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Vincent Bergeret : de la cité du Stade à la mairie de Châtenoy-le-Royal

Vincent Bergeret : de la cité du Stade à la mairie de Châtenoy-le-Royal

Du petit gamin de la cité du Stade à l’entrepreneur d’aujourd’hui, le maire de Châtenoy-le-Royal revient sur son parcours.

« Je suis un gamin de la cité du Stade ». C’est par ces mots que Vincent Bergeret entame le récit de son parcours engagé. Quel a été le moteur de ce double cheminement d’élu et d’entrepreneur ? L’envie, d’abord, de croire en des lendemains meilleurs, ça s’appelle l’optimisme. Ensuite, une capacité à s’enthousiasmer, donc à agir.

Une enfance heureuse dans la cité du Stade

La cité du Stade dans les années 70… Un eldorado. Eh oui, autre temps, autres mœurs.

« J’ai passé une enfance heureuse à la cité du Stade. Mes parents vivaient jusqu’alors rue du Cloître, dans le quartier Saint Vincent, mal famé à l’époque : des logements quasi insalubres, pas de salle d’eau, c’était sordide. Quand ils sont arrivés à la cité du Stade, en 1967, j’avais 3 ans. C’était un quartier d’habitat social, construit à l’arrivée de Kodak. Les immeubles étaient flambant neufs, les logements disposaient de tout le confort : salle de bain et w.c. dans les appartements… Tous les logements étaient occupés, les habitants avaient connu des conditions moins confortables, ils étaient satisfaits. Quant au voisinage, il était multiculturel : Portugais, Italiens, Algériens, Tunisiens, Marocains, Espagnols… Il n’y avait aucun problème de voisinage, une ribambelle d’enfants se retrouvaient au bas des immeubles. Je me souviens d’une anecdote à peine concevable aujourd’hui : des gardiens de l’OPAC passaient en mobylette dans les allées et, s’ils nous prenaient en train de marcher sur les pelouses, — ce qui était interdit — nous emmenaient chez nos parents et c’était 5 francs d’amende. Chacun était respectueux de tout : des règles et de ses voisins. Invraisemblable, non ? »

 

L’école, les instituteurs, « ces modèles »

Autre éducation peut-être ? Oui, et elle commençait à la maison. « J’ai de très bons souvenirs de l’école primaire, aujourd’hui appelée “école Paul Langevin”. Nos parents nous donnaient une éducation qui appelait le respect des enseignants, c’est comme ça qu’on a appris le meilleur d’eux. »

« Jean-Pierre Gilares a été mon premier instit en CP, il était tout jeune enseignant alors. C’est un homme à qui je dois beaucoup. D’ailleurs, on ne s’est jamais perdu de vue ensuite.

Il y a eu une deuxième personne très importante pour moi, c’est Roger Thivent, le directeur de l’école primaire. Nous avions de la considération pour ces gens-là à cette époque. Roger Thivent a été adjoint du maire Roger Lagrange. En 1989, quand j’ai été élu conseiller à 24 ans au 2e mandat de Perben, j’ai retrouvé Roger Thivent dans l’opposition. Si je suis là aujourd’hui, je leur dois en grande partie, c’est sûr. Mes maitres ont été mes vraies racines et la primaire, ce qui m’a le plus marqué. »

 

De Kodak à Aproport

Vers 15-16 ans, Vincent quitte le Stade et habite Plateau Saint-Jean. Sa carrière professionnelle débute à 21 ans chez Kodak, en fin 1985, où il restera 20 ans. « J’ai commencé en faisant les 3x8, c’est une bonne école de la vie. On n’avait pas à se plaindre, Kodak était une grosse boite, mondialement connue, les salaires étaient 20 à 30 % plus élevés qu’ailleurs à Chalon. »  Il deviendra encadrant, gérant des équipes pendant 15 ans. « L’encadrement, c’est usant et on sentait déjà que ça n’évoluait pas dans le bon sens, les gens s’impliquaient moins. » Le numérique éclipse l’argentique, Kodak, leader sur le marché, s’effondre. Vincent anticipe son départ — depuis 2 ans, chacun connaissait la fin inéluctable de la boite — et il part, fin 2005, « dans de bonnes conditions », reconnait-il avec sincérité, non sans avoir dû, auparavant, renoncer à un projet pourtant mûrement réfléchi.

« Avant ce départ, Claude Chapuis, adjoint au commerce à l’époque, m’avait convaincu de monter une franchise Paul à Chalon. Le projet était avancé, l’étude de marché avait identifié le lieu stratégique : la place de Beaune. J’ai attendu 1 an qu’une place se libère, en vain. »

C’est ainsi que le 2 janvier 2006, Vincent Bergeret entre à Aproport, service portuaire de la chambre de commerce de Saône-et-Loire, sur la demande du directeur, Bernard Paillard. « Bernard était un collègue, adjoint de Perben comme moi, on est arrivés en même temps sur sa liste en 1989. Il allait recruter un directeur d’exploitation du port de Chalon, cherchait quelqu’un qui sache gérer du personnel et m’a fait cette proposition en 2005. Mon projet étant entre temps tombé à l’eau, j’ai accepté. J’y ai travaillé 9 ans. »

Aproport assure le transport de marchandises par voie fluviale. « Quand je suis arrivé, l’un de mes gros clients était le groupement d’intérêt économique (GIE) Qualimat Sud-Est qui regroupe les acteurs des filières d’alimentation animale du Grand Sud-Est, dont Sanders à Champforgeuil et Philicot à Chagny. C’est un marché énorme. Chalon venait d’être désigné port relais pour le stockage et le transport des tourteaux* (ingrédient des rations animalières) importés du Brésil et transitant par le port de Sète. Les locaux étaient flambant neufs, et j’ai vu les premières péniches qui convoyaient entre Sète et Chalon. C’est un transport plus économique et plus écologique. Je disais souvent aux classes en visite pédagogique que 1 péniche équivalait à 100 camions. »

 

Un pas de plus, Vincent monte sa propre boite

« En 2012, le président du GIE Qualimat Sud-Est, qui était aussi président de Sanders à Chalon, m’annonce qu’ils n’ont plus de secrétaire et qu’ils ont pensé à moi. Pourquoi ? Je vous avoue que je n’en sais rien aujourd’hui encore. Quitter un emploi sûr à la CCI demande réflexion. Bernard Paillard, mon directeur et ami, me propose la sécurité : le détachement, le temps d’évaluer si ce job me plait et m’assure des revenus convenables. »

Deux ans après, le 1er avril 2015 — Vincent ne peut oublier une telle date — les deux conditions étant remplies, il quitte Aproport et monte sa société, Qual-Gestion, qui travaille pour le GIE Qualimat Sud Est : « Ça fait plus de 5 ans aujourd’hui et je ne regrette rien, j’aime ce travail, c’est un job centré sur le relationnel et je gère tout depuis mon bureau. Même si au début, travailler depuis chez soi parait étrange. Il faut une discipline. » Vincent Bergeret s’occupe de l’approvisionnement des ports de Sète et Chalon et du contrôle de qualité. Il est l’interface entre les stockeurs et les importateurs (de grands groupes de négoce de céréales notamment).

 

En parallèle, c’est l’engagement dans la politique locale

« J’ai toujours aimé la politique, annonce Vincent. Quand Perben est arrivé à Chalon en 1982, j’avais 18 ans. C’était du jamais vu. J’avais assisté à un de ses meetings en présence de Chirac, place du collège. Ça m’a plu, j’ai aimé de mec [Perben] : il était jeune et apportait un souffle nouveau à la ville. J’ai voté pour lui en 1983, à 19 ans. »

En 1985, Dominique Perben est maire de Chalon depuis 2 ans, Vincent Bergeret vient d’arriver chez Kodak, il habite au Plateau Saint-Jean. « Perben avait instauré des réunions de quartier, il y avait un monde fou à l’époque. C’est là que je rencontre Madeleine Mazière, sa 1re adjointe. J’ai adoré cette femme. Quand elle s’est présentée sur le canton nord de Chalon, j’ai donné un coup de main pour sa campagne. C’est comme ça que tout a commencé. Je rencontrais des gens qui voulaient faire bouger les choses. C’est pendant ces années-là que j’ai appris à être un militant. »

Et puis un samedi matin, début 89, le jeune Vincent est appelé par le cabinet du maire : il a 25 ans, déborde d’enthousiasme et se demande ce qui l’attend. « J’ai pensé à toi pour être sur ma prochaine liste, prononce Perben, je veux que tous les quartiers soient représentés et il manquait le Plateau Saint-Jean dans le conseil municipal. » Et voilà comment débute la carrière politique locale de Vincent Bergeret. D’abord conseiller municipal lors du mandat 89-95 de Perben puis adjoint au logement, il poursuit sa route à ses côtés.

 

L’opposition

L’arrivée de Christophe Sirugue à la mairie de Chalon en 2008 marque l’entrée dans l’opposition de Vincent Bergeret. « Ma femme et moi vivions alors dans un appartement à Bellevue et nous cherchions à nous installer dans une maison. C’est finalement à Châtenoy-le-Royal que nous nous établissons en 2009. »

Châtenoy-le-Royal vient de réélire son maire, Marie Mercier, qui siège depuis 2001. Aux élections 2014, deux jours avant de déposer sa liste à la sous-préfecture, s’annonce un désistement. Marie Mercier — qui est aussi 1re vice-présidente au Grand Chalon — propose à Vincent Bergeret de la suivre. « Ça faisait 25 ans que j’étais élu à Chalon et vraiment, je pensais m’arrêter là. Mais j’ai accepté d’être conseiller sur sa liste. »

De son côté, Vincent Bergeret est élu conseiller départemental en mars 2015, en binôme avec Isabelle Dechaume. Parallèlement, il se prépare à quitter Aproport et se mettre à son compte.

S’ensuit un enchainement de circonstances imprévues. En juin 2015, Marie Mercier devient sénateur en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, démis d’office par le Conseil constitutionnel. La loi contre le cumul de mandats, votée sous Hollande, entre en vigueur en 2017 : Marie Mercier doit faire un choix entre ses deux mandats, elle restera sénatrice.

« Il était attendu que l’un des 8 adjoints succède à Marie Mercier, mais aucun n’a souhaité cette place. C’est donc vers moi qu’elle s’est tournée, mais j’avais besoin, pour me sentir légitime, de l’unanimité du conseil. »

C’est chose faite, Vincent Bergeret est élu maire de Châtenoy-le-Royal en octobre 2017. « Ce n’est pas toujours simple de se sentir légitime : c’est Marie Mercier qui avait été élue en 2014… »

Vincent Bergeret repart pourtant pour les élections de mars 2020 ; le score conforte l’idée que les Châtenoyens ont adopté leur maire : 3 listes — une nouveauté pour la commune — n’empêchent pas son équipe de remporter 68,5 % des voix au 1er tour.

« Ma vie est faite de rencontres, de chances aussi, reconnaît Vincent. Je n’aime rien tant que la convivialité et le partage, d’ailleurs, on ne peut pas faire de politique sans aimer les gens. C’est pourquoi je souffre de cette période de confinement. Mais il ne faut pas oublier qu’elle est plus douloureuse encore pour ceux qui sont isolés. » 

Nathalie DUNAND
[email protected]

* Les touteaux sont les matières sèches résiduelles après pression des oléagineux, ils entrent dans la fabrication des rations animales.