Chalon /autour de Chalon
Le Croissant d’Or : un élan de solidarité lors du huis clos imposé par le confinement
Publié le 09 Juin 2020 à 16h21
Du 24 avril au 24 mai, malgré le confinement, l’esprit d’entraide du ramadan a battu son plein dans le local du restaurant Family Food et a suscité un bel élan de solidarité des Chalonnais envers les plus démunis. Infochalon fait un retour sur cette aventure du partage, avec ceux qui ont donné le coup d’envoi.
Ramadan et confinement : comment concilier l’inconciliable ?
Le ramadan est un mois saint chez les musulmans, c’est aussi le mois de la charité et du partage. Alors quand il débute le 24 avril, en période de crise virale et de confinement, comment le vivre en huis clos et comment aider les gens dans la nécessité ? Cette question est à l’origine d’un élan de solidarité initié par Habib Bechairia, gérant du restaurant Family Food et son ami Ala Eddine.
Le Family Food et l’association Le Croissant d’Or
Tout a commencé dans les locaux du Family Food. « Nous étions ici même, précise Ala Eddine, autour d’un café, avec Habib. Le ramadan allait bientôt commencer et on se demandait comment être utile, comment aider son prochain. Il y a des gens qui n’ont rien et qui, dans cette période de confinement, étaient coupés de tout contact. Tout était fermé : Restos du cœur, Secours populaire, maisons de quartier, mosquées… Notre association Le Croissant d’Or a dès lors visé cet objectif-là : pallier l’inertie des structures fermées et apporter notre pierre à l’édifice de l’entraide. »
La force de l’impulsion
24 avril : premier jour du ramadan, le coup d’envoi est donné. « On connaissait une dizaine de familles en difficulté, poursuit Ala Eddine. On s’est donc dit que chacun de nous allait donner un pécule pour faire des courses, préparer des colis de produits alimentaires pour une semaine et livrer ces familles, en respectant les mesures barrières. Le 24 avril, les 12 colis étaient prêts, on les a livrés ! Mohamed a posté la vidéo de cette première action sur les réseaux sociaux, elle a été largement relayée. »
Ce coup d’envoi a agi comme un coup de pied dans l’inertie ambiante : devant les demandes croissantes, les bonnes âmes de toute culture et de tout horizon se sont éveillées. Dès le lendemain, le local du Family Food s’est rempli de vivres : une entreprise avait livré une palette de produits alimentaires. Des anonymes venaient aider, comme Najwa, Mathilde et Slah, bénévoles de la première heure. D’autres apportaient des produits alimentaires. Une entreprise de transport a proposé son aide pour la livraison. Un fournisseur dijonnais, avec lequel travaille Habib Bechairia, s’est aussi engagé dans l’opération : chaque semaine, il a livré 100 à 200 pièces de poulets fermiers. Une cuisinière volontaire a confectionné tous les jours des repas pour ceux qui ne pouvaient cuisiner, personnes âgées ou SDF. Le bilan a dépassé tous les espoirs : 15 jours après le lancement, 400 cabas de 15 à 20 kg avaient été livrés, pour une valeur de plus de 13 000 € et le pic allait être atteint la 4e semaine.
« On a juste gratté l’allumette, commente Ala Eddine, ce sont tous ces Chalonnais généreux qu’il faut remercier. On a été les traits d’union de cette chaine humaine. »
Une organisation millimétrée
Répondre à une demande exponentielle tout en s’adaptant aux contraintes du confinement et être réactif exige une organisation : Habib Bechairia prêtait ses locaux, tout son personnel (Léna, Yacine, Mohamed) s’est mobilisé avec les bénévoles, chacun à sa tâche : « Najwa préparait les colis, Mathilde s’occupait des réseaux sociaux, Léna prenait les appels, les autres allaient livrer entre 18 h et 20 h. Le timing était serré : nous voulions livrer avant la soirée, pour que les gens ne se couchent pas l’estomac vide ; c’était notre challenge. Certaines personnes, pourtant dans le besoin, ne demandent pas d’aide, ce sont des connaissances ou des travailleurs sociaux qui nous les signalaient. De mon côté, précise Ala Eddine, je les appelais pour demander précisément quelle était leur situation, leurs difficultés et leurs besoins. Nous pouvions leur livrer des colis personnalisés. C’est comme ça qu’on a créé un listing de personnes à aider, selon des critères déterminés. Chalon, Saint-Rémy, Champforgeuil, Châtenoy-le-Royal, Lux, Mâcon : on a aidé partout où le besoin s’est exprimé. »
Une leçon de vie et de partage
Cette expérience a laissé des images fortes et heureuses dans la tête de tous les bénévoles, comme en témoignent ces quelques anecdotes. Cette dame, seule avec ses 2 enfants, à qui l’équipe du Croissant d’Or a livré un cabas contenant, entre autres, un pack de 6 bouteilles de lait. Elle rapporte 4 bouteilles en disant : « Pour mes enfants et moi, 2 bouteilles suffisent. » Un geste qui en dit long sur son esprit solidaire. Et cette autre maman, seule avec son fils, qui envoie une photo du poulet rôti sortant du four, en remerciant toute l’équipe. Ce témoignage, enfin, d’une factrice : « J’ai moi aussi connu la misère. Une main tendue, comme vous le faites, est une éclaircie dans un ciel nuageux. »
Ce que Habib Bechairia, Ala Eddine et toute l’équipe retiennent de cette expérience de vie, ce “cercle vertueux d’aide et d’entraide”, c’est un élan de solidarité unique, intense, immédiat.
Le Croissant d’Or ne pense pas en rester là : « L’association souhaite aider et fédérer au-delà du frigo. Nous sommes en contact avec les structures d’entraide existantes sur le territoire, nous avons élaboré un listing détaillé de personnes à aider et nous réfléchissons à un projet qui répondrait plus largement à leurs difficultés et leurs besoins » expliquent Habib Bechairia et Ala Eddine.
Nathalie DUNAND
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