Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Il partageait des images pédopornographiques sur le web
Publié le 24 Décembre 2019 à 11h24
« Ce sont des photos, mais vous participez néanmoins à ces actes de viols, de violences et d’agressions, commis sur des enfants du monde entier. C’est ça qu’il faut comprendre, monsieur. » Christel Benedetti, substitut du procureur, enfonce le clou, comme les trois juges réunis en chambre des comparutions immédiates, ce lundi 23 décembre, l’ont fait avant elle.
Monsieur voit donc son discours contrarié depuis le début de l’audience. Son discours ? « J’ai eu une enfance très difficile. Placé quand j’étais bébé jusqu’à 8 ans. Puis ma mère s’est marié et a pu me récupérer. Mon beau-père a abusé de moi pendant 3 ans. J’en ai parlé à ma mère, elle ne m’a pas cru, elle m’a giflé. Mais ma sœur sortait avec un garçon dont les parents travaillaient à l’hôpital, ils ont donné l’alerte. » C’est davantage qu’un discours, c’est le récit synthétisé de ce qui le plombe, le hante, et vient, selon lui expliquer qu’il aille, quand il se sent « seul, abandonné » et qu’il « bloque », se renfermer sur son téléphone et aille surfer sur des sites proposant des images d’enfants abusés. Alors, « je me demande pourquoi on m’a choisi, moi, pourquoi moi ? ».
Aucune pathologie mentale, pas de perversité non plus, chez cet homme
L’expertise psychiatrique est rentrée. La deuxième expertise, en fait, car le prévenu est en état de récidive légale. On peut lire ici le récit de l’audience de renvoi : https://www.info-chalon.com/articles/faits-divers/2019/11/25/41301/tribunal-de-chalon-il-consultait-des-sites-exposant-des-photos-d-enfants-violes-par-des-adultes-et-diffusait-des-images/ . Le prévenu ne présente aucune pathologie, aucune perversité non plus, selon le médecin-psychiatre, mais ses explications n’ont pas bougé depuis 2014 : « comprendre », comprendre pourquoi ce beau-père l’a pulvérisé, atomisé, abîmé à ce point ? Pourquoi cet homme-là fut condamné à 4 ans mais n’en fit que 2 ? Injustice redoublée, incompréhensible.
Photos partagées via Kik messenger
En 2018, les modérateurs de l’application « Kik » signalent aux autorités des partages de photos à caractère pédopornographique. La présidente Sordel-Lothe retrace les chemins de l’enquête (plusieurs, en réalité, dans tout le pays) qui, de pseudos en adresses IP remonte jusqu’à « Jean-coquin » (rien à voir avec son prénom réel, même si c’était son pseudo, ndla). « Vous avez partagé avec quelqu’un qui se trouve au Canada, plusieurs photos de petites filles âgées de 5 à 10 ans, nues, ayant des rapports sexuels avec un homme adulte. »
« Ce n’est pas une raison pour le faire vivre par procuration à d’autres enfants »
La présidente se montre nette, et honnête : nul ne conteste la souffrance du prévenu à devoir vivre avec en lui cet insupportable, mais il fait tourner le tribunal en rond avec lui, alors qu’il a déjà été condamné pour la même infraction. « Mon discours à l’audience ne sera pas du tout de vous déresponsabiliser », le prévient la juge, car la condamnation précédente l’a contraint à voir des psy, et il est inquiétant qu’il revienne avec un discours inchangé. Tous les magistrats interviennent en ce sens. « Pourquoi est-ce arrivé à vous ? Il n’y a pas de réponse à cette question, et ce n’est pas une raison pour le faire vivre par procuration à d’autres enfants. »
« C’est tout aussi grave que les individus qui agressent sexuellement les enfants »
« Etes-vous conscient de la gravité de vos actes ? – Ben, ma place n’est pas en prison. Je ne suis pas attiré par les enfants, mais en prenant du recul je me rendais compte que ce n’est pas du tout légal. » Il répond à côté, alors la juge assesseur est plus explicite : « Il y a des enfants qu’on oblige à faire des choses pour faire des photos, et des vidéos pour des personnes comme vous, donc c’est tout aussi grave que les individus qui agressent sexuellement les enfants. » Il dit ressentir du dégoût, mais alors pourquoi partage-t-il ces photos ? « Parce que des personnes les commentent alors j’essaie de comprendre pourquoi il (son beau-père) a été attiré par moi. » On tourne en rond. Le tribunal centre sur le délit, et lui il se déporte. « Vous vous défaussez », lui dit encore la présidente.
Il n’est pas excité par ces images, « il est malade »
Pour le parquet, ce trafic d’exploitation sexuelle des enfants, répond au marché de « l’offre et de la demande » : « On crée ces images, et pour cela on abuse de ces enfants. Vous participez à cela, et vous le savez. » La procureur requiert 8 mois de prison ferme, puis 3 ans de suivi socio-judiciaire, avec 1 an de prison dans la balance. « Il ne faut pas mettre tous ceux qui regardent ces sites, dans le même panier. Il y a des gens que ça excite, mais pas lui. Lui, il est malade. » Maître Chavance plaide, et le prévenu baisse la tête, lui qui fut statique durant le reste de l’audience.
Un suivi psychologique insuffisant, faute de places
« Il dit qu’il avait un blocage : la résistance fait partie du travail psychologique, mais un suivi trop espacé ne permet pas d’aborder ce qui fait résistance. » L’avocate met le doigt sur un point névralgique que connaissent beaucoup d’« obligations de soins » : les CMP sont saturés, et les rendez-vous sont en effet dispensés comme on le peut, bien des prévenus en témoignent. Celui-ci avait pourtant investi quelque chose puisqu’il avait continué à voir la psychologue après que la mesure de mise à l’épreuve a pris fin, « mais elle avait trop de monde et les séances se sont espacées, jusqu’à 5 semaines ». Au même moment, il a des problèmes au travail, et le cumul le renvoie, dit-il, à nouveau dans une sorte de désert, voire de néant. L’abandon, insupportable. Il recommence à aller regarder ces photos.
Risque de suicide
« Il n’y a pas eu de mots sur ce qui lui est arrivé, sur ce qu’il a subi. Il avait été placé, puis sa mère le reprend, il est adopté par son beau-père : il porte le nom de son agresseur ! » Maître Chavance est inquiète car elle estime que l’état psychique du prévenu s’est dégradé depuis sa mise en détention provisoire, or il a déjà fait 4 tentatives de suicide depuis sa jeunesse, elle pense qu’il est en danger, qu’il peut recommencer. « Il faut favoriser une peine qui ait du sens. Un mandat de dépôt ne se justifie nullement, il n’y a aucun souci à l’extérieur. »
Incarcération puis 5 ans de suivi socio-judiciaire
Le tribunal le condamne à 8 mois de prison, maintien en détention, et à un suivi socio-judiciaire de 5 ans (3 ans de prison en cas de non-respect des obligations). Constate son inscription au FIJAIS, demande à l’escorte de prévenir le centre pénitentiaire d’un possible état suicidaire.
Florence Saint-Arroman
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