Faits divers
ASSISES DE SAONE ET LOIRE - « Quand j’ai mis tout le bazar chez moi, j’ai laissé Luca, mais je ne savais pas s’il était mort ou vivant. »
Publié le 15 Décembre 2020 à 18h57
Au second jour du procès de Catherine De Conto, ce 15 décembre 2020, devant la Cour d’assises de Saône-et-Loire pour avoir volontairement donné la mort à son fils Luca, au beau milieu d’une nuit en février 2018, la Cour a diffusé l’enregistrement audio de l’appel que la mère a passé au SAMU vers 1h30 du matin.
« Allô ? – J’ai été agressée chez moi (voix chevrotante), mon fils ne vit plus, il a un sac sur la tête. – Mais pourquoi il a un sac sur la tête ? – Mais je sais pas, moi ! (elle gémit). » On lui passe le médecin régulateur. Pendant l’attente, on entend la femme crier « au secours », deux fois, puis « à l’aide ! », par la fenêtre de la chambre du petit, qui donne sur la rue. « Ici le SAMU. – Je me réveille, mon fils a un sac sur la tête. – Qui a fait ça ? Vous êtes sûre ? Vous êtes seule, madame ? Est-ce que l’enfant respire ou pas ? Madame, écoutez-moi.
Clémence Perreau, avocat général : Madame, vous dites que lorsque vous appelez, vous le pensez vivant, or votre première phrase est « Mon fils ne vit plus ».
L’accusée : Je voulais dire qu’il ne bougeait pas.
Le médecin veut que la femme aille ôter ce sac, qu’elle dégage le visage de Luca. « Attendez, je l’enlève. Ah ! Je veux pas le voir (voix cassée). – Madame, est-ce que sa poitrine se soulève ? Est-ce que sa poitrine se soulève, madame ? » A cette question répétée, on prend conscience que la nôtre est bloquée, coupée par la tension et l’émotion. « Vous êtes toute seule, madame ? Vous allez pouvoir faire une réanimation avec moi, madame ? Vous allez mettre vos deux mains entre les seins de votre enfant, sur son thorax, vous allez appuyer. Il a quel âge ? – 8 ans. – Et 1 et 2 et 3 et 4 et 5 et 6, vous appuyez. Vous avez déjà vu à la télévision comment il faut faire ? Bras tendus sur le thorax, à l’aplomb. »
La présidente : On sait maintenant que vous savez qu’il est mort, à ce moment-là.
L’accusée : Non, non, parce qu’il est chaud (la médecin légiste qui s’est rendue sur place vers 5 heures du matin cette nuit-là, a insisté là-dessus hier : corps tiède et encore souple à son arrivée, ndla). Non je ne le sais pas.
La présidente : Madame de Conto, vous avez dit ce matin qu’après avoir commis votre acte, vous avez mis en scène le cambriolage. On a vu le nombre de déplacements que ça impliquait (la juge détaille, pièce par pièce). Vous pensez quoi ? Que pendant tout ce temps-là il allait revenir ? Cette réanimation-là n’a pas beaucoup de sens, dans notre histoire à nous.
Le médecin régulateur : « Vous allez continuer à ce rythme-là, madame. Les secours sont partis pendant que je vous parle mais pour augmenter les chances de survie, il faut le faire en attendant. Et 1 et 2 et 3 et 4… … … et 28 et 29 et 30. Les secours vont arriver, madame. » Elle dit « Luca ». Le médecin compte à nouveau. « Il n’a pas repris sa respiration ? Non ? Toujours pas ? Il est cyanosé ? Vous m’avez dit qu’il était bleu. Et 1 et 2 et 3 et 4 et … … et 28 et 29 et 30. On continue, madame, pour augmenter les chances de survie de votre fils. Les équipes de secours sont parties. Vous êtes bien toujours en train de masser ? »
L’avocat général : On a tous entendu l’enregistrement audio de l’appel. Or on n’entend aucun essoufflement de votre part, madame, on n’entend rien et il n’y a aucune trace sur le corps de Luca.
Le médecin ne s’arrête pas, ni de compter, ni de parler, pas de temps mort. De 1 à 30, une fois encore. « Toujours pas de reprise de la respiration ? – Il ouvre un œil ! Luca ? Luca ? Luca ? Mon bébé ! – Il fait quoi, madame, il respire ? Arrêtez de masser, madame. Est-ce que sa poitrine ou son ventre se soulève ? – Non (souffle court). – Alors on continue madame, on reprend. Les pompiers arrivent. On se repositionne. » Il compte. A ce moment-là, nous saturons, nos mains sont prises de tremblement, on ne peut plus écrire. On regarde les visages autour de nous, on s’efforce de s’accrocher à un regard mais les regards sont rentrés. On ne sait plus comment tenir le coup face à cet effort sans relâche du médecin au bout du fil, alors que des véhicules avec du personnel qualifié et du matériel à bord, fendent la nuit d’hiver pour secourir un enfant, alors que l’enfant en question est vraisemblablement déjà mort et que cet appel n’est qu’un élément d’une pauvre mise en scène destinée à tromper tout le monde.
L’avocat général : Donc votre but, madame, est d’échapper à la prison plutôt que de sauver votre fils.
L’accusée : Je ne pensais pas à la prison ou quoi que ce soit. Je pensais que j’avais tué mon fils, je pensais à mon entourage, à moi, à ce que j’avais fait. A comment j’avais pu faire cet acte.
L’avocat général : Donc, c’est pour votre image que vous ne voulez pas que ça se sache. Et Luca dans tout ça ?
Au bout du fil, le médecin compte, il compte encore, et encore, allez ! Continuez ! Il compte, une première équipe descend de son véhicule, la mère crie « C’est par le garage ! (qu’il faut entrer, ndla) » Le médecin continue, lui, à compter, puis il entend les voix des intervenants. « Les secours sont là ? » Une femme : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Ah, des hommes ? Et ensuite ? » Le médecin régulateur laisse l’enregistrement se poursuivre, mais la présidente y met fin car il ne comporte plus rien d’intéressant pour la suite.
L’avocat général : Mais madame, vous savez… vous savez que quand quelqu’un ne respire plus, il faut aller très, très vite ? Or vous avez pris le temps, avant d’appeler, d’organiser une mise en scène dans toute la maison. Vous n’avez pas essayé de sauver votre fils. Vous le reconnaissez ?
L’accusée : Oui.
Florence Saint-Arroman
Note : l’enregistrement était long, nous ne l’avons pas retranscrit in extenso ne serait-ce que parce que pendant quelques minutes nous ne parvenions plus à écrire. Pour autant les passages présents sont fidèles.
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