Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Condamné le 21 juillet... il est à nouveau dans le box le 28 juillet
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 31 Juillet 2022 à 08h38
Condamné en comparution immédiate le 21 juillet, soit jeudi dernier, cet homme est de nouveau dans le box à l’audience du 28 juillet. Jeudi dernier, ITT de 3 jours pour madame. Ce jeudi, 10 jours ITT. Ça craint.
Tout au long de l’instruction menée par la présidente Verger, on se dit que vraiment c’est tout un système familial qui va mal. Il est difficile de s’arracher du terreau familial, que ça soit le terreau originaire ou celui qu’on a ensuite choisi, qui ressemble parfois/souvent furieusement au premier, parce qu’il est difficile, oui, de devenir indépendant et d’aller vivre ce qu’on a envie de vivre. Et quand les accroches sont toxiques des deux côtés, doublées d’un mode de vie délétère, on y est comme dans un bain dont on ne sait plus se passer. On y souffre, mais c’est si bon (résumé). Et puis sait-on vivre autrement qu’en dehors de ces jeux relationnels malsains, sait-on vivre sans s’alcooliser, sait-on vivre sans frapper quand on a bu ?
« Je lui ai dit : mets-le dans l’ascenseur, avec une gamelle. Et puis finalement… »
Famille qui va mal, violence au sein du foyer. Leur fils (ils en ont deux) âgé de 5 ans assiste aux deux dernières scènes (ne doutons pas qu’il y en eut d’autres). La première s’est déroulée au domicile. Le père, 42 ans, est condamné à un sursis probatoire pendant 2 ans avec une interdiction de contact et de paraître au domicile de sa conjointe. Jeudi dernier, après l’audience, il sort donc de prison, où il était placé en détention provisoire. Il n’a nulle part où dormir, il va chercher son véhicule... en bas de l’immeuble. Ses fils lui font coucou par une fenêtre. Du parking il demande qu’on lui passe la Switch et puis il voudrait avoir le chien avec lui. « Je lui ai dit : mets-le dans l’ascenseur, avec une gamelle. Et puis finalement elle est sortie de l’ascenseur avec le chien. »
Petit spectateur impuissant, effrayé, des violences entre ses parents
Ils ont créé « un faux compte Instagram » (entendre : sous une identité factice dans l’espoir d’échapper aux radars, vu qu’ils enfreignaient alors l’interdiction de contact), ils se sont beaucoup parlé au téléphone, et puis, le 26 juillet, il était au bord du lac à Saint-Marcel et madame s’est pointée avec leur fils de 5 ans. Dispute. Il est violent, physiquement, à nouveau, puis leurs versions diffèrent. Elle dit qu’il l’a volontairement percutée avec sa voiture, là heurtant à la jambe, il dit que c’était involontaire. En attendant, leur fils est encore une fois le spectateur impuissant, effrayé, des violences entre ses parents, et c’est une catastrophe, comme le souligne la vice-procureur à l’intention du prévenu : « Le petit a vu son père percuter sa mère avec la voiture, la frapper, l’étrangler contre un mur. C’est un petit garçon qui risque de mal comprendre des choses de la vie. » Sûr que la vie relationnelle part sur des bases perverties.
« En présence de leur propre enfant, le mettant en danger »
Avec tout ça, les réquisitions sont rudes, tant à l’égard de madame qui « s’est affranchie du cadre judiciaire qui devait la protéger. Comme d’autres, elle participe (activement, ndla) à son funeste sort », que de monsieur, « car ce n’est pas madame qui a mordu, mis des claques et percuté avec sa voiture ». Au casier du prévenu, 6 condamnations dont déjà 2 pour des violences sur madame, « et en présence de leur propre enfant, le mettant en danger ». Aline Saenz-Cobo demande une peine de 15 mois de prison ferme et la révocation de 4 mois de sursis, soit 19 mois d’incarcération. Elle demande également le retrait de l’autorité parentale : « C’est quoi, comme père, ce monsieur ? »
« Attention aux victimes ambivalentes »
Ce n’est pas si évidemment simple, répond en substance la défense qui offre une lecture plus subtile du dossier en s’attachant aux ligatures intra familiales, « mais, en aucun cas, ça ne cautionne les actes de monsieur », précise maître Leray. La morsure : pas discutable. L’entorse ? L’avocate porte un doute sur sa réelle gravité. Les policiers constatent sur place qu’elle marche normalement. « Et c’est lui qui appelle la police. » « C’est l’échec d’une mesure qui n’avait pas eu le temps de commencer. » Les rendez-vous SPIP, AEM, soins, etc., étaient pris mais voilà… « les appels et messages frénétiques de madame ». « Attention aux victimes ambivalentes. » Dans ces conditions, le retrait de l’autorité parentale serait une mesure unilatérale injuste, « parce que, qui amène l’enfant vers l’agresseur ? »
Mandat de dépôt
Le tribunal déclare le prévenu coupable et le condamne à la peine de 16 mois de prison, décerne mandat de dépôt, lui retire l’exercice* de l’autorité parentale. Il devra indemniser la victime. E la nave va.
Leçon principale de l’histoire
Les victimes de violence qui ne font pas respecter l’interdiction de contact, soit en prenant contact avec l’agresseur, soit en taisant ses tentatives de rapprochement, se mettent en danger et ne protègent pas leurs enfants (personne ne dit que tout ça est facile à vivre pour autant). Dans ces conditions, l’institution judiciaire n’en peut mais.
FSA
* https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070721/LEGISCTA000006150527/
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