Faits divers

Agression sexuelle d'un mineur et exhibition dans un TER

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 06 Septembre 2021 à 19h51

Agression sexuelle d'un mineur et exhibition dans un TER

Ça s’était mal passé avec son ami, à Paris. Cette dispute…, il avait bu pendant la nuit. A 6h35 il est monté dans le TER pour Lyon. Il lui fallait voir d’autres gens, parler, se remettre. Ce train ! Il y faisait chaud, ce 12 juin.

Ce train ! Il y faisait chaud, ce 12 juin, et pas moyen de trouver une prise pour recharger son portable. Il est entré dans un compartiment, un garçon y voyageait seul. A l’arrivée de l’homme, il a levé la tête et lui a souri.

L’homme s’est d’abord assis à côté de lui, a posé sa main sur son épaule. Le garçon lui a demandé de l’enlever. Puis c’est une main sur sa cuisse. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, le jeune ado dit au type de le laisser tranquille, en vain. A la cinquième fois, le type obtempère mais se lève et sort son sexe en érection. « Vous auriez pu aller dans les toilettes, si vous étiez excité comme ça », remarque la présidente Catala. Le prévenu en convient, mais il dit avoir été débordé par son état. Il finit par sortit du compartiment, en oublie son téléphone, revient le chercher, s’excuse auprès du garçon, mais le mal est fait.

« Excellent réflexe » du jeune garçon

Le jeune passager (13 ans le 12 juin, 14 ans quelques jours plus tard) alerte la contrôleuse. « Excellent réflexe » salue la présidente. La SNCF alerte à son tour la police, laquelle se déplace sur le quai de la gare de Chalon-sur-Saône et cueille le mis en cause qui reconnaît les faits et passe rapidement au statut de prévenu. L’expertise psychiatrique est obligatoire pour les faits de nature sexuelle, il va attendre 2 mois en détention provisoire, puis un mois de plus car le dossier, appelé début août, est renvoyé.

« Il a besoin du regard de l’autre pour exister »

Il a 50 ans mais sa silhouette est sans âge et le masque dissimule son visage. Un homme fragile mais pénalement responsable. Frappé d’une affection longue durée il est en invalidité, il ne travaille plus depuis 2002. Célibataire sans enfant, il vit à Moulins. « J’ai toujours aidé les autres, mais là j’avais besoin qu’on m’aide, je n’y arrivais plus. Dans les derniers mois, je ne savais plus où j’allais… » Son passage à l’acte met fin aux tergiversations. L’expert psychiatre retient de grandes difficultés dans les relations avec les autres, de vives angoisses, « il a besoin du regard de l’autre pour exister ». Cela est vrai pour tout le monde, mais le souligner, c’est dire qu’il ne sait pas tenir solidement sur ses jambes lorsque le regard de l’autre ne le soutient plus. Et puis il boit, il boit trop. « Vous êtes alcoolique. – Oui. »

Et « nos regards se sont croisés » …

Tout cela revient à l’audience, sous les questions précises des juges qui tâchent de border le problème : est-il attiré par les mineurs ? Pourquoi ne s’est-il pas retenu en voyant que le garçon était si jeune ? Non, dit-il, il ne recherchait pas une proie, tout est arrivé aussi soudainement que fortuitement… Pas tout à fait fortuitement, il était effondré à l’intérieur de lui, l’alcool n’étant qu’un piètre soutien, et, il le répète : « nos regards se sont croisés » … Du fond de sa détresse réactivée par la dispute avec cet ami, il y voit comme le signal d’un phare dans la nuit, un truc auquel se raccrocher, la promesse que la noyade totale ne sera pas pour aujourd’hui. « Je voulais parler. Je ne sais pas pourquoi ça s’est passé comme ça. »

C’est un peu malheurs contre malheurs

Maître Roques (barreau Dijon) tient à ce que ce monsieur entende l’histoire de la victime. C’est un peu malheurs contre malheurs, mais dans un des plateaux, y a un enfant, un pré-ado devenu pupille de l’Etat. Le préfet de Côte d’Or intervient à l’audience en sa qualité de représentant légal du mineur, lequel a vu ses parents divorcer lorsqu’il avait environ 4 ans. Puis en 2017, il perd son père, et en 2019, sa mère. Le père s’était écroulé devant lui. C’est une histoire insensée. Il est placé en famille d’accueil, et, récemment, renoue avec le frère de son père. Cet oncle ressuscité l’invite à Chalon, pour y fêter ses 14 ans.

« Il se sent coupable de lui avoir souri », rapporte son avocate

C’était son premier voyage seul en train. Il se réjouissait sans réserve. Il n’avait aucune raison de se montrer grossier quand le type est entré dans le compartiment. Comment aurait-il pu savoir qu’il avait à côté de lui un homme à la sexualité portée vers les femmes mais aussi vers les hommes, mais surtout un homme complètement dépendant des autres en dépit de son âge, un homme qui ne sait vivre qu’en se raccrochant à des radeaux. Et le garçon lui a souri… « Pourquoi moi ? » se demande la victime. « Il se sent coupable de lui avoir souri », rapporte son avocate. Il était seul dans le compartiment, ça a joué bien sûr, et heureusement qu’il est allé trouver la contrôleuse. Il ne pouvait pas mieux faire. « C’est un garçon courageux », dit encore maître Roques.

« Ce sont des faits graves et monsieur n’est pas encore clair sur ses actes »

Anne-Lise Peron, substitut du procureur, voit bien que le prévenu est, à l’instar de la victime, « en état de souffrance(s) », mais elle voit également qu’il rejette une part de responsabilité sur ce fameux sourire, elle trouve cela malsain. « Ce sont des faits graves et monsieur n’est pas encore clair sur ses actes. » Elle requiert une peine de 15 mois de prison avec son maintien en détention, et un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans avec une injonction de soins. Maître Lopez s’attache à recontextualiser ce passage à l’acte alors que son client n’a pas de casier judiciaire. « Il souhaite faire un travail sur lui, trouver des solutions. Il est assez isolé, de par sa maladie, sa détresse, et ses grandes difficultés psychologiques. »

« Il a déjà passé 3 mois en détention, c’est beaucoup »

L’avocat estime que n’importe quelle peine serait adaptée à l’exception de la prison. « Il a déjà passé 3 mois en détention, c’est beaucoup. Il a commencé à y voir un psychiatre, mais prolonger l’enfermement rendrait sa réadaptibilité plus difficile. Il a un logement fixe, des parents et une sœur qui sont présents pour lui. » Le prévenu conclut : « Même si j’ai du mal à m’exprimer sur ce qui s’est passé, je sais très bien que c’est inadmissible. Je suis décontenancé, c’est douloureux pour moi d’avoir fait du mal à ce jeune. »

Suivi socio-judiciaire pendant 5 ans

Le tribunal le déclare coupable d’agression sexuelle imposée à un mineur de moins de 15 ans, et d’exhibition sexuelle. Le condamne à un suivi socio-judiciaire* pendant 5 ans (2 ans de prison à la clé s’il n’en respecte pas tout le cadre). Obligation d’indemniser la victime, injonction de soins, interdiction d’exercer toute activité au contact de mineurs. Le tribunal constate son inscription au FIJAIS (elle est systématique pour de tels délits). L’homme disait qu’à force de ne plus travailler, il finissait par chercher « à droite et à gauche de quoi m’occuper ». Avec une telle mesure, il sera occupé.

* https://www.justice.gouv.fr/justice-penale-11330/lapplication-de-la-peine-11337/le-suivi-socio-judiciaire-16419.html  

FSA