Faits divers

En zone sud, ils s'éclipsaient par une porte de secours du magasin Intersport bien chargés...

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 25 Février 2022 à 12h02

En zone sud, ils s'éclipsaient par une porte de secours du magasin Intersport bien chargés...

Ce mardi 22 février, un employé d’un magasin situé sur la zone commerciale de Chalon sud est en pause, à l’extérieur des murs. Il voit deux hommes quitter le local par une sortie de secours, chargés de produits.

L’employé vérifie auprès d’un responsable qu’aucun personnel étranger à l’équipe n’est présent ce mardi, on lui assure que non. Du coup, un des responsables et deux employés suivent les deux hommes, qui sont à pied. Ils passent la passerelle qui rejoint Saint-Laurent. Les voleurs laissent leur butin. Deux trottinettes électriques, des survêtements, le tout estampillé « Nike », pour une valeur marchande de plus de 2 000 euros. L’un des deux hommes prend la poudre d’escampette, les trois employés pistent l’autre, lequel à un moment sort une bombe lacrymo et gaze en leur direction, mais ils sont hors de portée des gouttelettes. 
L’un d’eux est en relation téléphonique avec le commissariat. Les policiers cueillent le mis en cause pas loin du Colisée. Ils sortent leurs armes (la bombe lacrymogène est une arme blanche de catégorie D), lui demandent de lever les bras. Un policier le voit sortir la bombe de sa poche, un autre entend un bruit métallique au sol. On trouve l’objet sous un véhicule à côté de celui qui se fait arrêter. « Non. C’est pas vrai » dit le prévenu à l’audience des comparutions immédiates de ce jeudi 24.

Baratin

Il se défend. C’est un autre qui a volé, lui, ne lui a donné qu’un coup de main. La présidente Catala constate qu’aujourd’hui il a un titre de séjour, peut travailler et d’ailleurs a travaillé, alors pourquoi voler ? « J’ai trois enfants, je sais que c’est pas normal ce que j’ai fait là. Ça fait un moment que je me suis retiré. » La présidente n’est pas convaincue, car des éléments dans le dossier disent qu’il est fortement soupçonné de vols dans des magasins Fnac sur plusieurs villes. Elle a une photo au dossier. Le prévenu en semble tout surpris.

« Monsieur est venu à Chalon rendre visite à un ami dont il ne connaît pas l’adresse »

Le prévenu est né en Algérie en 1983, il vit à Lyon. « Monsieur est venu à Chalon rendre visite à un ami dont il ne connaît pas l’adresse », explique la présidente aux juges assesseurs. Le prévenu explique à l’un des juges que le vague copain qui volait lui avait promis une trottinette et un survêtement, en échange du coup de main. 
Trois enfants de 8, 4 et 2 ans. Séparé depuis 2017. N’a plus travaillé depuis 2020. Perçoit le RSA. Doit verser 150 euros par mois de pension alimentaire, paie « quand je travaille ». 10 condamnations à son casier, 4 fois pour recel, 5 fois pour vols, 1 fois pour violence sur conjoint, et puis 1 défaut de permis. 

« Vous ne mettez pas vos enfants en sécurité en prenant le risque d’aller en prison »

Clémence Perreau, substitut du procureur : « Quand arrêterez-vous de voler ? - ... oui... j’ai trois enfants... je suis pas dans la bonne route comme on dit... » Il dit qu’il a un diplôme de cariste mais qu’il fait tous les boulots, il répète « ça fait un moment que je me suis retiré ». La mère de ses enfants est dans la salle. La présidente reprend la parole pour le confronter au fait que la naissance de son premier enfant ne l’a pas retenu, puisqu’il a été condamné pour des vols ensuite. Il bredouille. « Quand on est parent, monsieur, on a un devoir d’exemplarité. Vous, vous ne mettez pas vos enfants en sécurité en prenant le risque d’aller en prison, et en ne payant que 50 euros par enfant. »

« On va arrêter de rigoler, maintenant. On a compris à qui on avait affaire »

Clémence Perreau enchaîne : « Il encourt 14 ans de prison, deux fois 7 ans (l’état de récidive légale double la peine encourue, ndla). (...) Je vais dresser un portrait un peu noir de monsieur. 10 condamnations et beaucoup de classements sans suite : 4, pour des vols. Le dernier en novembre 21, rappel à la loi par OPJ. On peut d’autant moins lui pardonner qu’il a déjà été incarcéré, qu’il a eu 4 sursis. On va arrêter de rigoler, maintenant. On a compris à qui on avait affaire. » Elle demande la peine de 8 mois de prison ferme avec mandat de dépôt et interdiction de paraître en Saône-et-Loire pendant 3 ans.

Il y a toujours une face tragique aux jugements

Maître Mortier-Krasnicki plaide une relaxe pour la lacrymo et une peine sans incarcération pour le reste. Elle plaide l’histoire d’un homme qui s’occupe beaucoup de ses enfants, d’autant plus que leur mère a des problèmes de santé et qu’il prend le relai à chaque fois que nécessaire. 
On regarde la femme qui est assise au fond de la salle. Elle porte les marques de la pauvreté et de la vie harassante, ainsi que la marque Nike, d’origine ou de contrefaçon, peu importe. Elle donne à voir quelque chose de sa vie, et c’est plus triste qu’autre chose.
Il y a toujours une face tragique aux jugements (qui eux ne sont pas nécessairement des tragédies, c'est parfois le contraire) : ceux qui restent, ceux qui n’ont rien fait et qui vont payer quand même. Pendant le délibéré, le prévenu et son ex-femme ne se regardent pas. Parfois il tourne son regard vers elle, mais elle regarde l’écran de son téléphone portable. 

10 mois ferme

Le tribunal déclare le prévenu coupable et, en répression, le condamne à la peine de 10 mois de prison, le tribunal décerne mandat de dépôt. Interdiction de paraître en Saône-et-Loire pendant 3 ans. 
Il regarde la mère de ses enfants. Elle commence à pleurer. Elle pleure fort, fort. Elle quitte la salle, toujours affublée d’un grand logo Nike apposé sur chacun de ses vêtements. Trois enfants âgés de 8, 4 et 2 ans l’attendent à Lyon.

FSA