Chalon sur Saône

Affaire Jérôme Laronze : six après, la famille attend toujours un procès

Par Karim BOUAKLINE-VENEGAS AL GHARNATI

Publié le 21 Mai 2023 à 06h00

Affaire Jérôme Laronze : six après, la famille attend toujours un procès

Samedi 20 mai, une centaine de personnes s'est rassemblée devant le Palais de justice de Chalon-sur-Saône pour honorer la mémoire de Jérôme Laronze, agriculteur tué par un gendarme à Sailly six ans plus tôt. Plus de détails avec Info Chalon.

Fuyant les représentants d'une administration au service, selon lui, de l'industrialisation de l'agriculture, Jérôme Laronze, éleveur bovin à Trivy, près de Cluny, était recherché depuis le 11 mai 2017 : ce jour-là, ses vaches, des limousines brunes, allaient être saisies.

Retrouvé par les gendarmes lors d'un contrôle le  20 mai 2017 à Sailly, ce paysan de 37 ans «toujours prêt à rendre service» sera tué par balles, une de côté et deux de dos, alors qu'il s'échappait au volant de sa voiture.

Le gendarme est mis en examen pour «violence avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner». Sa collègue présente sur les lieux est placée sous le statut de témoin assisté.

Emmanuel Macron venait d'être élu pour un premier mandat, les législatives arrivaient. L'affaire ne reçoit pas d’attention médiatique.

Avec sa mort tragique, Jérôme deviendra pour ses pairs le symbole d'un acharnement administratif face à un monde agricole en crise. 
Six ans plus tard, jour pour jour, une centaine de personnes s'est rassemblée en son honneur devant le Palais de justice de Chalon-sur-Saône, où l'affaire est instruite.

À 16 heures 29, heure des tirs mortels, 11 personnes ont lu ses chroniques sur les marches du tribunal.

À 17 heures 24, heure où le médecin du Samu l'a déclaré mort, les sympathisants se sont allongés symboliquement sur ses mêmes marches, au son de 37 coups de glas.

37 comme les 37 ans qu'a vécu ce grand gaillard que tous appréciaient.

Toujours aussi mobilisés, la famille et ses proches veulent comprendre comment Jérôme a été tué. Dès le début, la famille a reçu des informations contradictoires.

«Tous les actes d’enquête importants ont été faits en mai et juin 2017, et nous n'avons eu accès au dossier que fin août, soit trois mois plus tard», précise Me Julien Chauviré, l'avocat de la famille Laronze.

«On nous a tenus éloignés du dossier», dénonce Marie-Pierre Laronze, sœur aînée de Jérôme Laronze qui défend la mémoire de son frère contre vents et marées et contre l'oubli.

En lisant les centaines de pages d'enquête, actes, dépositions, expertises, auditions, la famille et l'avocat n'ont eu de cesse de soulever des incohérences, de demander des actes pour tenter de les expliquer, et se sont vus refuser la plupart des demandes.

«On fait le travail du juge», estime l'avocat. 

«Plus le temps passe, plus les preuves et les souvenirs disparaissent et s'affaissent. Nous, on n'oublie pas parce qu’on a perdu un frère», assène cette dernière, «une victime ne devrait pas avoir à faire cela. Cela crée de la colère, de l'injustice».

La principale incohérence qu'ils ont mise au jour concerne les explications du gendarme sur sa position lors des tirs; celui assurant avoir été en état de légitime défense et que Jérôme Laronze, au volant de sa voiture, lui fonçait dessus. 

Six longues années après, l'enquête est toujours en cours.

Pour sa famille et ses proches qui réclament la vérité,  «c'est déraisonnable, la justice couvre des faits graves».


Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati