Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le confinement n'arrête pas l'esprit d'entreprise et depuis Saint-Marcel il organisait les livraisons de cannabis dans toute la Saône et Loire.

TRIBUNAL DE CHALON - Le confinement n'arrête pas l'esprit d'entreprise et depuis Saint-Marcel il organisait les livraisons de cannabis dans toute la Saône et Loire.

Des offres commerciales défiant la concurrence, une organisation à la pointe de ce qui se fait, avec des livraisons possibles sur tout le département 7 jours sur 7, et un click and collect organisé à Saint-Marcel : les clients passaient par un compte Snapchat, nommé « Plan B » (mais encore « Coffee shop 71000 » ou « Or vert ») pour commander la résine de cannabis. Tout roulait, mais c’est terminé.

Le jeune revendeur se tient à la barre, à l’audience de comparution immédiate ce lundi 25 janvier. Il est né en mars 2002, « un très jeune majeur ».

« Je reconnais que j’ai vendu, mais c’était pas voulu »

Son frère à peine plus jeune, est convoqué, lui, chez le juge des enfants, le mois prochain. Leur mère est là. Elle a mis 12 enfants au monde, le père s’est éloigné jusqu’à délaisser ses enfants, il y a plusieurs années, explique maître Nicolle. Voilà. Le jeune garçon à la silhouette longiligne ne semble pas tétanisé par le tribunal. A son casier deux condamnations par la justice des mineurs (violences et vol). « Je reconnais que j’ai vendu, mais c’était pas voulu. Au départ, c’était juste du dépannage, jusqu’au moment où un grand est venu et… il m’a forcé à vendre. »

270 grammes de résine de cannabis, 80 sucettes de THC, du numéraire

A l’origine de l’enquête, un simple contrôle, mi-novembre. Un type en mobylette, positif aux stupéfiants. Les gendarmes l’entendent : il parle du compte Snapchat. Des surveillances devant la maison où vivent la mère et les derniers enfants permettent aux enquêteurs d’identifier le prévenu comme étant vendeur. On l’interpelle. La perquisition est positive et démontre que son frère cadet trafique lui aussi. 270 grammes de résine de cannabis conditionnés pour la vente, 80 sucettes de THC, du numéraire, un pistolet d’alarme (chez le petit frère), une balance. Le prévenu dit fumer beaucoup, 10 joints par jour. Il dit aussi qu’il a complètement arrêté.

Il était « très bien équipé » pour mener un trafic

Ainsi donc ce jeune homme dépannait* les potes, raconte-t-il, jusqu’au jour où il croise « en ville », un dénommé « Soso » de la Fontaine aux Loups. « J’y habitais avant, c’est pour ça qu’on se connaît, comme ça. » Soso lui paie « un prépayé », puis l’appelle, puis vient chez lui et lui file de la marchandise, il veut « 600 euros par semaine ».  Le garçon reste flou sur la chronologie, mais on sait qu’en décembre dernier il est allé à Vénissieux, où vit l’une de ses sœurs, se fournir en conditionnements pour des quantités plus importantes que les petits sachets qu’on a trouvés chez lui. A Vénissieux, dit-il « la qualité est meilleure qu’à Chalon ». La présidente Verger remarque que tout de même il était « très bien équipé » pour mener un trafic.

« Jamais je ne me suis occupé du compte Snapchat »

On n’a pas pu accéder au contenu de son téléphone ? Il en a oublié le code, « sans mentir ». Son frère le désigne comme organisateur en chef ? Ils étaient brouillés, ne se parlaient plus. « Jamais je ne me suis occupé du compte Snapchat. » Son frère et lui ont été photographiés ensemble le 16 janvier ? Oui, mais non, mais oui, mais… « Ma consommation m’a emmené trop loin, je suis dépassé. » Il dit que vraiment il a eu peur du Soso, mais que désormais il lui dirait non, que d’ailleurs il a dit non à de la cocaïne. En parallèle il menait un chemin de formation, grâce à la Mission locale. Il avait arrêté sa scolarité en seconde professionnelle, « ça ne m’intéressait pas ». La Milo le branche sur une formation en chaudronnerie, il dit qu’il a accroché, que ça lui plaisait, qu’il avait suivi les cours, qu’hélas il n’a pas été retenu en apprentissage, que ce fut « une grosse déception ».

« La seule question est de savoir si monsieur se cache derrière ce compte »

« J’ai peur d’aller en prison. » Il est OK pour tout. Pour des soins, pour trouver un maître de stage et pour quitter la région. Il dit encore : « Laissez-moi une chance, je sais que je suis meilleur que ça. » Son avocat plaide en ce sens : une probation, des obligations et pourquoi un éloignement, puisqu’une autre de ses sœurs peut l’accueillir dans une autre région, où il pourrait poursuivre sa formation professionnelle. De toute façon, comme l’observe Angélique Depetris, substitut du procureur : « la seule question est de savoir si monsieur se cache derrière ces comptes ». Elle pense que ces dénégations se heurtent aux auditions des acheteurs et à celles de son frère.

« Madame, j’ai pas envie d’aller en prison, ça va me mettre à terre, madame »

Cela étant, « il est à la croisée des chemins. Soit il rentre dans la légalité, soit il sombre, pour une certaine durée, dans la délinquance ». Elle requiert 1 an de prison assorti d’un sursis probatoire de 2 ans, avec l’obligation, entre autres, d’établir sa résidence chez la sœur qui vit loin d’ici. « Madame, j’ai pas envie d’aller en prison, ça va me mettre à terre, madame. » La présidente lui dit doucement que la procureur n’a pas requis de peine de prison ferme. « Ah, j’ai mal compris. »

Probation pendant 2 ans, éloignement géographique

Le tribunal le condamne à une peine de 10 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. Obligation de se former ou de travailler, de se soigner pour se sevrer, de fixer sa résidence chez sa sœur. Il a 10 jours pour partir, il sera convoqué par le service pénitentiaire d’insertion et de probation de l’autre département. Le tribunal ordonne la confiscation des scellés.

FSA

* Pour le code pénal, cela ne fait aucune différence, « dépanner » et « trafiquer » y sont synonymes.