Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - C’est lui qui comparaît ce jeudi 6 octobre, pour être jugé et pourtant c’est lui qui a déposé plainte en premier, début juillet dernier.

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 07 Octobre 2022 à 20h49

TRIBUNAL DE CHALON - C’est lui qui comparaît ce jeudi 6 octobre, pour être jugé et pourtant c’est lui qui a déposé plainte en premier, début juillet dernier.

C’est typiquement le genre de dossier qu’on n’aime guère : un homme est convoqué à l’audience des comparutions immédiates pour répondre de violences sur sa femme, mais d’emblée il affirme des violences réciproques. A chaque fois ça fait des audiences très longues et on se demande si une ligne de partage va finir par se dessiner. 

Le prévenu est âgé de 31 ans, il est né à chalon et y vit, il ne parle pas arabe. Or il rencontre sa future épouse en Tunisie. Son ex-belle-sœur lui présente une jeune femme. Elle vient vivre à Chalon. Ils se marient en 2018. Ils ont une petite fille en 2019, l’enfant n’a pas encore 3 ans. 

C’est lui qui comparaît ce jeudi 6 octobre, pour être jugé et pourtant c’est lui qui a déposé plainte en premier, début juillet dernier. Il se présente au commissariat, explique qu’il est handicapé, qu’il a un problème de surdité (pas complète, mais importante), et que sa femme le tape, l’insulte (« gros porc, handicapé, ressemble à une bonbonne de gaz », etc.), crie, et ne s’occupe pas ou presque pas, de leur enfant, qu’en revanche il s’en occupe beaucoup. 
Sur le reste... Deux jours après lui, c’est madame qui va déposer plainte contre son mari. Ça ne se passe pas bien, il lui tire les cheveux, la pousse, l’insulte (« blédarde, tu fais rien, t’es pas une bonne maman »,etc.). Elle produit une petite vidéo qu’elle a prise dans leur voiture, où il lui jette des papiers à la figure et dit qu’il s’en bat les c..., qu’elle le filme. Bon.

Une séparation en soubresauts

Monsieur quitte le domicile, le vide de ses meubles, emmène l’enfant, laisse un message « laconique » comme quoi la petite est avec lui, ne pas s’inquiéter. Trois jours après, il permet à la mère de récupérer la petite chez la nounou, « et par contre, lui, il ne la reverra plus, après », précise son avocat. 
Elle s’inquiète. Lui, il est placé sous contrôle judiciaire en sortant de sa garde à vue. Rien ne va plus. Madame demande un hébergement d’urgence à l'Écluse qui produira un rapport, lu à l’audience, que la défense qualifie d’« orienté » (contre monsieur). De même pour l'attestation produite par l'Esat qui jette un soupçon sur monsieur, au motif que son histoire est bien similaire à celle de son jumeau.  « On se parle entre travailleurs sociaux et on ne répond pas à l'avocat. Dont acte. » dira maître Nicolle.

Une belle famille qui fait pression

Maître Bourg intervient pour madame, « dans ce dossier assez particulier ». L’avocate plaide aussi un peu en défense puisque madame fait l’objet d’accusations – de la part du père - de traitements négligents de sa fille (les travailleurs sociaux trouvent le comportement de cette mère, adapté). Elle rappelle cet échange de la victime avec sa propre mère, alors qu’elle est sur écoute, et dans lequel elle dit clairement que ce qu’elle vit n’est « pas bien » et qu’elle est victime de violences, du reste sa mère l’engage à rester et à s’accomoder. Lucie Bourg demande au tribunal de protéger madame des pressions de son futur ex-époux et de sa belle-famille, « elle est seule, ici ».

Requis : prison avec sursis et interdiction de contact avec la victime

Charles Prost, vice-procureur, requiert une peine de 8 mois de prison assortis d’un sursis simple avec une peine supplémentaire : l’interdiction de tout contact avec madame, pendant 3 ans. 
Il est bientôt 17h30, ce n’est que le deuxième dossier de l’après-midi, mais l’avocat de la défense va plaider l’innocence de son client. « Comment faire d’une juste cause, un instrument d’oppression ? La violence contre les femmes... Une grande cause, mais elle est parfois dévoyée. »

« Mariage gris »

Maître Nicolle plaide pendant plus d’une demi-heure pour le prévenu, un homme « abusé », qui « s’est fait avoir » par une femme qui n’a jamais fait qu’un « mariage gris ». Pourquoi les violences n'auraient-elles commencé, d’après le prévenu, qu’après la naissance de l’enfant ? « Parce qu’être victime de violences conjugales, c’est un motif de régularisation ! Sa femme ne l’a jamais aimé. Si vous le déclarez coupable, votre décision sera utilisée contre lui, pour le priver de son enfant. »
Vu les griefs que ces deux-là se lançaient en s’insultant, on peut se demander si le moindre amour a eu le temps de se faire un chemin, mais bon, le tribunal se retire pour délibérer.

800 euros d’amende dont 400 avec sursis

Le tribunal requalifie les faits. On passe de de violences habituelles du 10 avril 2021 au 9 juillet 2022, à violence sur conjoint le 10 avril 2021, jour où madame dit que monsieur fut responsable de son entorse au poignet, elle avait consulté le jour même.
Monsieur est condamné à la peine de 800 euros d’amende dont 400 euros avec sursis. Madame est reconnue partie civile, victime du dommage subi ce jour-là, il en est dit entièrement responsable.

FSA