Saône et Loire

"Les boulangers ont la boule au ventre en Saône et Loire" déplore Mathieu Secula, Président de l'Union départementale des artisans boulangers-pâtissiers de Saône-et-Loire

"Les boulangers ont la boule au ventre en Saône et Loire" déplore Mathieu Secula, Président de l'Union départementale des artisans boulangers-pâtissiers de Saône-et-Loire

Info-chalon.com est allé à la rencontre de ces professionnels qui font la richesse de la culture française. Des professionnels à genoux, "avec la boule au ventre".

"On est dans l'attente permanente, le flou total et la boule au ventre qui ne nous ne quitte plus. Comment voulez-vous gérer des entreprises dans ces conditions là ?". Mathieu Secula, Président de l'Union départementale des artisans boulangers-pâtissiers de Saône-et-Loire, est véritablement amer quand il constate à quels points sa profession est menacée, à cause des inerties gouvernementales. 

"C'est simple, 11 boulangeries ont fermé en Saône et Loire, 13 sont entre la liquidation et le redressement judiciaire. On note toutefois 5 créations sur l'année". "En 10 ans, on est passé de 1200 à 2000 habitants pour espérer faire tourner une boulangerie, avec l'obligation de sans cesse innover, de se réinventer". 

Des aides de l'Etat ? "On est au beau milieu d'une usine à gaz".

"On navigue à vue en permanence. La peur ne nous quitte plus". C'est un vrai cri de détresse que lance la profession face aux impacts économiques de la crise énergétique. Un sentiment d'injustice d'être des victimes collatérales de décisions politiques et exclusivement politiques. 

La lecture des faits va même plus loin du côté de Mathieu Secula, "en fait nous sommes tous en vente. On a des repreneurs ici ou là qui étaient intéressés mais les banques n'ont pas suivi, compte tenu des risques qui pèsent sur la professsion. Les refus de prêts se sont multipliés. On fait quoi du coup nous ? On a la double peine ! Pas accès aux financements et  des factures énergétiques qui s'envolent. 

"Il faut une prise de conscience générale"

Après l'amertume, c'est le temps de la colère qui animent les professionnels du pain, alors même qu'on se glorifie d'avoir inscrit la baguette au patrimoine mondial de l'UNESCO. Une déconnexion à la réalité qui frappe. 

"Sur les fameuses aides évoquées ici ou là sur les plateaux télé, on est que dans l'hypothétique. On nous demande de faire des économies, mais on a réduit tout ce qui pouvait l'être. On est à l' os. A un moment, comment faites vous tourner vos fours ?". 

Ironie de l'histoire pour Mathieu Secula, "toute la promotion faite il ya quelques années pour que nous changions nos fours et qu'on passe à des modes de cuissons plus respectueux. On voit le résultat du passage au tout électrique". 

Les professionnels du pain demandent un vrai travail des législateurs sur leur cause, un travail prenant en compte la question des bails commerciaux, la question des aides qui ne doivent pas porter exclusivement sur les entreprises bien installées au risque d'impacter le renouvellement de la profession mais aussi le sujet des propriétaires qui "doivent mettre la main à la poche pour la sobriété énergétique de leurs locaux". 

"Pourquoi attendre qu'on soit en difficulté pour venir en aide. Il est trop tard dans beaucoup de cas. On veut juste vivre de notre métier et avec dignité" lancent en choeur Mathieu et Nathalie Volatier, boulangère du Wagonnet des Pains à Saint-Marcel et secrétaire de l'Union départementale. 

"On passe notre temps à faire des réunions et à répéter la même chose"

Pour Mathieu Secula, boulanger à Saint-Martin en Bresse, "oui on a multiplié les réunions, les tête à tête avec tous les parlementaires mais pour quels résultats. On passe notre temps à répéter la même chose sans que rien n'avance. On se fait pointer du doigt par nos adhérents mais si on ne dit rien c'est qu'on n'obtient rien" déplore le jeune boulanger, dépité face à une situation sur laquelle ils n'ont aucune emprise, malgré tous leurs efforts. 

Et côté facture ? 

Preuves à l'appui, les factures abondent, histoire d'attester leurs propos. Ainsi un boulanger pose sur la table, ces notes énergétiques avec une facture qui affichait au mois d'octobre 2021, 992 euros pour une consommation de 8300 kwatt. Sur le même mois, un an plus tard, avec une consommation en baisse de 5 %, la note s'élève à 1820 euros. ET dans le cas présent, le boulanger s'en sort plutôt pas mal au rergard de bien d'autres professionnels qui doivent renouveler leurs contrats avec des prix multipliés entre 5 et 10 fois.

"On veut juste vivre de notre métier. On ne fait pas l'aumône" insiste Mathieu Secula, "mais il faut qu'on connaisse les règles du jeu. Là, ce n'est plus possible. Il faut que chacun comprenne l'impact sociétal qui est en train de se jouer avec les risques de désertification accentués en zone rurale".  

Première conséquence de la situation ? D'ici quelques jours, plusieurs boulangers de Saône et Loire ont fait savoir leurs intentions de licencier du personnel, avant une autre étape plus ferme sur leurs entreprises. 

Laurent Guillaumé