Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - « Qui va l’aider à s’en sortir, à part vous ? »
Publié le 14 Juillet 2020 à 11h01
« Au niveau de la peine, outre le fait que les 18 mois de prison ferme requis sont parfaitement excessifs, j’ai rarement eu le sentiment qu’un homme ait autant besoin de ses juges. » Maître Varlet plaide pour un homme de 28 ans, poursuivi pour des violences sur sa copine, le 6 juin dernier.
« qu’un homme ait autant besoin de ses juges ». Il n’a jamais travaillé, en dehors du chantier d’insertion sur lequel l’avait placé l’autorité judiciaire. Il est, comme on dit maintenant, désinséré. « L’alcool, les errances, les violences réciproques, c’était leur quotidien à eux deux, leur façon de vivre, à ce moment-là, qui finit par les priver de tout repère. »
Tout part d’une garde à vue pour autre chose
Le 12 juin, la police place ce couple en garde à vue, pour une question de fausse monnaie. La jeune femme est entendue, or l’officier de police constate qu’elle est couverte d’hématomes de tailles impressionnantes. Interrogée, la femme dit que le 6 juin elle s’est réveillée comme ça, que son copain s’est mis à pleurer et a demandé pardon. Elle ne se souvient de rien.
10 jours d’ITT
Une seconde garde à vue pour violences sur conjoint commence. Comme le mis en cause est colérique, des policiers organisent une mise en présence des deux en le maintenant dans sa cellule. Ça n’a pas raté, l’homme explose et crie, parce qu’elle le met en prison, avec ses déclarations. Dans la foulée elle pose plainte et son discours change : tout est bien pire que ce qu’elle avait dit. Elle décrit des scènes de coups de poing, de coup de tête, qui entraînent des hémorragies importantes. Il ne doit plus s’approcher d’elle et se faire soigner. Un médecin l’examine et fixe 10 jours d’ITT.
La boisson et des violences réciproques
Lui, masqué, assis dans le box, reste calme mais parle comme un moulin pour d’une part réhabiliter quelque chose de lui-même et de ce couple qui a pris fin lors d’une garde à vue, d’autre part pour dire que tout de même leur quotidien, certes, était rythmé par la boisson mais aussi par des violences réciproques, somme tout elle lui avait fiché une fourchette dans la main, et aussi cogné avec une boîte de conserve, il dit les noms des travailleuses sociales qui furent témoins. Vraiment il parle à une vitesse supersonique, pour convaincre la présidente qu’il n’est pas réductible à des coups portés, qu’il est aussi aidant et soutenant. La présidente Catala le croit, du moins elle prend acte de formes d’entraides réciproques.
« Malheureusement ce qui se ressemble, s’assemble »
Le ministère public dresse le portrait à grands traits de la victime, qui « fréquente peut-être d’autres hommes, des marginaux, milieu où la violence n’est pas rare, mais monsieur est coupable a minima des coups du 16 juin. Malheureusement ce qui se ressemble, s’assemble ». Aline Saenz-Cobo requiert une peine de 18 mois de prison dont 5 mois seraient assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, maintien en détention. Et révocation de 5 mois de sursis, avec exécution provisoire (soit la détention). Le prévenu ne se souvient pas du 6 juin mais veut bien « le reconnaître, si vous voulez ». Par contre il soutient que la femme était partie quelques jours auparavant, et qu’elle avait pu aller avec un autre qui l’aurait frappée. Quand ? « Deux-trois jours avant le RSA. » Repère.
L’alcool, une addiction ancienne
Le prévenu a un casier conséquent : 18 mentions, de 2008 à 2019. Il est né en 1992. Des vols, pour la plupart, deux violences, défaut de permis, et une conduite sous l’empire de l’alcool en 2013 : « C’est donc une addiction ancienne », observe la présidente, et le jeune homme repart comme en 14 pour expliquer comment il se comportait par ailleurs en compagnon soutenant et aidant avec cette femme, elle-même alcoolique. « On a fait du 115 tout l’hiver et après on est revenu chez ma mère mais ça l’a pas fait. – Ça l’a pas fait », reprend la présidente, comme constatant les difficultés.
« Qui va l’aider à s’en sortir, à part vous ? »
Bref, y a du mal, on ne sait pas ce que fut la scolarité de cet homme, on sait juste qu’il boit-boit-boit, et que sa mère est connue des services de police pour boire-boire-boire elle aussi. Pour autant, l’encadrement de son sursis mis à l’épreuve, sa dernière peine, l’a contraint à des démarches qu’il a faites, au point que le juge d’application des peines n’est pas favorable à une révocation du sursis. « Et ça n’est pas rien, commente maître Varlet au cours de sa plaidoirie. La victime, et je m’en réjouis, a pu intégrer le réseau VIF. Mais lui ? Qui va l’aider à s’en sortir, à part vous ? Il a aussi le droit de s’en sortir. »
11 mois ferme puis 2 ans de probation
L’avocat avait soulevé des nullités, la vice-procureur a reconnu « une procédure pas très limpide au niveau de ses actes ». Le tribunal annule plusieurs pièces de la procédure ; déclare le prévenu coupable et le condamne à 16 mois de prison dont 8 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans. Maintien en détention. Révocation partielle du sursis antérieur à hauteur de 3 mois. Incarcération immédiate. 11 mois de prison ferme en tout. Renvoi sur intérêt civil en novembre pour la victime.
« Avec moi, elle n’était pas à la rue »
« On buvait beaucoup, tous les deux, on s’intoxiquait. Elle est repartie dans la rue, elle est déjà avec un autre », disait le jeune homme. Elle est violente aussi, elle frappe les hommes, mais j’ai jamais cherché à l’enfoncer. Avec moi, elle n’était pas à la rue. »
Florence Saint-Arroman
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