Faits divers
Rempart Saint-Vincent, à Chalon, ils ont mis une sacrée pagaille...
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 28 Avril 2023 à 05h56
La femme est née à Chalon-sur-Saône en 1985. On lui reproche une tentative d’extorsion, une violation de domicile, une dégradation de porte, des menaces de mort, cinq outrages envers des policiers et autant de violences.
Elle dit que sa prise d’alcool mariée au Seresta : « Ça m’a retourné le cerveau ! Ah oui, oui ! Ça faisait neuf mois que je n’avais pas bu d’alcool. » Quand elle a le cerveau retourné, elle est donc capable de dire à un policier des choses comme : « Tu n’as pas honte de travailler pour la police ! Tu ferais mieux de vendre des barrettes de shit, rebeu francisé qui s... les français. T’as pas honte, fils de p..., je vais te faire la peau. » C’est pas rien, et c’est pas indéterminé non plus.
Quelques heures auparavant...
A l’origine de ce bad trip, la visite « d’une femme », chez elle. « Forcément chez moi ! Avec le bracelet, j’ai pas le droit de sortir la nuit. » « Forcément », bien. Elle dit que la femme en question l’a agressée directement, lui a balafré la joue, qu’elle a alors prévenu le pôle chargé de surveiller les bracelets électroniques qu’elle allait sortir pour se rendre aux urgences, et que ça déclencherait l’alarme. Sauf qu’au lieu de ça, elle prend un couteau de type Santoku. Pourquoi ? Comme ça. On la retrouve rempart Saint-Vincent, avec un autre pote, pour prendre de l’argent chez un monsieur qui fut le compagnon d’une de ses tantes et qui « a toujours de l’argent liquide avec lui ». Combien d’argent ?
Elle voulait de l’argent pour s’acheter des clopes (?)
« 20 euros ». Bref, elle aurait enfreint pas mal de règles et de limites légales pour 20 euros, dit-elle, offert une intervention hyper stressante à plusieurs équipages policiers pour des cigarettes, à minuit et demi, dit-elle. Pendant l’instruction menée par la présidente Milvia Barbut, elle se défend d’avoir eu des intentions (de menacer, d’insulter, de casser une porte), répète que « l’alcool, ça vous rend fou », et qu’elle n’est pas raciste puisque « mes enfants sont franco-tunisiens ». Et puis elle décharge le co-prévenu, lequel insiste : « moi j’étais bourré, je voyais rien », « moi j’étais bourré je me rappelle pas ». Il est né en 1986 en Tunisie. Il bénéficie de l’assistance d’un interprète à l’audience.
« Est-ce que vous avez craché au visage d’un policier ? »
L’audience de renvoi* avait donné beaucoup d’éléments, et sur les scènes (policiers qui dégainent leurs armes, BAC qui interpelle au pied de l’immeuble), et sur les personnalités des prévenus. L’instruction est longue, la présidente doit fixer chaque étape, chaque élément, et les prévenus contestent certaines choses. « Est-ce que vous avez craché au visage d’un policier ? demande la présidente au prévenu. - J’étais sous alcool, alors je sais pas, mais je lui demande pardon. » Le policier a pris un crachat dans les yeux. On ne peut pas faire coïncider ce que vivent alors les uns et les autres dans de tels moments.
Une scène violente et insécurisante au maximum
On le peut d’autant moins que la scène dans l’appartement, cette femme ivre tenant un couteau de bonne taille, des policiers autour pointant leurs armes sur elle, a mis tout le monde, le locataire comme les policiers, dans l’insécurité maximum. Pour le locataire il ne fait néanmoins aucun doute que si madame a été violente, « c’est parce qu’elle était alcoolisée. Sinon elle est très gentille ». Ce monsieur se constitue partie civile mais ne veut pas d’indemnités. Dans la salle, du public. On sent bien qu’il y a des enjeux qui échappent à l’audience, comme souvent. Charles Prost répondra dans ses réquisitions : « Il suffit de faire une lecture du casier judiciaire de madame : 3 condamnations pour des faits de violence. »
« Vous êtes en vie, madame, parce que ce policier a été professionnel »
« Je me suis dit que si elle faisait encore un pas dans ma direction, j’allais tirer. Je peux dire que cette intervention a été difficile » a pu dire un des policiers présents dans l’appartement quand la femme, qui buvait du whisky au goulot de la bouteille à l’arrivée de l’équipage, a sorti son couteau Sandoku. « Vous êtes en vie, madame, parce que ce policier a été professionnel » dit maître Bibard à la prévenue. L’avocat a rappelé que le respect est dû aux membres de la police « tout simplement parce qu’ils agissent pour l’intérêt général ». Il revient sur les crachats. « Trois crachats, pour humilier, souiller, celui qui est en face de vous. On ne crache pas sur son chien, mais là... »
Deux incises un peu légères et de lourdes réquisitions
Deux questions de Charles Prost, vice-procureur, ont reçu des réponses... A la victime : « Ils voulaient peut-être vous prendre par surprise. » Réponse kamoulox : « Peut-être, mais j’étais pas au courant. » Et puis, à la prévenue : « Pourquoi sortir avec une arme, portant un bracelet électronique, accompagnée de monsieur, pour aller chez monsieur X ? » Réponse édifiante : « Le couteau, c’était pour me défendre si je me faisais agresser dans la rue. Avec tout ce qu’on voit maintenant... »
De toute façon, le procureur trouve « invraisemblables » les explications de la prévenue. Il parle d’ « expédition punitive » visant à extorquer de l’argent par la force, par la menace, de la peur qu’ont éprouvé tous les policiers intervenants. « Pourquoi tant de haine, tant de violences ? On n’a pas de raison valable. Pourquoi tant de mensonges alors que nous avons 10 témoins, dont 4 ne sont pas policiers ? » Il requiert deux peines mixtes, et deux maintiens en détention pour les parties fermes : 18 mois pour madame, 12 mois pour monsieur.
Pour les prévenus
« Sa vie est marquée par les violences conjugales et les addictions, plaide maître Andali pour madame. Elle reconnaît les faits, sauf la dégradation de la porte et les menaces de mort à l’encontre d’un des policiers, car ces mots ne correspondent pas à son vocabulaire habituel. Il faut une peine qui permette des soins réels. »
« Monsieur travaille, il n’a pas besoin d’argent. Si madame a un mobile, lui n’a aucun intérêt dans cette histoire. Il accepte de l’accompagner mais il ne sait pas quel est son projet. Dans l’appartement il ne menace pas, il tente d’apaiser. Il faut faire la part des choses, plaide Ramazan Öztürk. Vous pouvez le contraindre à intégrer de bons rails : soigner son addiction à l’alcool, travailler et indemniser. C’est une affaire qui aurait pu se terminer tragiquement. »
Décisions : un maintien en prison, une détention à domicile
Madame est condamnée à la peine de 36 mois de prison dont 18 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de travailler, de suivre des soins (addicto et psychologiques), de réparer les dommages ; et interdictions de contact avec le co-auteur comme avec la victime ainsi que de paraître au domicile de celle-ci.
Interdiction de porter une arme pendant 5 ans. Maintien en détention pour la partie ferme.
Monsieur est condamné à la peine de 24 mois de prison dont 12 mois assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, avec obligation de travailler, de suivre des soins en addictologie, de réparer les dommages. Mêmes interdictions que madame, et même interdiction d’avoir une arme. Sauf que le tribunal aménage sa peine ab initio en détention à domicile sous surveillance électronique. Le cadre du sursis probatoire prend effet maintenant.
Les condamnés ont en outre à indemniser les six policiers (des sommes différentes selon les cas), soit en leur nom propre, soit solidairement pour un total avoisinant les 7 000 euros.
L’audience avait démarré peu après 14 heures, elle prend fin à 17h45.
FSA
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