Faits divers
SENNECEY-LE-GRAND - il perd ses nerfs avec les gendarmes
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 05 Juin 2022 à 10h16
« Tu es qui pour me parler comme ça ? Moi je suis un handicapé, un traumatisme crânien, je tape tout le monde. » C’était qui, pour lui parler comme ça ? Un gendarme. Il avait franchi une ligne blanche, on voulait le contrôler.
Violence, outrages, rébellion
Direct ça s’est mal passé. Le type s’est mis en position de combat, « j’étais énervé, je voulais intimider ». Il voulait intimider... Il a mis la gomme : toutes les insultes y sont passées, des violences verbales, des gestes violents. Il estimait que « les gendarmes m’ont arrêté pour de la merde ». C’était le 3 avril dernier à Sennecey-le-Grand. Les gendarmes ont tenté de le calmer, le prévenu en convient. N’empêche qu’il est jugé, selon la procédure de comparution immédiate, ce jeudi 2 juin. Il a été placé en détention provisoire, il a vu un expert psychiatre. Le parquet a mis une peine antérieure de 6 mois de prison, il est donc également détenu jusqu’au 28 septembre. Si tout va bien.
Grave accident de la circulation, il avait 9 ans
Car tout ne va pas bien, en détention. Il dit s'être fait gifler, son avocate expliquera pour lui le racket dont il est victime. C'est qu'il a 32 ans mais 32 ans pas en forme. Victime d’un grave accident de la circulation lorsqu’il avait 9 ans, il a fait un coma consécutif à un traumatisme crânien, et il garde des séquelles. Épilepsie et pétages de plombs quand ses émotions le débordent, une sorte de lenteur, nous semble-t-il, à la compréhension qui ne peut que le desservir partout, en milieu carcéral particulièrement. Il ne comprend pas tout du premier coup, il fronce alors les sourcils, c'est souvent mal interprété alors qu'il est seulement à la peine.
Ne prend pas son traitement à la lettre
Le jour des faits, cela faisait trois jours qu’il n’avait pas pris son traitement, le tribunal s’en inquiète. L’expert psychiatre également qui conclut à l’altération du discernement du prévenu, établit un lien certain entre les pathologies dont il souffre et les infractions commises. Au casier du prévenu, 4 condamnations dont 3 pour faits de violence. "Je suis vraiment désolé, j'ai des troubles du comportement." Maître Humel intervient pour les gendarmes mais loin d'en rajouter (comme il arrive hélas trop souvent), il reste au plus près des faits ("Il a tenu son cou, mais sans le serrer"), souligne toutefois la dangerosité du prévenu causée par une absence de maîtrise de soi dans certaines circonstances, qui d'ailleurs finit par l'isoler (de l'aveu même du prévenu).
"Monsieur doit entendre qu'il est responsable"
La représentante du ministère public liste également de façon équitable une situation du prévenu, relève l'état de récidive légale mais aussi l'altération du discernement de l'homme au moment des faits. "Monsieur doit entendre aujourd'hui qu'il est responsable, qu'il relève de sa responsabilité de tout mettre en place, pour...", pour prévenir ces sorties de route et les infractions qui en découlent. Elle requiert toutefois son maintien en détention, "car il connaît sa pathologie et semble prendre des riques", pour 5 mois, qui seraient suivis d'un sursis probatoire, pendant 3 mois ; elle demande aussi l'annulation de son permis de conduire.
"L'aider à grandir"
Mais voici l'heure de la cavalerie. "Toute sa vie est surdéterminée par cet accident. Il a honte de son comportement et de sa situation, il a présenté des excuses dès sa première audition. Il ne veut aucun mal aux autres. Il est proche de ses deux enfants et de son père. Mais, plaide Valérie Faure-Revillet, on peut relever une infantilisation de sa personne (l'avocate se réfère à la rente accident, au père qui conseille son fils en tout). Sa famille ne le pousse pas à grandir et à s'élever au-delà de cet accident. Un accompagnement renforcé pourrait l'aider à grandir. Il serait injuste de lui enlever son permis de conduire, il en a besoin pour aller voir ses enfants, pour assurer son suivi, pour rechercher une activité." Elle rappelle : "En détention ça ne se passe pas bien. Racket (pour qu'il achète du tabac, etc., à d'autres), gifles... Sa personnalité ne lui permet pas d'affronter les pressions qu'ont les détenus."
Une sanction mais pas d'incarcération supplémentaire
Le tribunal entend. Déclare le prévenu coupable, le condamne à la peine de 9 mois de prison dont 6 mois sont assortis d'un sursis probatoire renforcé pendant 2 ans (intégrer le dispositif d'accompagnement individualisé renforcé, AIR, suivre des soins, indemniser la principale victime). Le tribunal ordonne l'aménagement des 3 mois ferme en détention à domicile sous surveillance électronique. La présidente souligne : "pas d'incarcération supplémentaire", puis elle ajoute : "possibilité de demander un aménagement de la peine que vous exécutez actuellement". Il ne comprend pas du premier coup, faut dire qu'à ses difficultés s'ajoute l'immense pression de comparaître.
Voilà, un jugement ça peut être ça aussi :
Conclure un cortège de violences (celles commises par le prévenu, celles, d'une autre nature mais bien difficiles à vivre aussi, de la garde à vue, du défèrement, de la mise à l'écrou, du transfert menotté et tenu par un lien, etc., sans compter celles du racket et des coups en prison) par un jugement qui dit à la fois l'interdit de la violence et la responsabilité de cette personne dans la négligence de sa prise en charge par elle-même, mais qui lui permet de creuser un écart entre soi et ses passages à l'acte, pour structurer quelque chose, pour penser là où pour l'instant ça ne pense pas, et vivre mieux.
FSA
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