Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - La Justice préfère ne pas prendre de risque, ordonne la détention mais exige un complément d'information
Publié le 28 Juillet 2020 à 17h26
Toute une histoire pour une histoire par encore éclaircie, et dont les protagonistes sont comme des enfants, alors qu’ils en ont deux.
On a assisté à une mise sous scellés. Un dossier débarque en dernière minute à l’audience des comparutions immédiates ce lundi 27, il n’est pas en état d’être jugé. Du coup la présidente a fait le boulot, récupéré les téléphones des parties, les a placés dans des sachets, a rempli les fiches, a fait signer les sachets par les propriétaires des portables, puis par madame le greffier. Toute une histoire pour une histoire par encore éclaircie, et dont les protagonistes sont comme des enfants, alors qu’ils en ont deux.
Si jeunes, à encaisser toutes sortes de coups
Ils sont jeunes. Lui est né en 1995. Il sort avec la jeune fille depuis 2015, elle est alors mineure et l’est toujours lorsqu’elle pose plainte contre lui, en mai 2019, pour des violences. Elle est enceinte de leur seconde fille. Elle est accueillie dans un foyer, jusqu’à sa majorité. Pour ces violences, il est condamné et incarcéré de juillet 2019 à novembre 2019. « J’étais en prison quand ma fille est née, et j’ai pas eu la permission de sortir pour aller la voir, alors j’ai cessé de manger. Je ne mangeais plus. Du coup on m’a envoyé me reposer dans un hôpital psychiatrique, pendant une semaine. »
Ordonnance de protection, et visite médiatisée
En février 2020, le jeune papa obtient un droit de visite médiatisé d’une heure, deux fois par mois, pour voir ses enfants. « Mais la relation ne s’apaise pas, expose la présidente Catala aux juges assesseurs. Madame dit que monsieur téléphone régulièrement. » C’est ainsi que le 20 mai 2020, un juge, qui se trouve être un des assesseurs, délivre une ordonnance de protection : plus aucun contact entre ces deux-là, mais le juge maintient les visites médiatisées car le papa manifeste fortement sa volonté d’être en lien avec ses enfants.
Ce vendredi, il vient voir ses enfants, puis… zones d’ombre
Le jeune homme dit qu’il buvait beaucoup, avant, et qu’il s’est éloigné de Chalon, pour donner à sa vie un nouveau cadre, des perspectives. Ce vendredi 24 juillet il arrive en train, pour retrouver ses petites au Parc aux Biches, accompagnées d’une éducatrice. « Il parle beaucoup de cette éducatrice, ajoute maître Diry, il l’appelle par son prénom. C’est bien le signe qu’il a accepté ce cadre. » A l’issue de l’heure autorisée, il se passe des choses, mais nul ne sait quoi exactement, qui conduiront la police au domicile de la jeune fille et de sa petite sœur (jeune fille, mineure) le 25, puis le père en garde à vue car la police relève des traces de violence et des traces de sang, jusque devant l’immeuble.
Le prévenu estime « être tombé dans un traquenard »
La jeune maman l’a contacté. Les échanges de SMS et d’appels vocaux « durent 30 minutes », mais le tribunal ne peut pas vérifier les contenus des SMS, car si la jeune femme dit avoir son téléphone avec elle, elle précise qu’on ne peut pas l’allumer, il n’a plus de batterie. Bref, le prévenu estime « être tombé dans un traquenard ». Son ex l’aurait attiré chez elle, lui aurait proposé de rester le samedi pour l’anniversaire d’une des filles. Puis aurait été très violente à son encontre, avec sa sœur. Elle, elle maintient à la barre qu’il s’est pointé à son domicile après l’avoir suivie, puis qu’il aurait piqué une crise, et clairement dit qu’il faisait tout « exprès » pour qu’elle ne puisse pas porter plainte, en retournant les choses contre elle.
Le père sait pouvoir perdre tout droit de visite
Il est blessé au doigt. Par un couteau. Il dit que les deux sœurs l’ont agressé et frappé, qu’elles ont détruit son téléphone parce que dedans on y trouverait des preuves qu’il ne ment pas. La jeune sœur ne témoigne plus de rien, à la barre elle dit qu’elle est si choquée qu’elle ne sait plus. Elle accuse le garçon de lui avoir fracturé un doigt de pied, il dit qu’elle avait déjà mal la veille. Le juge assesseur s’étonne car le père savait pouvoir perdre tout droit de visite s’il enfreignait le cadre, la jeune maman lui répond qu’il a « un problème psychologique, qu’il a commis plein de violences sans savoir ce qu’il faisait lui-même ».
« Ma mère m’a toujours détesté. J’ai été placé très jeune »
A la charge du prévenu, et sans la moindre pincette, les propos d’une femme qui a appelé le commissariat, disant qu’elle est la mère du prévenu, et demandant qu’on mette son fils en prison. « Il est ultra violent, manipulateur, ne supporte pas la frustration. » Réponse du garçon à l’audience : « Ma mère m’a toujours détesté. J’ai été placé très jeune, elle n’a jamais été avec moi (de son côté, ndla). » La présidente Catala lit les propos de la femme, qui n’épargnent rien au jeune homme, rien. A supposer que ça soit bien sa mère, car « rien n’a été vérifié ». « Quand on fait ce choix de procédure, plaide maître Diry, on n’a le temps de rien, en effet, et c’est pareil pour son téléphone, car en fait seul l’écran est cassé, dont avec un peu de temps, on pourrait vérifier. »
« Il n’est pas à l’initiative du choix de procédure dont il devrait pourtant supporter les conséquences »
Bref, c’est la bouillie, tant dans les récits que dans la relation elle-même, et finalement dans l’orientation du dossier également, et tout le monde en convient, jusqu’au parquet lui-même puisque Aurélie Larcher liste tout ce qu’il aurait fallu faire, et qui n’a pas été fait. Impossible de juger. La procureur demande que le prévenu soit placé en détention provisoire, l’avocat proteste : « Il résulte de la procédure que madame ne voulait pas que monsieur ait le moindre droit de visite. Or on sait que le premier contact, le 24, vient de madame. C’est dramatique, mais monsieur n’est pas à l’initiative des difficultés, ni du choix de procédure dont il devrait pourtant supporter les conséquences, si l’on écoute le parquet »
« Exploitez mon téléphone je sais que je dis vrai »
« Mes filles sont tout pour moi. Là, je suis en train de décoller, dans ma vie. Je passe le code le mois prochain. La détention, c’est pas ça, excusez moi du terme. Exploitez mon téléphone je sais que je dis vrai. Et j’y pense : le samedi je suis allée en supérette avec mes filles acheter 4 bouteilles d’eau. » Il tend le cou vers le tribunal : il a soif qu’on trouve des preuves en sa faveur.
« Le tribunal ne prend pas de risques et vous place en détention »
Néanmoins, « le tribunal ne prend pas de risques et vous place en détention ». Il baisse la tête. Il pleure. Il en a tant encaissé depuis sa naissance, il encaissera ça aussi, mais bon sang que c’est dur.
Il y aura une enquête, jugement en septembre
Le tribunal ordonne un supplément d’information : entendre des témoins, notamment l’éducatrice et l’entourage familial, procéder à l’expertise psychiatrique du prévenu, expertiser les téléphones. La présidente demande à madame de lui remettre son téléphone, elle est si longue à revenir que maître Duquennoy, qui l’assiste sort à son tour de la salle à sa recherche. Les policiers de l’escorte vont à leur véhicule chercher celui du prévenu. Mise en sachets, etc. L’audience est renvoyée au 7 septembre, pourvu que le dossier soit alors en état d’être jugé.
Florence Saint-Arroman
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