Faits divers
Assises de Saône-et-Loire : «N’oublions pas que nous sommes là pour juger le geste qui a été le sien», rappelait ce jeudi matin la présidente Therme
Publié le 24 Juin 2021 à 17h32
En ce qui concerne l’affaire dite « Bacot », on peut avoir au moins une certitude : nous sommes manipulés. La construction d’une image publique, guidée par les deux avocates qui se sont saisies du dossier puis par l’éditeur du livre signé par l’accusée, fonctionne. La presse s’est précipitée à ce procès que la défense veut emblématique d’une cause que pourtant les débats n’exposent pas d’une manière flagrante*.
La coupable devient une victime totale, et ce discours marche à fond sur toute une partie de la population qui elle-même se sent lésée, et qui s’abreuve à une idéologie très active actuellement, foncièrement anti-sociale, pour le dire rapidement...
A partir de là, la justice n’est qu’« une justice de m… », les gendarmes ne répondent pas au doigt et à l’œil (pour mémoire : les ados, à supposer qu’ils se soient bien rendus dans les brigades, n’ont pas voulu déposer plainte, ils sont allés se renseigner, cela a été dit à l’audience, et ils ont ensuite déclaré avoir espéré que les gendarmes enquêteraient sur initiative), il est tout à fait « normal » que les victimes tuent leurs bourreaux, et d’ailleurs toutes les victimes témoignent de leurs souffrances.
Mercredi 23 juin, les derniers témoignages de la journée étaient forts mais ils étaient rôdés, déjà servis à des chaînes de télévision. Que ces discours viennent dire quelque chose de vrai, quant à des souffrances réelles, et des difficultés sociales injustes, c’est certain, mais ils ne parlent pas de ce qui s’est réellement passé dans cette affaire. Ils déportent le regard, et c’est le procès de la mère, le procès du défunt, le procès des gendarmes, le procès de la justice.
Que Valérie Bacot ait été mal traitée et maltraitée ne fait pourtant aucun doute, mais pas de la façon dont on nous le présente sur la place publique. Cela est gênant car les parpaings servis à l’extérieur obstruent une vision plus fine, et surtout plus juste, qui permettrait de faire la part entre le fait de l’assassinat et tout ce qui viendrait atténuer la responsabilité de l’accusée puisqu’il n’est pas discuté qu’elle ait été une enfant abusée et manipulée, puis une femme abusée et terrorisée.
En revanche, l’écart entre ce qui est volontairement mis en scène publiquement, et ce qui apparaît à l’audience, interroge sur sa propre capacité à manipuler en usant précisément de son malheur.
On avait déjà lu cela quelque part. Il est devenu assez difficile de faire la part des choses (et c’est bien l’objectif du tapage médiatique, une véritable prise de tête). Que l’accusée respire mieux de s’être débarrassée d’un homme violent, abusif, intrusif, c’est parfaitement compréhensible, et l’absence de parties civiles (à l’exception du fils encore mineur) à ce procès corrobore la toxicité de la victime au dossier, c’est-à-dire l’époux de l’accusée.
De là à ériger cette malheureuse femme en symbole des plus hautes valeurs, alors qu’elle a laissé deux de ses fils recouvrir de terre le cadavre de leur propre père, on perd le sens de toute mesure.
La préméditation est acquise, et que la défense aille dire et répéter le contraire à chaque suspension d’audience ou presque, aux nombreux micros qui lui donnent une audience permanente, n’y change rien. En revanche les éléments de réalité sont en souffrance.
Tout cela est navrant. Navrant car le contexte dans lequel Daniel Polette a été assassiné porte ses propres éclairages, et ils ne peuvent qu’être favorables à l’accusée. Ceci sans le recours à une mise en scène jonchée d’excès qui la rendent, elle, mensongère.
Bref, Valérie Bacot a réellement vécu dans un climat épouvantable, et dans des violences, mais elle n’a pas été battue comme plâtre quotidiennement. En revanche, ces années passées sur une plaque chauffante en permanence l’ont menée à « un épuisement émotionnel » rapporte le docteur Prieur à la barre, ce jeudi 24 juin.
Au point qu’il est permis de penser que son discernement a d’une certaine façon été altéré depuis son enfance, tant la confusion dans laquelle elle a grandi, et l’absence de protection des adultes qui en étaient responsables, ont fait d’elle une femme « au profil très immature » dira madame François, psychologue. « Non-différentiation des générations », « pas de distinction entre dangereux et protecteur » : Valérie Bacot est victime, oui, des mauvais traitements et de l’absence de tout repère digne de ce nom.
La psychologue relève dans son rapport « une difficulté à comprendre l’environnement social en lien avec la compréhension des règles et de la loi. »
Il ressort des débats de ces derniers jours que Valérie Bacot n’a pas décidé, seule, comme ça, froidement, de passer à l’acte. Il a fallu l’émergence d’un contexte dans lequel le jeune petit ami de sa fille a joué un rôle, passif (« je te soutiendrai », voilà sans doute qui n’était jamais arrivé à l’accusée), et actif (l’idée du somnifère dans le café de la victime), et qui sait ?
A la barre tout n’est pas dit, mais il est dit et établi suffisamment malgré tout pour que la qualification juridique tienne.
Cela n’empêche nullement de faire avancer les débats et le savoir collectifs pour une meilleure connaissance visant à la prévention des violences et des abus commis sur les enfants.
Il serait exemplaire de commencer par respecter cette femme pour qui elle est, et de ne pas la manipuler une fois encore à des fins étrangères à son intérêt ainsi qu’à ceux de ses enfants. Il est très désagréable d’avoir à assister à ce jeu-là. « N’oublions pas que nous sommes là pour juger le geste qui a été le sien », rappelait ce jeudi matin la présidente Therme.
Mercredi 23 juin, les derniers témoignages de la journée étaient forts mais ils étaient rôdés, déjà servis à des chaînes de télévision. Que ces discours viennent dire quelque chose de vrai, quant à des souffrances réelles, et des difficultés sociales injustes, c’est certain, mais ils ne parlent pas de ce qui s’est réellement passé dans cette affaire. Ils déportent le regard, et c’est le procès de la mère, le procès du défunt, le procès des gendarmes, le procès de la justice.
Que Valérie Bacot ait été mal traitée et maltraitée ne fait pourtant aucun doute, mais pas de la façon dont on nous le présente sur la place publique. Cela est gênant car les parpaings servis à l’extérieur obstruent une vision plus fine, et surtout plus juste, qui permettrait de faire la part entre le fait de l’assassinat et tout ce qui viendrait atténuer la responsabilité de l’accusée puisqu’il n’est pas discuté qu’elle ait été une enfant abusée et manipulée, puis une femme abusée et terrorisée.
En revanche, l’écart entre ce qui est volontairement mis en scène publiquement, et ce qui apparaît à l’audience, interroge sur sa propre capacité à manipuler en usant précisément de son malheur.
Ne pas perdre toute mesure
Cela est gênant car on met en scène une ferveur qui laisse interrogatif. Hier, mercredi, une femme témoigne en se présentant comme présidente d’un comité de soutien à Valérie Bacot. La voix tremblante, très émue, elle veut convaincre les jurés que « Valérie est une femme qui a « de bonnes valeurs, et qui a très bien éduqué ses enfants ».On avait déjà lu cela quelque part. Il est devenu assez difficile de faire la part des choses (et c’est bien l’objectif du tapage médiatique, une véritable prise de tête). Que l’accusée respire mieux de s’être débarrassée d’un homme violent, abusif, intrusif, c’est parfaitement compréhensible, et l’absence de parties civiles (à l’exception du fils encore mineur) à ce procès corrobore la toxicité de la victime au dossier, c’est-à-dire l’époux de l’accusée.
De là à ériger cette malheureuse femme en symbole des plus hautes valeurs, alors qu’elle a laissé deux de ses fils recouvrir de terre le cadavre de leur propre père, on perd le sens de toute mesure.
Un terreau particulier
L’audition de la mère de l’accusée était intéressante car on assistait au récit du tripot familial qui a ensuite généré le « bordel » qu’évoquait Lucas mardi à la barre. Lucas, le petit ami de la fille de l’accusée et de la victime, qui devint, après le crime, l’amant de la mère de sa copine. C’est sur ce terreau qu’est née l’idée de faire disparaître Daniel Polette, puis de dissimuler le crime.La préméditation est acquise, et que la défense aille dire et répéter le contraire à chaque suspension d’audience ou presque, aux nombreux micros qui lui donnent une audience permanente, n’y change rien. En revanche les éléments de réalité sont en souffrance.
Tout cela est navrant. Navrant car le contexte dans lequel Daniel Polette a été assassiné porte ses propres éclairages, et ils ne peuvent qu’être favorables à l’accusée. Ceci sans le recours à une mise en scène jonchée d’excès qui la rendent, elle, mensongère.
*Des violences continues versus un climat de terreur et de domination complète
Le voisin du dessous n’a jamais rien entendu, l’école puis le collège puis le lycée n’ont jamais rien remarqué. A la barre les enfants entendaient leur mère crier, à la barre la mère a assuré ne jamais crier (ce qui permet d’expliquer que le voisin du dessous n’ait jamais rien entendu).Bref, Valérie Bacot a réellement vécu dans un climat épouvantable, et dans des violences, mais elle n’a pas été battue comme plâtre quotidiennement. En revanche, ces années passées sur une plaque chauffante en permanence l’ont menée à « un épuisement émotionnel » rapporte le docteur Prieur à la barre, ce jeudi 24 juin.
Altération du discernement de l’accusée au moment des faits
L’expert-psychiatre conclut à une altération du discernement de l’accusée au moment des faits. « Pas de trouble avec le réel, pas de production délirante, pas de personnalité psychotique ou paranoïaque, pas de pathologie dépressive. Valérie Bacot souffre essentiellement de carences affectives et éducatives précoces. »Au point qu’il est permis de penser que son discernement a d’une certaine façon été altéré depuis son enfance, tant la confusion dans laquelle elle a grandi, et l’absence de protection des adultes qui en étaient responsables, ont fait d’elle une femme « au profil très immature » dira madame François, psychologue. « Non-différentiation des générations », « pas de distinction entre dangereux et protecteur » : Valérie Bacot est victime, oui, des mauvais traitements et de l’absence de tout repère digne de ce nom.
La psychologue relève dans son rapport « une difficulté à comprendre l’environnement social en lien avec la compréhension des règles et de la loi. »
Il ressort des débats de ces derniers jours que Valérie Bacot n’a pas décidé, seule, comme ça, froidement, de passer à l’acte. Il a fallu l’émergence d’un contexte dans lequel le jeune petit ami de sa fille a joué un rôle, passif (« je te soutiendrai », voilà sans doute qui n’était jamais arrivé à l’accusée), et actif (l’idée du somnifère dans le café de la victime), et qui sait ?
A la barre tout n’est pas dit, mais il est dit et établi suffisamment malgré tout pour que la qualification juridique tienne.
Cela n’empêche nullement de faire avancer les débats et le savoir collectifs pour une meilleure connaissance visant à la prévention des violences et des abus commis sur les enfants.
Il serait exemplaire de commencer par respecter cette femme pour qui elle est, et de ne pas la manipuler une fois encore à des fins étrangères à son intérêt ainsi qu’à ceux de ses enfants. Il est très désagréable d’avoir à assister à ce jeu-là. « N’oublions pas que nous sommes là pour juger le geste qui a été le sien », rappelait ce jeudi matin la présidente Therme.
Florence Saint-Arroman
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