Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - « Non, non ! J’veux pas ! »

TRIBUNAL DE CHALON - « Non, non ! J’veux pas ! »

La scène évoque celle du spaghetti dans La belle et le clochard, dit la présidente Catala, mais à une extrémité du bonbon en forme de fil, une fille de 15 ans, à l’autre bout, le mari de sa mère, celui qu’elle appelle « papa ».

 

La jeune fille a une conscience des repères fondamentaux (« Je veux être ton petit ami, s’il te plaît. - Hein ? Tu es mon papa, ce n’est pas possible. », elle s’est défendue (« Oui, mais tout le monde a ses petits secrets. - Tu es mon papa. - Regarde-moi, l’amour n’a pas d’âge. ») elle a dit « non » plusieurs fois (« Laisse-moi t’embrasser. -Non, j’´veux pas. - S’il te plaît ! - Non, non, j’veux pas. ». Le beau-père était soul, dit ne se souvenir de rien, mais il y a un enregistrement de leurs échanges dans la voiture, ce 13 février en soirée. Le jeune fille envoyait des messages de détresse à une femme qui lui tient lieu de tante, laquelle a pris le volant, est partie à sa recherche, la localisant grâce à Snapchat. Elle l’a trouvée près du lac de la ZUP à Chalon-sur-saône. Son beau-père l’enlaçait. Fin de l’agression.

« CE N’EST PAS ELLE QUI EST RESPONSABLE DE CELA »

Mais la jeune fille en est malade. Ma tante va alerter la police le 14. Les policiers se rendent au domicile, trouvent la fille assise par terre, en larmes, très choquée. Ce lundi 13 juin, le beau-père, placé en détention provisoire depuis le 16 février dernier, est jugé selon la procédure de comparution immédiate. Il n’a pas l’air bien, la victime est absente, l’administratrice ad-hoc du conseil départemental chargée de veiller sur ses intérêts est là. Florence Baillet a la parole et dit l’attachement sincère de la jeune fille à ce papa d’adoption, mais qu’elle ne veut plus vivre sous le même toit que lui, « elle est très choquée », et « elle culpabilise » de « priver » (« Ce n’est pas elle qui est responsable de cela », plaide Agnès Ravat-Sandre) son petit frère et sa mère de leurs père et mari. « C’est une jeune fille qui fait preuve d’intelligence et qui a beaucoup de bon sens. » L’avocate relève la position ambiguë de la mère qui n’a pas déposé plainte contre son mari. 

« L’intoxication éthylique aiguë peut favoriser un passage à l’acte »

On a déjà relaté la situation du prévenu (cf.    https://www.info-chalon.com/articles/2022/04/14/68984/au-tribunal-de-chalon-sur-saone-personne-n-avait-prevenu-l-expert-psychiatre-que-le-prevenu-etait-en-detention-provisoire/ ). Il vit sous main de justice (en sursis probatoire depuis juin 2020, pour des faits de violences conjugales sans incapacité mais sous l’empire de l’alcool), et sous OQTF. La préfecture ne lui a pas renouvelé son titre de séjour, il ne peut plus travailler, il boit. Trop. Cela dit, il a commencé à Madagascar, lorsqu’un accident l’empêche de travailler, nous apprendra maître Moundounga Ntsigou, lors de sa plaidoirie. L’expert psychiatre écrit : « fragile sur le plan narcissique », la consommation d’alcool est alors une modalité défensive face au risque d’effondrement, « l’intoxication éthylique aiguë peut favoriser un passage à l’acte » puisque l’alcool désinhibe. « Je veux demander pardon à ma famille. Devant Dieu, je les aime » lance le prévenu, éperdu. 

« Elle doit entendre qu’elle a fait le bon choix, en parlant »

« Cette jeune fille a pris la bonne décision. Ce soir-là, elle a un comportement exemplaire. Il veut la faire boire, elle fait semblant de boire, elle registre les échanges et envoie des appels au secours. L’intervention d’un tiers stoppe l’agression.Mais un pardon, aussi sincère soit-il, ne saurait suffire à écarter tout risque. Cette jeune fille doit entendre qu’elle a fait le bon choix, en parlant. » Angélique Depetris, substitut du procureur, requiert la peine de 2 ans de prison avec maintien en détention, la révocation de 4 mois de sursis, et un suivi socio-judiciaire pendant 5 ans.

La justice sépare 

Là où cet homme a collé, jusqu’à confondre les places de père et fille dans des gestes et intentions qui, on le sait, font le plus grand mal aux victimes, là où cet homme a transgressé un interdit fondamental, la justice tranche et sépare. 
Le tribunal condamne cet homme à la peine de 18 mois de prison avec maintien en détention, révoque 4 mois du sursis prononcé en 2021, ordonne son incarcération immédiate, et un suivi-socio judiciaire de 5 ans avec injonction de soins, interdiction de contact avec la victime (2 ans de prison en cas de manquement). Il sera inscrit au FIJAIS, le fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. 

FSA