Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Ce mardi 9 février vers 15 heures, la vieille dame a appelé la gendarmerie de Mervans. Son petit-fils lui demande de l’argent, elle refuse, il s’énerve.

TRIBUNAL DE CHALON - Ce mardi 9 février vers 15 heures, la vieille dame a appelé la gendarmerie de Mervans. Son petit-fils lui demande de l’argent, elle refuse, il s’énerve.

Le petit-fils est connu, du coup les pompiers arrivent avec les gendarmes. « Je n’avais pas dormi depuis deux nuits, j’avais pas touché mon AAH, je lui ai juste demandé 200, 400 euros. »

Sa grand-mère dit qu’elle a vidé son épargne lorsque le petit est sorti de prison avec des dettes de stupéfiants. Elle n’a plus d’argent de côté, et c’est tout.

Les pompiers emmènent le garçon à l’hôpital. La police nationale du commissariat de Chalon-sur-Saône prendra le relai parce qu’il y a piqué une crise. Insultes à l’encontre du personnel soignant, menaces de mort et violences. Un infirmier a le doigt cassé, il a dû être opéré, les autres ont reçu des crachats. Pourquoi ? Il avait cru que les pompiers l’accompagnaient à l’hôpital puis le ramenaient fissa chez sa grand-mère, à Mervans. Dans ces conditions quand le médecin lui a proposé de le faire hospitaliser à Sevrey, il a vrillé, « le manque arrivait, je voulais sortir pour prendre une dose ».

Il est blême, d’une pâleur maladive

Ce jeune homme est un grand toxicomane, un qui ne vit plus que pour ses doses. Il prend du Seresta, des anxiolytiques, de la méthadone, de l’héroïne, de la cocaïne (beaucoup, parce que ça lui sert d’antidépresseur, répète-t-il), et du cannabis. Il a 28 ans, et on ne peut pas écrire qu’il a le teint blanc car on serait en-dessous de la réalité. Il est blême, d’une pâleur maladive. « Je veux entamer une cure. Je veux sortir de là parce que ça me gâche la vie. » Il veut « essayer d’arrêter la drogue ». Il avait commencé une cure, on a voulu le placer sous curatelle, il a refusé, il dit que cela a entraîné l’arrêt de la cure, pour refus de soin.

« Monsieur, vous dites vouloir faire une cure, mais vous refusez l’hospitalisation »

Il commence par rejeter la faute de tout sur tout le monde mais le président Madignier l’encercle (par la parole, évidemment) et il finit par reconnaître « c’est de ma faute ». Un juge assesseur, par ailleurs juge d’application des peines, connaît le prévenu. « Monsieur, vous dites vouloir faire une cure, mais vous refusez l’hospitalisation que le médecin vous propose. (Le garçon garde la tête baissée) On tourne en rond, là. L’été dernier, vous avez reçu quelle somme lorsque l’allocation adulte handicapé a été régularisée pour vous ? – Deux fois 3000 euros. – C’est resté combien de temps dans votre poche ? – Pas longtemps. – Donc vous voyez, vous voudriez une amende comme sanction, mais vous n’avez pas d’argent, tout part dans les stupéfiants. »

« Vous allez mourir, monsieur, si vous continuez comme ça »

Le juge Jacob poursuit : « A quel moment on va pouvoir, avec vous, faire quelque chose ? – Je sais. Je regrette, je regrette.  – Vous avez refusé une curatelle parce que vous n’auriez plus pu acheter autant de drogue, c’était une aide qu’on vous proposait. Tout le monde autour de vous essaie de vous aider. Il faut, à un moment, accepter cette aide. – Pour ma santé, déjà. Je ne vais pas aller bien loin. – C’est évident, monsieur. Cet été votre pronostic vital était engagé. Vous allez mourir, monsieur, si vous continuez comme ça. Les 16 mois vont se faire (le prévenu avait cette peine à faire, elle est mise à exécution maintenant). Le sevrage va se faire, mais pas en cure, en prison. – Les 18 mois (une peine qui fut exécutée), ça m’avait tué. – Les 16 mois vous permettront peut-être de rester en vie. »

« Si, si, je veux. Mais j’arrive pas, c’est trop dur »

 

Les trois juges et le procureur ne lâchent pas le jeune homme mais toujours sur un ton très calme, aucun emportement, aucune provocation. Le prévenu n’entend que des propos certes désagréables, mais comme peut l’être la vérité (elle ne va jamais de soi, elle est toujours difficile et parfois compliquée). Le temps s’égrène, épaissi par ces paroles, et le prévenu petit à petit change de position. Le procureur : « Pourquoi vous vous droguez ? – Je suis tombé dans la drogue avec les copains à l’âge de 20 ans. Je suis pas bien dans ma peau, ça fait anti-dépresseur pour moi. C’est pour ça que je prends beaucoup de cocaïne. – Vous ne voulez pas vous en sortir. – Si, si, je veux. Mais j’arrive pas, c’est trop dur. »

Sa pleine responsabilité, y compris à être devenu ce qu’il est pour l’instant

Maître Bourg représente les infirmiers et cadres de santé qui se constituent parties civiles pour les insultes (« pute, salope, nique ta mère »), les menaces de mort (« j’ai une kalach à la maison, je vais vous retrouver, je vais vous rafaler »), et les violences (un doigt cassé déjà opéré mais deux mois d’arrêt dans un contexte où les hôpitaux comptent leurs forces vives – des crachats sur les deux autres). L’avocate rappelle le sens de leurs métiers, et la difficulté que pose cet homme « déjà connu », « toxicomane ». Charles Prost, procureur, qualifie le prévenu « désespéré » et le dossier « désespérant », il insiste sur sa pleine responsabilité, y compris à être devenu ce qu’il est pour l’instant, liste les révocations de peine et l’absence d’excuses, requiert 2 ans de prison.

Des excuses, un mot pour sa grand-mère

« Ni son casier, ni son attitude à l’audience ne plaident pour lui, mais sa personnalité… » Maître Reynaud origine le mal de son client dans la perte de sa maman, lorsqu’il avait 3 ans. Le prévenu a la parole et présente des excuses. Les menaces ? Sous l’effet de la colère, il ne le pensait pas. Il évoque sa grand-mère : « C’est vrai, je lui en ai fait voir pas mal. » Elle a plus de 80 ans, il faut des forces pour faire face à cet adulte encore jeune qui semble se vider de son sang mais qui trouve sans mal des ressources super violentes en lui.

Incarcéré pour 16 mois puis 8 mois

Le tribunal le déclare coupable et le condamne à une peine de 20 mois de prison dont 12 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé. Mandat de dépôt pour la partie ferme. Ces 8 mois s’ajoutent aux 16 qui sont mis à l’écrou : ça fait 2 ans de prison ferme, puis 2 ans sous main de justice pour l’accompagner dans son retour à la vie civile (avec 12 mois de prison au cas où). Tout manquera : logement, formation, travail. S’il parvient à s’extraire, et surtout s’il tient.

FSA