Faits divers

Une course-poursuite entre Chalon-sur-Saône et Châtenoy le Royal qui se termine au tribunal

Par Florence Saint-Arroman

Publié le 04 Février 2022 à 08h07

Une course-poursuite entre Chalon-sur-Saône et Châtenoy le Royal qui se termine au tribunal

« J’ai vraiment eu peur. » Allez, un de plus à faire courir des gendarmes en prenant tous les risques. 22 ans, né à Chalon. « Je venais de récupérer mon permis, j’ai eu peur d’être positif si j’avais un contrôle stups. »

Voilà. C’est tout, dit-il. Il avait trouvé du travail, récupéré son permis et chaque jour partait travailler au volant d’une voiture prêtée, avec toutefois un rapport super cool au code de la route : irresponsable. La route lui appartient. D’ailleurs c’est bien parce que des gendarmes qui traversaient Chalon l’ont vu faire une manœuvre interdite qu’ils ont entrepris de le suivre pour le contrôler. Décision renforcée lorsqu’ils croisent des policiers de la BAC qui leur font signe de ne pas lâcher la Citroën et son conducteur : ils l’ont identifié.

« Devant cette prise de risques inconsidérés… » 

Les gendarmes rattrapent la C3, elle s’arrête mais reprend sa fuite, grille les feux, fait des dépassements interdits, roule sur un trottoir, « manque de percuter une femme et un enfant, expose le président Dufour. Devant cette prise de risques inconsidérés, les gendarmes décident de mettre fin à la poursuite ». Une patrouille de Châtenoy-le-Royal trouve le véhicule garé rue Mendes France. Le soir même, vers 21 heures, la BAC de Chalon interpelle le conducteur. Il est alors passager arrière à bord d’une autre voiture. En garde à vue le mis en cause nie. « C’est pas moi qui conduisais. » Devant le procureur, il reconnaît. Il est jugé ce jeudi 3 février selon la procédure de comparution immédiate.

« Là, vous êtes majeur, et vous continuez ! »

A son casier, 6 condamnations, dont 3 par le tribunal pour enfant. Le jeune homme interrompt le président : « Oui mais j’étais mineur. » Le juge ne lui laisse pas développer sa défense et lui répond : « Oui, et là vous êtes majeur, et vous continuez ! » Dernière condamnation en septembre 2021, d’abord jugé pour trafic de stupéfiants, il est finalement condamné pour détention de stups à un sursis probatoire. Le souci, à l'audience, c'est qu’il ne prend pas ses responsabilités, en dépit de celles que sa situation de famille lui confère. Il est l’aîné d’une fratrie nombreuse or le père est gravement malade, la mère s’occupe de lui, donc le fils travaille. « Habituellement, je travaille un peu, puis je touche mon chômage et je me repose (sic) un peu. Là, je ne me suis pas arrêté. »

« QUI ? Qui vous a fait faire des pas en arrière ? – C’est moi, je sais, mais… »

Soit. Dans ces conditions, pourquoi fumer un joint, pourquoi ne pas respecter les règles de conduite ? « Je ne veux pas faire de pas en arrière », répète le prévenu, et ça agace le tribunal, parce que c’est inconséquent. « QUI ? Qui vous a fait faire des pas en arrière ? – C’est moi, je sais, mais je ne veux pas retourner dans un cercle vicieux, de prison. » Il demande un aménagement de peine. C’est alors que la vice-procureur intervient : « Ce n’est pas ce que vous quémandiez déjà le 3 septembre 2021 ? Le tribunal vous a-t-il laissé cette chance ? A-t-il bien fait ? - Ben… j’ai commis une grosse erreur. – Ce n’est pas une erreur, c'est un délit. Qu’est-ce qui change aujourd’hui ? En septembre la justice passe un contrat de confiance avec vous, et vous continuez à fumer (du cannabis, ndla) et à faire n’importe quoi sur la route ? – Je n’étais pas en manque, j’ai fumé comme ça, j’aurais pu faire autre chose. – Oui. Mais vous avez fumé. »

« Ses efforts permettent de dire qu’il est inclus dans la société »

Pour la procureur, si le prévenu avait peur, c’était surtout d’assumer ses responsabilités. « Il est sous sursis probatoire, sous main de justice, et il choisit de fumer (un joint). Il méprise la loi et viole le code de la route. Un aménagement de peine aurait quel sens ? Qu’il ait un travail n’évite pas la récidive, qu’il soit près de sa famille n’évite pas la récidive. » Aline Saenz-Cobo précise que « quand on n’est pas capable de respecter la loi, on n’est pas inclus dans la société, donc sa place est en prison », et requiert une peine de 8 mois de prison et la révocation du sursis à hauteur de 2 mois, avec le maintien en détention. Maître Sarah Bouflija répond au parquet, « je ne suis pas d’accord pour qu’on dise que l’inclusion dans la société est totale ou n’est pas. Ses efforts permettent de dire qu’il est inclus dans la société ».

Être responsable

L’avocate plaide un sursis probatoire dont le jeune homme respectait le cadre, et d’autant plus que la maladie du père le plaçait en première ligne. « Il est jeune, ce n’est pas facile d’avoir les épaules pour porter tout ça. » Elle produit une attestation de son employeur, satisfait de son travail. « Il faut lui permettre de continuer ses efforts. » Mais l’attitude du prévenu qui revendique en quelque sorte un droit à l’erreur alors que les peines successives visaient à lui faire comprendre que le respect de la loi ne se négocie pas, son état de récidive légale (qui double la peine encourue), vont l’emporter sur les autres considérations. Être responsable, c’est être capable de répondre de ses actes.

1 an ferme, permis annulé

Le tribunal condamne le jeune homme, pour refus d’obtempérer dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d’infirmité (en récidive), à la peine de 10 mois de prison avec maintien en détention, et à la révocation de 2 mois de sursis, ordonne l’incarcération immédiate. Son permis de conduire est annulé. « A votre sortie, il restera 4 mois de sursis » et la période de probation reprendra. 
Un an de prison ferme… « Franchement je trouve que la peine, elle est un peu…  - Vous pouvez faire appel, monsieur. »

Florence Saint-Arroman