n’est pas un homme libre qui se tient à la barre, même s’il a échappé à la détention provisoire, aux escortes et aux menottes pour ses déplacements. On va l’appeler Rémy. Il a 49 ans. Que cherchait-il à aller ainsi au contact des policiers que sa femme avait appelés ? « Je voulais me faire tirer dessus, je voulais en finir, je n’en pouvais plus. » La présidente Caporali salue le sang froid des intervenants, maître Bibard, qui plaide pour eux, eux victimes d’outrages et de violences, le souligne aussi : « La police chalonnaise est une police pondérée. Ce jour-là, si le prévenu s’était trouvé sur le sol américain, il aurait été criblé de balles, car il mettait les policiers en joue. »
Le fusil était factice. Le prévenu avait trop bu, il a continué les insultes, et en garde à vue se cognait la tête contre la vitre en plexiglas de la geôle. « Lorsqu’il sort de chez lui, plaide maître Diry, il est au-delà de la provocation car il sait qu’il est en train de perdre sa femme. » Sa femme : « J’ai perdu mes parents à 7 ans, je l’ai connue à 18 ans. » Pour dire la place qu’elle occupe dans sa vie et son esprit. Une place première, essentielle, et pourtant, ce soir-là, il l’a perdue. Ce soir-là il était parti boire l’apéro vers 17 heures, il est rentré chez lui à 20 heures, se vautrer sur le canapé en mangeant avec les doigts. Sa femme lui apporte des couverts. Elle en avait déjà marre, ça faisait un moment qu’il l’insultait méchamment, « t’es pas bonne au lit », « sale pute », « t’es vieille ».


Alors, quand il lui a mis un coup de tête, ce lundi 28 mai, elle a appelé les forces de l’ordre, et a demandé qu’il ne puisse plus paraître au domicile. « Je suis tombé dans l’alcool quand je n’ai plus eu de travail, en novembre 2017, et à cause de mauvaises fréquentations. » Rémy est depuis quelques semaines en cure de désintoxication. Il en bave. 24 comprimés de 12 médicaments différents chaque jour, et puis des entretiens psy chaque jour aussi. On le tient fermement, et c’est nécessaire. Sa prise de sang raconte une consommation excessive d’alcool pendant longtemps. « Nous, auxiliaires de justice, et vous, magistrats, on doit se réveiller : se faire soigner pour l’alcool, ce n’est pas aller discuter chez un médecin et faire des prises de sang » relève son avocat. Lors de cette audience, trois dossiers, trois alcooliques.


Rémy pleure à la barre, il pleure son fils qui ne veut plus le voir, qui ne l’a « même pas appelé pour la fête des pères ». Les magistrats (juge et procureur) lui rappellent le contexte : son propre fils a dû le ceinturer pour protéger sa mère ce soir-là. Quel enfant, fut-il majeur, en sort indemne ? Les gens formés aux problèmes des violences conjugales le disent tous : tous les enfants sont victimes, car être témoin, c’est être victime, dans ces conditions. Et comment ne pas savoir que frapper et insulter, c’est flinguer une relation ?
« Ce soir-là, si ces hommes avaient fait feu, je ne leur aurais pas reproché. » C’est le chef du parquet qui parle. Damien Savarzeix prend le temps, le temps de restituer à ce prévenu une représentation de son comportement, une représentation lavée de tout pathos autour de cette place que son épouse a certainement dans son imaginaire, mais pas dans la réalité : « A qui devez-vous de ne pas avoir été abattu ? A votre femme, qui vous a désarmé. Ça fait combien d’années qu’elle vous subit ? Que vous arrivez alcoolisé à la maison, sale, à vous allonger sur le canapé et à manger avec les doigts ? Et votre fils ? Pour un fils, un père c’est un modèle. Et les insultes à sa mère ? La seule chose qui plaide pour vous, c’est que vous vous êtes pris en main. Il fallait vous mettre aux portes de la détention pour que vous changiez. Vous êtes condamné jusqu’à la fin de votre vie, à ne plus boire d’alcool. » Le procureur requiert de la prison assortie de sursis mis à l’épreuve. « Si vous récidivez, je demanderai votre incarcération immédiate. »


« On pourrait vous parler de ‘la part de l’autre’ », attaque maître Diry qui a assisté aux deux jugements qui précédaient. Deux dossiers imbibés d’alcool dans des proportions qui mènent aux infractions et aux délits, parfois aux crimes. Deux prévenus clamant « c’est pas moi ! C’est pas moi c’est l’alcool, c’est pas moi, c’est l’autre. » La part de l’autre ici n’est pas la part de l’ange mais celle du démon : « Mon client a évolué, pour reconnaître ce qu’il a fait, en s’en souvenant, et en l’assumant. Il veut s’en sortir, et s’éloigner de cet autre-là », qui a flingué ce qu’il avait de vie construite.


Le tribunal condamne Rémy X à 6 mois de prison assortis d’un sursis mis à l’épreuve de 2 ans. Obligations de se soigner, et de travailler ou de se former, et d’indemniser les victimes. Interdiction de paraître au domicile de son épouse, laquelle ne demande pas d’autre réparation. Il devra verser aux policiers 350 euros chacun et 500 euros pour leurs frais de défense. « J’en avais marre de la vie. Je buvais de plus en plus chaque jour, et je savais que j’allais faire une grosse bêtise. »

FSA