Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Vendredi dernier, 5 février, il n’est que 10 heures du matin lorsqu’un équipage de police est requis pour intervenir rue André Gide à Chalon-sur-Saône
Publié le 08 Février 2021 à 19h33
« Monsieur, vous vivez en France depuis 2012. Vous vivez avec madame X, vous avez eu ensemble deux enfants qui sont placés en famille d’accueil. Vous comprenez pourquoi ils ont été placés ? - C’est quand on m’a chopé avec la drogue. - C’est aussi à cause des violences sur leur maman. - Ouais, ouais, c’est ça. » Il a 34 ans et une sévère addiction à l’alcool. « Je bois un petit canon à la maison, c’est tout. »
Vendredi dernier, 5 février, il n’est que 10 heures du matin lorsqu’un équipage de police est requis pour intervenir rue André Gide à Chalon-sur-Saône : un homme s’est introduit chez sa voisine et il fait peur. Une infirmière se trouve là, ainsi qu’une aide à domicile, « apeurées ». Clémence Perreau, substitut du procureur, synthétise la scène qui fait « 5 victimes : trois policiers, une aide à domicile, une infirmière. Et 5 délits, triste record. » Le prévenu est jugé ce lundi 8 février, en comparution immédiate.
Ils boivent « un petit canon » de Vodka-Red Bull
Le couple que forme le prévenu avec sa compagne a donc une voisine de palier, une dame qui bénéficie d’un régime de protection civile. Elle a besoin d’une aide à domicile et une infirmière passe régulièrement. Son voisin aussi, passe régulièrement. Elle dit qu’il lui taxe son téléphone pour appeler ses proches en Tunisie, et qu’il lui demande parfois de l’argent. « Jamais de ma vie », s’offusque le prévenu. Jeudi dernier, en soirée, sa compagne et lui boivent « un petit canon » de Vodka-Red Bull, ce cocktail explosif qui permet, dit-on, de danser toute la nuit ou de bosser 16 heures par jour, ou éventuellement de faire n’importe quoi et de l’oublier ensuite.
Menaces de mort, violences, il était alcoolisé
C’est l’hypothèse que défend maître Pépin pour son client, lequel fait pendant l’audience la démonstration de sa fragilité, disons-le comme ça. On lui reproche outrages, violences contre la police, rébellion, et violences et menaces de mort contre deux professionnels de santé. Du box, le prévenu maintient qu’il a demandé à sa compagne d’appeler la police parce que l’infirmière le menaçait d’un taser. « La police est arrivée, j’ai rien compris à ce qui s’est passé. » Il s’accroche comme un perdu à la vidéo que la mère de ses enfants aurait prise et qui détiendrait la vérité, mais « pas moyen d’ouvrier le fichier » répète la présidente Caporali. Elle précise que ce n’est pas sa compagne qui a appelé la police.
« Alala madame la juge ! »
Maître Pépin déplore que personne n’ait fait l’effort de recharger le téléphone pour pouvoir lire la vidéo, « si tout est si clair que ça », mais elle ne plaide pas pour autant la relaxe, elle plaide un accompagnement, des soins. « Vous avez donné un coup de pied à un membre de l’équipage, dit la présidente. - Comment j’aurais pu donner un coup de pied, alors que ça fait trois semaines que je ne peux pas marcher ? Alala madame la juge ! (sur un ton qui dit : M’enfin, soyez raisonnable !) - Ça ne vous empêche pas d’aller chez votre voisine », observe la présidente qui s’en tient aux éléments de réalité.
Il est au bord des larmes : « Je sais pas, je comprends plus rien »
« Connards, je vais vous retrouver et vous couper la g... », « je vais te tuer sale pute », la juge relit les menaces de mort à l’encontre des forces de l’ordre et de l’infirmière. « Madame la juge ! Comment j’aurais fait une phrase comme ça ? Je sais pas lire, pas écrire. Il y a une preuve dans mon téléphone. Je ne comprends pas, moi ! » Il fait des gestes à l’appui de ses protestations, sa voix se brise. Il était sûr de lui, mais à partir de ce moment il flanche un peu. « L’infirmière sort son taser parce que vous faisiez peur à tout le monde », insiste la présidente. Il est au bord des larmes : « Je sais pas, je comprends plus rien. »
« Situation particulièrement fragile »
7 fois condamné entre 2016 et 2019, pour conduite sous l’empire de l’alcool, des faits relatifs à la législation sur les stupéfiants (il fume du cannabis), violence sur conjoint (sa conjointe est dans la salle et le soutient certes silencieusement mais avec vigueur), outrage, rébellion, violences avec arme, vol avec dégradation. C’était sa dernière peine, il est sorti de prison en juin dernier, il est en sursis mis à l’épreuve. Il est contraint de suivre des soins. Il va faire signer le papier, sans plus de conviction. Son CPIP (conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation) écrit que cet homme a besoin d’un suivi renforcé et que ce suivi est prévu. « Situation particulièrement fragile. » Il n’a aucun revenu, sa compagne perçoit le RSA.
Il dit vouloir travailler, mais ne pas en avoir le droit
Le prévenu dit : « J’ai envie de travailler, c’est tout. Comme ça je reste tranquille. » Il dit qu’il ne peut pas, parce qu’il a déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour et qu’en attendant il n’a pas le droit de travailler. Il ne pense pas que ce qu’il donne à voir et à entendre fait douter de ses capacités à tenir un travail, mais ce sont peut-être là des préjugés. N’empêche que ses contestations agacent beaucoup Thomas Ronfard qui représente les policiers. L’avocat plaide vivement le contexte dans lequel l’équipage est intervenu et les conditions de l’interpellation. Le parquet requiert une peine de 8 mois de prison et son maintien en détention, ainsi que la révocation du sursis de 2019.
1 an ferme, deux ans sous main de justice
Le tribunal déclare ce monsieur coupable et le condamne à une peine de 12 mois de prison dont 7 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans (obligation de travailler, de suivre des soins, d’indemniser les victimes - interdiction de paraître au X rue André Gide, interdiction de contact avec les victimes). Maintien en détention pour la partie ferme. De surcroît le tribunal prononce la révocation totale du sursis de 7 mois et ordonne son incarcération immédiate.
La nave va
Ça fait 1 an ferme. Il se lève ainsi que son escorte. Sa compagne lui envoie un baiser énergique, convaincu, du type « à la vie-à la mort ». Elle va devoir vivre seule au moins pendant le temps de l’incarcération, à sa sortie il n’aura pas le droit de la rejoindre à son domicile, les enfants sont toujours placés, e la nave va.
FSA
Le prévenu est condamné à verser 600 euros à l’infirmière et 250 euros à chaque policier. Comme il n’a pas le moindre revenu, les victimes devront certainement se tourner vers le SARVI (service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction https://www.fondsdegarantie.fr/sarvi/ )
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