Culture

Conférence de l'UTB sur les relations des empereurs et des rois de France avec le monde musulman à la Maison des Syndicats

Par Karim BOUAKLINE-VENEGAS AL GHARNATI

Publié le 01 Février 2022 à 22h45

Conférence de l'UTB sur les relations des empereurs et des rois de France avec le monde musulman à la Maison des Syndicats

Mathématicien, professeur émérite à l'Université de Lille et ministre algérien de l'Éducation nationale entre juillet 1992 et avril 1994, Ahmed Djebbar animait cette conférence ce lundi 31 janvier, à la Maison des Syndicats. Retour sur ce temps fort de l'UTB avec Info Chalon.

Nul doute que les adhérents de l'UTB en ont appris beaucoup sur les relations qu'entretenait notre pays sous les rois mérovingiens, carolingiens, capétiens, l'empereur Napoléon, son neveu, Napoléon III et sous la Restauration avec le monde islamique, entre le VIIIème et le XIXème siècle.

Invité par Yves Fournier, président de l'UTB, le mathématicien Ahmed Djebbar, devenu par passion historien, fait voyager son auditoire de l'autre côté des Pyrénées et du Tage au temps d'al-Andalus, comme on désignait alors en arabe la péninsule ibérique sous administration musulmane, en Orient avec les relations entre Charlemagne et le calife Haroun al-Rachid, bien connu des lecteurs des Mille et une nuits, les Croisades, l'alliance entre François Ier et le calife ottoman Soliman le Magnifique ou les aventures napoléoniennes en Égypte, ou de l'autre côté de la Méditerranée avec l'expédition de Saint-Louis qui meurt aux portes de Tunis, la Course, Alger l'imprenable, alors nid des pirates Barbaresques —«Que diable allait-il faire dans cette galère?», ça vous dit quelque chose? — ou l'émir Abdelkader, ce mystique issu d'une confrérie soufie qui, après avoir combattu et résisté un temps à l'envahisseur français, se rendit au général Louis de Lamoricière, 21 décembre 1847, en échange de la promesse qu'il serait autorisé à aller à Alexandrie ou à Acre, pour qu'il puisse finir ses jours près de son maître spirituel, le philosophe andalou Ibn Arabi, mort à Damas en 1240. C'est en 1852 que l'empereur Napoléon III viendra lui-même le sortir de son exil à Amboise et lui permettre de rejoindre la Turquie puis la Syrie.

Cette conférence fut aussi l'occasion pour le chercheur de porter à la connaissance des adhérents de l'UTB un fait nouveau découvert par l'historien américain William Chester Jordan concernant Saint-Louis, plus de 1500 prisonniers musulmans convertis au christianisme durant de la croisade de 1248-1254 et installés par le roi dans le Nord du royaume —donc le plus loin possible des terres ibériques et des rives méditerranéennes pour éviter tout risque de "nostalgie" —, dans un périmètre allant de Coutances dans l'Ouest à Laon dans l'Est, de Saint-Omer au Nord à Bourges au Sud.

Cet historien américain ayant retrouvé leurs traces dans une multitude de localités comme Évreux, Orléans, Saint-Quentin, Tours, Coutances, Poissy, Pontoise, Saint-Denis, ­Senlis, Rouen ou encore Noyon.

Une fois l'implantation réalisée, Saint-Louis ne se détourne pas du sort des nouveaux arrivants, à qui il tenait comme à «la prunelle de ses yeux». Il va aussi assurer leur subsistance. William Chester Jordan a épluché les comptes royaux et retrouvé la trace de la générosité du roi. Ainsi un décompte de dépenses qui court de l'Ascension à la Toussaint 1253 indique des sorties d'argent «pour les frais des convertis venant d’Outremer : cent huit sous, six deniers».

Aussi attentif que prévoyant, le souverain anticipe le froid de l'automne et de l'hiver : il prévoit la livraison annuelle de vêtements, notamment de manteaux. L'aide royale n’est pas ponctuelle mais régulière : pour l’achat de nourriture, «pour leur louer des maisons» mentionnent les registres royaux. Cette aide va se poursuivre pendant plus de cinquante ans, jusqu'à la mort du dernier arrivant venu de Terre Sainte, au tout début du XIVème siècle.

Saint Louis a même pensé à ce qu'on appellerait aujourd'hui les questions d'intégration.

Ahmed Djebbar a terminé sa conférence sur une conclusion intéressante, à savoir que la Realpolitik n'est pas une invention des états modernes mais qu'elle a même été une caractéristique essentielle des rapports entre la France et les états musulmans et qu'elle a visé à la concrétisation des intérêts de chaque protagoniste.

 


 
Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati