Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON -Le 8 décembre dernier, vers 23 heures, le prévenu se trouve devant la porte du service des urgences, à l’hôpital de Chalon-sur-Saône, il a craché dessus, balance des détritus, on appelle la police.

TRIBUNAL DE CHALON -Le 8 décembre dernier, vers 23 heures, le prévenu se trouve devant la porte du service des urgences, à l’hôpital de Chalon-sur-Saône, il a craché dessus, balance des détritus, on appelle la police.

Il insulte les policiers, menace de « les défoncer », tente un coup de pied, semble résistant aux gaz lacrymogènes. Pourtant, alcoolémie à zéro.

On l’a déjà vu en décembre, mais comme il est sous curatelle renforcée, il fallait une expertise psychiatrique avant dire droit. Il est jugé ce lundi 18 janvier, extrait de sa cellule et transféré au tribunal par des agents pénitentiaires d’escorte judiciaire. 

Maître Halvoet plaide sa détresse

Un pauvre homme ? Oui. Un homme absolument démuni ? Non. D’ailleurs si l’expert psychiatre a retenu l’altération du discernement, il ne remet pas en cause sa responsabilité pénale. Maître Halvoet plaide sa détresse comme à l’audience de renvoi (lire ici : https://www.info-chalon.com/articles//2020/12/10/47313/tribunal-de-chalon-cela-faisait-quelques-jours-que-les-patrouilles-de-police-le-reperaient-trainant-autour-de-l-hopital/), le ministère public, quant à lui, considère qu’il se moque un peu-beaucoup du monde. De l’extérieur, on se dit que l’un n’empêche pas l’autre. En effet c’est un homme âgé de 54 ans, qui souffre d’épilepsie et de dépression, sans qu’il y ait nécessairement de rapport entre l’une et l’autre. Qui souffre d’alcoolisme également, mais des soins contraints par condamnations pénales (deux sursis mis à l’épreuve en 2018 et 2019) l’ont finalement aidé à moins boire. Et qui depuis bientôt 9 ans vit sous une mesure de protection civile.

Pourquoi avoir craché ? Mystère

Il était locataire d’une chambre au foyer Adoma, et dès novembre, son comportement inquiétait un peu l’entourage. Le 8 décembre, ça insistait. Première intervention policière dans la journée parce qu’il s’était introduit dans une cour et y frappait le chien d’une dame, sans la moindre raison apparente. Puis de nuit, à l’hôpital. A l’audience il prend le temps de s’exprimer, lentement, parce qu’il se dit extrêmement choqué par le comportement de policiers qui étaient venus la veille. La présidente Caporali a beau répéter qu’il est hors sujet, que l’audience est centrée sur le 8 décembre en soirée, rien à faire, il y revient. A force d’y revenir, elle aussi, la présidente finit par pouvoir l’interroger sur les faits. Il reconnaît avoir craché sur la porte. Pourquoi avoir craché ? Mystère. Il se rappelle avoir insulté les policiers. Pourquoi ? Pour qu’on le laisse tranquille. C’est pas une bonne stratégie pour avoir la paix, mais enfin, c’est comme ça, et puis « de toute façon, je peux pas les blairer ».  

« Il avait besoin d’aide »/« Monsieur préfère se positionner en victime »

Le docteur Canterino écrit que cet homme souffre de « paranoïa sensitive », qu’il peut passer à l’acte (et de fait, il passe à l’acte plutôt facilement), de façon auto ou hétéro agressive, il préconise un traitement psychotrope, qui viendrait donc s’ajouter à tout ce qu’il prend déjà mais dont il a demandé la diminution des doses en prison, parce que ça lui mange sa mémoire. Vrai ou faux ? Vrai pour son avocate, qui plaide un comportement erratique en forme d’appel au secours, et que si l’hôpital l’avait entendu, on n’en serait pas là, « il avait besoin d’aide ». Faux pour le parquet. « Monsieur préfère se positionner en victime. Il a une position ambivalente par rapport aux faits, à son suivi, à tout. Comme toujours c’est ce qu’il veut, quand il veut. » Aurélie Larcher requiert 10 mois de prison et son maintien en détention (6 mois + révocation 4 mois d’un sursis antérieur).

Il voudrait tant vivre dans sa « ville native »

On voit bien que le prévenu, sous des dehors (et certainement en cohérence avec son dedans) malheureux, tente quand même des formes de petits chantages sans rapport avec son intérêt, comme lorsqu’il explique que « ma seule motivation pour arrêter définitivement ce problème d’alcool, c’est de me rapprocher de ma ville native ». Il est né à Tournus. C’est à côté mais pour lui c’est déjà loin, même s’il situe bien la ville, géographiquement, à l’intention de la présidente qu’il appelle « maître ».  Son curateur, à la barre, explique que les services de la Sauvegarde 71 ont bien entendu sa demande récurrente, mais « on pense qu’il serait mieux dans un foyer adapté à ses troubles, et ça n’est pas simple ».

8 mois ferme, incarcéré

Maître Ronfard a lui aussi des doutes sur la sincérité de l’amnésie du prévenu. L’avocat intervient pour les deux policiers qui se constituent parties civiles. Cette position l’emporte. Le tribunal constate l’altération du discernement au moment des faits, et condamne cet homme à 4 mois de prison, ordonne son maintien en détention, et révoque 2 mois du sursis de 2018, 2 mois de celui de 2019, ordonne son incarcération immédiate. Il devra indemniser les deux policiers. Le prévenu s’assure que les semaines passées en détention provisoire seront bien défalquées des 8 mois de prison qu’il doit exécuter.

Il tournait en boucle là-dessus :

« J’étais entré aux urgences pour me réchauffer, deux, voire cinq minutes. Les vigiles ont dit non, il y a Vigipirate. Je leur dis, ben, écoutez, laissez moi encore deux voire trois minutes pour me réchauffer une bonne fois. Ils ont appelé la police (municipale, dit-il, sans qu’on sache si c’est réel ou pas). Et l’un d’eux s’est permis de m’adresser la parole, écoutez bien, maître (il parle à la présidente), en me tu-toy-ant. Il m’a tutoyé ! Je l’ai arrêté de suite. Pourquoi vous vous permettez ça ? On n’est pas de la même famille. Et de plus il m’a dit : ‘Je parie que tu es encore bourré’. Je suis formel et je veux que ça soit noté. » Un pauvre homme ? Assurément. Roublard ? Un peu, également.

 

FSA