Faits divers

ASSISES DE SAONE ET LOIRE - 15 et 10 ans de réclusion de criminelle requis contre deux des accusés

ASSISES DE SAONE ET LOIRE - 15 et 10 ans de réclusion de criminelle requis contre deux des accusés

Enfin un peu d’esprit ! Ce procès si terne et terni par les interventions agressives des avocats de la défense, prend quelques couleurs vives ce jeudi 9 mars, et c’est grâce à l’avocate générale,
dont le ton vif et la logique claire furent comme un moment de repos alors qu’il s’agissait de requérir des peines. C’est dire à quel point la violence organisée (en bande !) a eu des effets. Ils ne seront pas nécessairement favorables aux accusés, mais quand on brûle ses vaisseaux, se soucie-t-on des pertes ? 

« On aura laissé ce qu’il fallait pour qu’il puisse s’en aller »

En début d’après-midi maître Nicolle, en retrait et plutôt silencieux tout au long des débats, a plaidé pendant presque 1h30 pour monsieur X, la victime. L’avocat a repris et développé un point de vue que maître Scrève, lui-même avocat de la défense, avait soulevé lors du témoignage d’un policier : la victime, hein, tout le monde s’en fichait bien, pour la traiter avec des façons si « hallucinantes ». C’est ainsi qu’après avoir évoqué les faits de séquestration et de violence – « On va le frapper. Pas au dernier degré - on ne va pas s’en plaindre, mais on va le frapper, l’attacher. » -, il arrive au moment où monsieur X parvient à s’échapper : « On aura laissé ce qu’il fallait pour qu’il puisse s’en aller. » Quel est le sens de cette phrase ? Quel est le but recherché ? Vient le second volet de la plaidoirie : monsieur X est victime, oui, mais aussi et surtout de la police. « Énormités humaines » dit Bruno Nicolle, laissant les « énormités procédurales » à la défense. 

« Il veut être reconnu comme victime »

Angélique Depetris répondra point par point au déroulé de la soirée du 20 juin 2016 tel que maître Nicolle l’expose. Elle le fera avec mordant et humour, avec honnêteté, aussi : il ne fait pas bon être victime lorsqu’il s’agit de scène (de crime, en l’occurrence). D’autres victimes disent, lors de procès, ce qu’elles ont enduré. On s’étonne tout de même qu’un pénaliste expérimenté, même lié par le mandat que son client lui donne, aille jusqu’à dire : « Ce qui pouvait être utile, c’est l’interpellation des auteurs, et le (monsieur X) laisser un peu tranquille. » On s’étonne aussi de la façon de conclure de l’avocat - « Il veut être reconnu comme victime, dites-le-lui, comme vous voulez, à votre manière » - mais enfin la boucle est bouclée : dans le box comme sur le banc de la partie civile on est victime d’un acharnement policier.

« Dans quel monde parallèle suis-je ? » demande à point nommé l’avocate générale…

… « Vous devez vous poser cette question encore davantage, dit-elle aux jurés. Dans quelle violence je baigne ? Celle qu’a subi monsieur X, et celle qui émane de ce procès depuis une semaine. » Angélique Depetris parle avec pédagogie aux jurés sur les questions de droit mais elle s’adresse à leur intelligence et son honnêteté repose. « Il y a à redire, mais pas sur tout. » Elle réfute point par point tout ce que la plaidoirie de maître Nicolle développait, elle le fait avec simplicité et aisance, se contentant de tout rattacher à la réalité. Commissariat de ville moyenne, fait inhabituel, urgence, protection de la vie de la victime dont l’état ne nécessitait pas d’hospitalisation. Qu’on présente des photos alors que la victime est toujours dans la voiture ? « Ça ne me choque pas, ce qui est choquant c’est qu’on ne l’ait pas acté. » Elle parle d’une « victime courageuse ». Passer 26 heures au commissariat dans ces conditions n’avait rien d’une sinécure, mais le moyen de faire autrement ? 

« La bonne aubaine ! »

Au sujet de l’enregistrement de la toute première audition de la victime, ce soir-là, qui n’a pas fonctionné : « Le visionnage n’en avait jamais été demandé, et subitement on ne peut plus s’en passer ? La bonne aubaine ! Cette vidéo devient un écran de fumée pour ne pas parler du reste. On est tellement fatigué qu’on n’a pas envie de passer cet écran de fumée pour voir ce qui est derrière, alors que derrière, il y a un vrai dossier. Derrière, tout s’éclaire. » 

Le cadre factuel - « c’est sans appel » 

La dette envers HD, le voyage en Espagne (2 fois jugé, 2 fois condamné) organisé par qui et pour qui ? HD. « Tu restes avec nous tant que le problème n’est pas réglé. » … « Est-ce que vous sentez la toile qui se tisse autour de monsieur X ? » demande-t-elle à la Cour et aux jurés. L’hôtel à Chalon, qui réserve ? HD, ce n’est pas contesté. Qui amène la victime à l’immeuble désaffecté du quartier de la Fontaine au Loup ? HD. Qui a le mobile de la séquestration ? HD. Qui est allé voir les parents de monsieur X ? HD, il le reconnaît. Qui a les téléphones de la victime ? HD. « Et il les a encore 4 mois après les faits. » Et HD a les moyens techniques de la séquestration :  c’est chez lui qu’on retrouve, parmi les 20 téléphones saisis, la ligne utilisée pendant le temps de la séquestration. « Il y a tout ça et on veut vous faire croire que le dossier est vide, et que tout ça a été manigancé contre monsieur HD ? » L’ADN : il arrive en fin de course, il faut le confronter aux autres éléments du dossier (le mobile, la pression, le vol du passeport et des téléphones, etc.). « C’est sans appel » : l’ADN de HD est retrouvé dans le squat, mélangé à l’ADN de la victime. « Je n’ai pas besoin de faire appel à la parole de monsieur X » pour démontrer la culpabilité d’HD. 

« Avec l’enjeu judiciaire qui est le sien, c’est joueur, et c’est risqué. »

Sur la version que présente l’accusé principal : depuis 2017, il parle de « la bonne connaissance », « ça fait 6 ans ! » : « Avec l’enjeu judiciaire qui est le sien - il encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité -, c’est joueur, et c’est risqué. » ‘Hamdi XXX de la Fontaine au Loup’ : « Les circonstances de la révélation de ce nom sont ubuesques. De qui se moque-t-on ? De vous. »

Chérif Benchira : « Un geôlier particulièrement incompétent »

« Il n’y a aucun doute sur la responsabilité de HD. Qu’il soit commanditaire, c’est certain, mais il était aussi présent dans le squat : son ADN est sur le Serflex trouvé au pied du canapé, Serflex coupé pour que la victime téléphone (à son contact en Espagne, ndla). » Quant à Chérif Benchira, absent parce que toujours en fuite, c’était un proche de HD et c’est aussi « un geôlier particulièrement incompétent puisqu’on trouve son ADN en quantité dans le squat, et sur les colliers de serrage qui ligotaient la victime. Merci les OPJ d’avoir préservé la scène de crime. » 
L’avocate générale constate que le seul élément contre YBN – défendu par maître Vincent -, ce sont les déclarations de monsieur X. « Or cette seule parole a été considérée comme insuffisante par la chambre de l’instruction, je dois donc être logique : je requiers son acquittement. » 

N., l’infirmière de Rillieux-la-Pape

« Elle savait qu’HD était en cavale parce qu’on lui reprochait des faits de séquestration. » Elle lui a prodigué des soins, elle l’a véhiculé, elle l’a hébergé (dans un hôtel réservé pour qu’elle puisse suivre une formation). Madame Depetris requiert la peine d’un an de prison avec sursis. C’est maître Pelux, de Villefranche, qui se charge de plaider pour l’infirmière. 

15 ans de réclusion criminelle, et 10 ans avec mandat d’arrêt

Au terme de deux heures d’un réquisitoire aussi rigoureux que vif et pétillant, l’avocate générale requiert contre Chérif Benchira, la peine de 10 ans de réclusion criminelle avec mandat d’arrêt, et contre HD – défendu par maîtres Gallo et Scrève qui plaideront ce vendredi 10 mars -, la peine de 15 ans de réclusion criminelle. 

FSA 

https://www.info-chalon.com/articles/2023/03/02/77697/assises-de-saone-et-loire-sequestration-et-violence-sur-fond-de-trafic/  

https://www.info-chalon.com/articles/2023/03/03/77717/assises-de-saone-et-loire-pour-violence-et-sequestration-une-bonne-connaissance-serait-le-coupable/  

https://www.info-chalon.com/articles/2023/03/05/77755/assises-de-saone-et-loire-banane-bichou-et-le-va-tout-de-la-defense/  

https://www.info-chalon.com/articles/2023/03/07/77824/assises-de-saone-et-loire-plus-c-est-gros-moins-a-passe/  

https://www.info-chalon.com/articles/2023/03/09/77906/assises-de-saone-et-loire-la-bonne-connaissance-a-un-nom/ 

https://www.info-chalon.com/articles/2023/03/07/77878/assises-de-saone-et-loire-pour-enlevement-et-sequestration-pendant-3-jours-il-n-est-ni-detache-ni-nourri/