Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Il voyage avec un 7.65 chargé mais c’est juste pour le plaisir

TRIBUNAL DE CHALON - Il voyage avec un 7.65 chargé mais c’est juste pour le plaisir

Il est 4h30, le 14 juillet, quand le chauffeur d’un bus, parti de Paris pour gagner Grenoble, fait appel aux gendarmes. Le bus est sur l’aire de la Ferté, au niveau de Saint-Ambreuil : un de ses passagers pose problème.

Plusieurs problèmes, en réalité. L’homme a commencé par gêner les autres en téléphonant, puis vers minuit il sort de son sac une bouteille d’alcool fort qu’il boit intégralement. Son voisin, qui témoigne, a cru apercevoir une arme. Il ne s’est pas trompé. Le chauffeur du car qui se faisait insulter parce que le gars avait un besoin pressant et voulait que le chauffeur fasse une pause, tend aux gendarmes le sac à dos du passager pénible et pour finir inquiétant. Dans le sac : une arme de poing, de calibre 7.65, et deux chargeurs de 9 munitions chacun. Un des chargeurs est enclenché dans l’arme.

Mystère et boule de gomme

Le mis en cause a une alcoolémie d’1,66 gramme. Il est donc placé d’abord en dégrisement, puis en garde à vue. C’est la même cellule mais pas le même statut. Une fois en garde à vue il est interrogé : il a 37 ans, célibataire, sans enfant, il est en situation administrative irrégulière, il a quitté son pays, la Tunisie, en 2020, pour vivre en Italie où résident des membres de sa fratrie. Il fait beaucoup d’allers et venues entre l’Italie et la France, pour travailler dit-il, dans le bâtiment sauf que l’embauche est en Italie. La présidente Caporali, qui l’interroge à son tour, à l’audience de comparution immédiate, ce lundi 17 juillet, observe qu’il n’est guère cohérent de séjourner autant à Paris quand le boulot se fait en Italie. Le prévenu n’a pas de casier.

Arme achetée il y a « environ un an, à Barbès, pour 200 euros »

Cette nuit-là, il avait pris un bus BlaBlaCar pour aller à Lyon, voir un copain, « pour des vacances ». Cette arme, il l’a achetée il y a « environ un an, à Barbès, pour 200 euros », et il ne savait pas qu’en France il est interdit de détenir une arme, et a fortiori de circuler armé, sans autorisation. Bon, c’est ce qu’il dit. Pendant la garde à vue, le Préfet de Saône-et-Loire a pris une OQTF (obligation de quitter le territoire français) contre lui. Le délai pour contester une OQTF est de 48 heures. Maître Sarah Bouflija plaidera qu’entre la GAV, la présentation au procureur de la République, le passage devant un juge des libertés et de la détention, puis son placement en détention provisoire, cet homme n’a pas eu la possibilité d’exercer son droit de contestation, « et maintenant l’OQTF est définitive. C’est toujours regrettable qu’on procède ainsi. »

« Pourquoi vous avez cette arme avec vous ? – Je ne comptais rien faire avec »

Alors, ce pistolet chargé ? Une interprète traduit questions et réponses, et si la présidente est sobre, le prévenu l’est aussi, alors ça va vite. « Pourquoi vous avez acheté une arme ? – J’ai aucune raison. – Ce n’est pas un achat anodin. – Je l’ai trouvée au marché, elle m’a plu, je l’ai achetée.  – Alors, déjà, il faut une autorisation… - Je vous jure que je ne savais pas que c’était interdit. » La présidente trouve son explication « un peu légère », la procureur, elle, dira qu’il prend carrément les magistrats pour des jambons. La juge insiste : « Pourquoi vous avez cette arme avec vous ? – Juste je l’ai prise avec moi, je ne comptais rien faire avec. 

« Monsieur nous prend très clairement pour des imbéciles »

« Vous ne deviez pas l’apporter à Lyon, la remettre à quelqu’un ? » N’importe quoi ! Bien sûr que non, enfin. Ces juges, alors, ils ont de ces idées. C’est ainsi que le prévenu a passé l’audience à répondre invariablement la même chose, et si l’arme était chargée, c’était juste pour le plaisir des yeux, la satisfaction de l’esprit, le petit plus gratos. Cela conduit madame Saenz-Cobo, vice-procureur, à constater : « Monsieur nous prend très clairement pour des imbéciles. Sa version ne tient pas. » Elle requiert la peine de 6 mois de prison avec maintien en détention, une ITF de 5 ans, une interdiction de détenir et de porter une arme pendant 3 ans.

« Les lois ne devraient pas s’appliquer selon la situation administrative des gens que vous avez à juger »

Maître Bouflija plaide que le prévenu n’a pas de casier et que « les lois ne devraient pas s’appliquer selon la situation administrative des gens que vous avez à juger », qu’il y a une gradation dans les peines que les tribunaux prononcent, alors 6 mois avec incarcération c’est trop.
Le prévenu use de son droit à parler en dernier pour répéter : « Si j’avais su que c’était interdit… »  Quelques minutes auparavant il ne retint pas une pointe de provocation : « Monsieur on vous a notifié une OQTF, vous ne pouvez pas rester en France, vous l’avez compris ? – Si vous voulez que je retourne en Italie, alors je retourne en Italie. » Il y vit en situation irrégulière aussi.

6 mois de prison, maintien en détention

Le tribunal suit les réquisitions : 6 mois de prison, ordonne son maintien en détention « pour garantir l’exécution de la peine », interdiction du territoire français (ITF) pendant 2 ans, interdiction de détenir une arme pendant 3 ans.

FSA