Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Dans un restaurant de Saint Germain du Bois, il avait sorti une arme et tiré
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 21 Septembre 2021 à 20h43
Dans un petit restaurant de Saint-Germain du Bois, en soirée, le 1er septembre dernier, un homme a d’abord menacé le gérant et sa compagne avec une arme de poing, puis il est revenu et il a tiré. En tout, il y a 11 victimes dans ce dossier.
Interpellé par les gendarmes le soir même, l’homme est placé en garde à vue, déféré, puis placé en détention provisoire, l’institution judiciaire diligente une expertise psychiatrique. Ce lundi 20 septembre, à l’audience des comparutions immédiates, on voit le coupable. 22 ans, abattu, le visage expressif en dépit du masque chirurgical dont le port est encore obligatoire dans ces circonstances. On est loin des mimiques et de l’attitude frondeuse du prévenu qui viendra plus tard.
Un pistolet à billes, ressemblant en tous points à une arme létale
Aucune des victimes n’est venu à l’audience. Pourtant quand la compagne du gérant, craignant pour sa vie et celles de tous, s’est mise à quatre pattes pour rejoindre la cuisine du restaurant et appeler les secours, on imagine sans peine l’angoisse et la peur que toutes les personnes présentes ont éprouvées. C’était un pistolet à billes, ressemblant en tous points à une arme létale, en conséquence, le traumatisme causé par la mise en joue, puis par les tirs, est le même. Ce soir-là, une mère et son fils ont vu le jeune homme courant comme s’il était poursuivi. La femme s’est souciée de lui, a cherché à savoir s’il ça allait pour lui, l’a retrouvé derrière un supermarché, elle aussi tenue en joue. Bonjour la peur. Les gendarmes ont été alertés à 22 heures, ils ont interpellé l’auteur à 22h15, il avait 1.24 gramme d’alcool par litre de sang.
Un garçon « fortement carencé sur le plan affectif »
Vues par les victimes, les différentes scènes sont donc ultra violentes. Ce sont des scènes d’effraction et de peur pour sa vie, des scènes au cours desquelles on perd le contrôle et tout sentiment de sécurité. La substitut du procureur, Clémence Perreau, le souligne, avec raison. Mais en face d’elle, dans le box, on voit un garçon au front tourmenté et aux yeux tristes. Un garçon « fortement carencé sur le plan affectif » écrit l’expert psychiatre. Son père quitte le domicile, il n’a que 3 ans. Sa mère l’élève mais il est bougeon, difficile, il est placé en foyer à l’âge de 12 ans. « Suite à des difficultés » rapporte la présidente Verger, il revient chez sa mère. Il sera violenté par ses différents compagnons. A l’exception d’un seul. Celui-ci est mort, le garçon dit avoir tenté en vain de lui porter secours. A l’évocation de ce souvenir, sa tête plonge en avant. Accablé par une douleur trop lourde à porter.
« Pour qu’elle me porte chance »
« Ma mère me voit comme un gogol. » Sa mère a dit en audition : « Nous ne le voulons plus à la maison. Je suis vraiment déçue de lui. » Elle lui a porté un cabas d’affaires au centre pénitentiaire. Dedans elle lui avait mis une lettre. Cette lettre, il l’a prise avec lui pour l’audience, « pour qu’elle me porte chance ». Fortes carences affectives. De toute façon il n’a eu aucune autre visite, aucun appel, rien. Depuis ses 18 ans il a été plusieurs fois hospitalisé en centre spécialisé. Il a un gros traitement de médocs censés… Censés quoi ? Lui donner ce qu’il n’a pas reçu ? Non, censés contenir ses angoisses, sa dépression, ses débordements. Il prend aussi des comprimés qui doivent l’aider à se défaire de son addiction à l’alcool. Mais son grand-père est mourant. La disparition annoncée de ce grand-père lui a fait perdre les pédales. Comment encaisser la mort d’un être qu’on aime, auquel on est attaché, et rester sur ses pieds quand on est fragile à ce point ?
« J’ai repris mes esprits bien plus tard. Sur le moment je me sentais surpuissant »
L’ambiance était électrique ce soir-là au domicile de sa mère, il a acheté deux bières fortes et les a bues. Il s’est retrouvé d’abord un peu soul, « mon grand-père…, il… est mourant, et, ça me …. J’avais besoin de boire un coup pour… », puis ensuite dans un état second. « C’est comme si c’était pas moi. Je comprends pas. Peut-être à cause de l’alcool. » Le pistolet ? « Au cas où il se passe quelque chose, pour me défendre. » La présidente lui dit qu’il a activé la gâchette, que c’est extrêmement dangereux. « Je suis entièrement d’accord avec vous. C’est pour ça que je me demande si on n’a pas mis quelque chose dans mon verre. » Médicaments et alcool, la cata. Visage malheureux : « Je sais ce que c’est d’être traumatisé. Je m’en veux énormément. J’ai repris mes esprits bien plus tard. Sur le moment je me sentais surpuissant. »
Pas d’avocat
La présidente s’assure d’une chose : « On envisage une mesure de protection (civile). » Le prévenu, qui n’a pas d’avocat, « je pensais en trouver un ici (dans la salle d’audience, ndla) », dit ne pas supporter le régime carcéral. « C’est trop dur pour moi. » La substitut du procureur comprend cela mais s’il était libéré après l’audience où irait-il ? C’est pourquoi elle requiert son maintien en détention, pour 9 mois en tout : « Il faut travailler à préparer votre sortie, trouver une solution d’hébergement et une prise en charge avec des soins. » « Pas la prison », dit-il. Le parquet retient l’altération du discernement notée par l’expert psychiatre. Le prévenu a 3 condamnations à son casier, dont 2 pour outrages. A chaque fois il était alcoolisé.
7 mois de prison puis 3 ans de suivi renforcé
Le tribunal condamne le prévenu à une peine de 14 mois de prison dont 10 mois sont assortis d’un sursis probatoire renforcé pendant 3 ans (durée plus longue qu’habituellement, et le « renforcé » est important aussi). Obligations de soins (psychologiques et addictologiques), d’indemniser les parties civiles, et d’intégrer le dispositif AIR (accompagnement individuel renforcé). Interdiction de fréquenter les débits de boissons. Ordonne le maintien en détention. En outre le tribunal révoque 3 mois d’un sursis antérieur, ordonne son incarcération immédiate. 7 mois ferme en tout, pour mettre en place de quoi vivre à sa sortie. Il a 22 ans.
Côté face, c’est donc un fait divers effrayant qui s’est déroulé le 1er septembre dans un kebab de Saint-Germain du Bois, côté pile on trouve un pauvre garçon, sous camisole chimique et en recherche d’affection, encore hospitalisé 2 mois avant les faits, qui ce soir-là a bu et s’est senti « surpuissant ». Pour une fois.
FSA
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