Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - 22 ans, un comportement suicidaire et dangereux pour les autres

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 18 Février 2022 à 20h29

TRIBUNAL DE CHALON - 22 ans, un comportement suicidaire et dangereux pour les autres

« Il n’a jamais eu d’équilibre dans sa vie, ses parents ne l’ont jamais aidé. » - Trois gendarmes se constituent parties civiles.

Les gendarmes l’avaient récupéré sur la D73 à Charette-Varennes au milieu de la nuit. Il était ivre. Il les a insultés. A l’hôpital, il insultait tout le monde. Il tenait bon malgré ses 3 grammes d’alcool par litre de sang, mais on pouvait espérer qu’il fatiguerait. Assis à l’arrière de la voiture, un militaire à côté de lui, il se tenait tranquille quand subitement il s’est laissé glisser sous la ceinture de sécurité et a flanqué un coup de pied dans la tête de celui qui conduisait.

« C’est presque un gamin, encore »

Le chauffeur avait alors pilé. Il est à l’audience ce jeudi 17 février avec ses deux collègues. Ils se constituent parties civiles pour les outrages et puis, pour la violence, ce coup de pied. Le prévenu se tient à la barre, il était placé sous contrôle judiciaire. Né en mai 1999 à Dole. « C’est presque un gamin, encore » plaidera maître Vaucher. Un gamin qui bosse. Il a un CAP mais il fait ce qu’il trouve, « un travailleur » dit encore son avocat, « ce n’est pas si fréquent ». On a envie d’ajouter : surtout dans l’état où il se trouve déjà, dépendant de l’alcool et aussi des drogues. Le jeune homme dit qu’il a bien levé le pied sur les drogues, parce que sa copine – 5 ans qu’ils se fréquentent, une durée émaillée de séparations et de retrouvailles – l’y a aidé.

Alcoolémie : 3 grammes, et positif aux stupéfiants

Justement, elle est là. Victime elle aussi, mais qui n’entend pas demander quoi que ce soit, on y viendra. Tout s’est passé dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, ces jeunes gens réveillonnaient chez des amis. Le prévenu avait pris de la cocaïne le 30, puis du cannabis le 31, puis pendant la soirée il s’est mis la misère jusqu’à 3 grammes. Alors, comme à chaque fois qu’il boit, il est devenu agressif. Très agressif. Parce que quand il boit, tout ressort. La violence qu’il a subie et subit encore, de son père. Et puis l’alcool au foyer familial. Et puis tout un tas de trucs durs qui font dire à sa chérie : « J’ai de la peine pour lui, il n’a jamais eu d’équilibre dans sa vie, ses parents ne l’ont jamais aidé. »

L’année commence sous le sceau de ses (grandes) difficultés

Au nouvel an, il déjantait. Ses potes ont voulu l’emmener dans une chambre, mais pas moyen. Alors sa copine a récupéré, en insistant pas mal, les clés de sa voiture et l’a embarqué, sauf que : alors qu’elle était au volant, il a trouvé le moyen de passer sa jambe par-dessus le levier de vitesse et a appuyé sur l’accélérateur. Elle a stoppé le véhicule. « Elle est en panique », dit le président Dufour. Des violences sont commises. Un copain a appelé les gendarmes, ils arrivent et constatent qu’elle porte des traces de coups.

Il met en danger les vies des autres et la sienne

En audition, elle dira : « C’est quelqu’un d’adorable mais dès qu’il a bu c’est l’enfer, il devient très agressif. Mais c’est la première fois qu’il est violent. » Le garçon, après avoir dessoulé, est entendu lui aussi. C’est simple : il ne se souvient de rien. « Quand je bois, c’est souvent comme ça. » 
Le président amorce un travail d’approche du prévenu et aussi de son amie, car les deux sont englués dans leur vie et ne voient que trop approximativement les dangers que le prévenu fait courir aux autres et à lui-même. Ils ne se situent pas dans un ensemble dont ils font partie, ils restent rivés sur eux-mêmes. Comme beaucoup de gens, dans tous les milieux, mais comme celui-ci fait n’importe quoi dans les grandes largeurs, le tribunal, soutenu par le vice-procureur dans cette démarche, essaie de le sortir de son petit espace.

« Moi j’y crois. – C’est tout à votre honneur, madame, mais… »

Le moment de la jeune fille à la barre vaut son pesant de gratons. Ce petit bout de nana tient tête à tous les magistrats. Elle est là pour son gars, un point c’est tout. « Vous vous rendez compte que c’est grave, ce qu’il a fait ? – Oui mais tout le monde a des moments, des hauts et des bas.  – C’est vrai, mais tout le monde n’est pas violent quand il est en bas. (…) Donc, vous voulez vous remettre avec lui, certaine qu’il ne recommencera pas et que ça va aller ? – Oui, il a déjà fait énormément d’efforts et moi j’y crois. – C’est tout à votre honneur, madame, mais c’est compliqué pour lui. Nous on a aussi mission de préserver des choses, dont : vous. – Oui mais s’il a réussi (à lever le pied sur sa toxicomanie), c’est grâce à moi. » Une vraie meuf, disposée à tout donner.

Une béance déjà hantée par l’alcoolisme et la toxicomanie

Le garçon n’a pas de casier mais tout le monde sent bien la béance en lui, déjà hantée par l’alcoolisme et la toxicomanie. Il n’a pas son permis de conduire, mais possède une voiture. Il reconnaît s’en servir (forcément). « Et vous n’êtes pas assuré, monsieur. Si vous écrasez un gamin, qui se retrouve handicapé à vie, qu’est-ce qui se passe ? – C’est moi qui paie. – Vous croyez que vous pourrez payer avec vos 1 500 euros par mois ? Vous savez le coût d’une journée d’hôpital ? 700 euros, monsieur. Et qui paie ? Nous tous. On paie pour votre irresponsabilité. »

 Le garçon présente des excuses aux gendarmes

« Il a reconnu les faits. » Le vice-procureur en prend acte mais s’interroge sur le type de personnalité du prévenu, elle semble « clivée ». Il voit la « nécessité de soins dans un cadre contraint » et demande une peine de 9 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Les obligations de soins seraient assorties d’une interdiction de tout contact avec la jeune fille. « Elle n’est pas nécessaire, plaide Gaëtan Vaucher. Elle créerait plus de souffrance, sans rien apporter de bon. » L’avocat parle de ce jeune si douloureux, si peu bavard, « l’obligation de soins est le seul rempart contre la récidive ». Son jeune client dort chez des copains : ses parents ont été expulsés de leur logement. Le garçon présente des excuses aux victimes, dont les trois gendarmes assis pas loin de lui. « Il faut que je me soigne », conclut-il.

 Position quasi parentale

Le tribunal le déclare coupable et le condamne à la peine de 12 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations d’indemniser les gendarmes, de travailler, de suivre des soins en addicto et psychologiques, et obligation de passer son permis de conduire. 
Le président Dufour prend le temps de bien lui expliquer les conséquences pour lui s’il dérogeait au cadre, s’il commettait de nouvelles infractions, et si les gendarmes, qui le connaissent désormais, le voyaient au volant sans permis. Position « pédagogique, avec des guillemets », dit le président. Position quasi parentale, parce qu’elle est nécessaire et qu’il est encore temps.

FSA