Chalon sur Saône
Clap de fin pour L’Arrosoir après 52 ans d’existence !
Publié le 08 Septembre 2023 à 09h06
L'une des plus anciennes salles de concerts en Bourgogne va fermer ses portes ! Un rendez-vous "d'adieu" est donné samedi à partir de 14h pour un dernier arrosage en fanfare…
C’est le cœur gros que nous nous rendons à ce rendez-vous pour évoquer la fin de ce qu’a été une aventure de plus de cinquante années. En effet, l’annonce n’est pas passée inaperçue en juillet. Bientôt, une assemblée générale extraordinaire votera la fin de l’activité, la dissolution de l’association et le licenciement de 2 salariés, comme on peut le lire sur le site de l’Arrosoir ( https://www.arrosoir.org/larrosoir-a-chalon-cest-fini/ )
Ce n’est pas une baisse de l’activité qui entraîne sa fermeture. Tout au contraire, le bilan 2022 est l’un des meilleurs qui ait été avec une année record sur tous les points : fréquentation, nombre d'accueil d'artistes… L’Arrosoir a été très actif et a rayonné sur le territoire national et international (avec un festival franco-norvégien en octobre dernier notamment). « Ce n’est pas une baisse d’activité, ce n’est pas non plus une baisse des subventions» est-il bon de rappeler.
Alors que s’est-il passé ? « C’est une absence d’accompagnement par les pouvoirs publics d’une nécessaire évolution de la structure », nous explique t-on. En effet, depuis plusieurs années l’Arrosoir s’est professionnalisé pour répondre à un besoin réel sur le territoire et chaque année, il tirait régulièrement la sonnette d’alarme quant à son fonctionnement précaire.
Déclarer et salarier les artistes, les accueillir toute l'année avec leurs créations et leurs projets, les accompagner dans leur développement…
C’est ce qu’a défendu la structure ces dernières années. Un projet qui ne paraît en rien extravagant et qui semblait être une évolution naturelle compte tenu de l’histoire de cette salle. Pour répondre à un besoin exprimé par les artistes du territoire, l’Arrosoir a augmenté son activité de résidences et accueil d’artistes et a totalisé le chiffre record de 120 jours d’accompagnement l’année dernière. Elle n’en a pas pour autant oublié sa vocation d’action culturelle en mettant en place des projets en direction de tous les publics (actions dans les quartiers pour faire découvrir l’improvisation, projets avec des écoles de Chalon-sur-Saône et du Grand Chalon…).
Tout cela a été rendu possible grâce à la détermination et à la bonne volonté d'une équipe qui n’en finissait pas d’essayer de se maintenir à flot à force de « bricolage », « de faire avec des bouts de ficelle » pour réemployer les termes tenus lors de notre entretien, car s’il ne s’agit pas d’une baisse des subventions, il est à noter cependant, que le gel de celles-ci n’ont pas permis un fonctionnement fluide de la structure qui a subi, en 2015, comme toutes les associations chalonnaises d’ailleurs, une diminution de -25% de la subvention municipale.
Petit retour en arrière…
L’Arrosoir a commencé à se professionnaliser à la fin des années 90 en faisant appel à un contrat Emploi Jeune puis un deuxième. En 2008, elle essuie une crise avec un licenciement car la structure avait souffert déjà de ce qui la conduit aujourd’hui à fermer définitivement ses portes : « Une évolution non accompagnée par les partenaires publics », nous explique Médéric, le Directeur de l’Arrosoir. En 2013, le projet continue de se renouveler, toujours en vue de proposer une structure professionnelle (musicien-ne-s et technicien-ne-s déclarés et payé-e-s conformément aux conventions collectives, mise en sécurité du lieu…) et organisée autour de 3 points : une partie concerts, un accompagnement et accueil des artistes (résidences, enregistrements..) et l’action culturelle.
L’accompagnement d’artistes (notamment les plus émergents) est devenu l’activité principale de l’association, « son cœur de métier ». Pour cela, L’Arrosoir a beaucoup investi sur la partie matériel et est reconnu aujourd’hui pour la qualité de l’accompagnement qu’ il propose. « L’Arrosoir a un rôle sur son territoire : Chalon et le Grand Chalon et est largement reconnu par les partenaires. Cette activité là nécessite des salariés. Nous avons comparé nos chiffres auprès des éléments publiés par la Fédération des Lieux de Musiques Actuelles ; par rapport à des structures similaires et au volume des projets portés, celles-ci totalisent une moyenne de 3,8 salariés, et ces chiffres datent de plusieurs années. A L’Arrosoir, nous en voulions 2 alors qu’une enveloppe pour un seul était attribuée ! » On a reproché à L’Arrosoir, qui se dit très déçu d’entendre ces propos, qu’il avait « trop de masse salariale et pas assez de mécénat », il répond avoir mené son projet chaque année " en improvisant, en faisant avec des bouts de ficelle et en augmentation ses recettes propres du simple au double ces dernières années."
"On a le sentiment de ne pas avoir été soutenu par tous"
« On sait bricoler, on doit bricoler mais à ce niveau, ce n’est plus tenable », nous explique-t-on. Cela faisait des années que L’Arrosoir expliquait ses fragilités aux financeurs (Ville, Grand Chalon, Département de Saône-et-Loire, Région Bourgogne Franche Comté et les services de l’Etat DRAC ainsi que la Sacem et le Centre Nationale de la Musique). Une alerte très claire en direction de ceux-ci a été envoyée dès novembre 2022. « Outre les aides spécifiques obtenues sur les projets d’action culturelle menés, les recettes propres de L’Arrosoir ont été jugées insuffisantes. Elles sont pourtant similaires en pourcentage à des lieux identiques au nôtre », justifie le Directeur. « Nous les avons augmentées, nous y avons travaillé mais rappelons que la jauge est de 100 places seulement et que notre action se veut être une mission de service public. Nous sommes fiers de cela et avons besoin de la puissance publique pour fonctionner, nous avons d'ailleurs toujours expliqué à nos partenaires que nous souhaitions travailler avec eux, et non dépendre seulement d'eux ».
En mars dernier, L’Arrosoir avait convié l'ensemble de ses financeurs autour d’une table ronde où il a été rappelé clairement la situation (un manque de 50 000€ environ sur un budget actuel de fonctionnement de 120 000€ pour pérenniser un second poste). Elle a, à cette occasion, présenté un projet et les moyens consentis pour essayer de s’en sortir. Ce plan a demandé un effort supplémentaire et le choix a été fait de suspendre la programmation au deuxième trimestre. Il ne manquait plus que 25 000 euros sur 2023, il fallait ensuite continuer à réfléchir collectivement pour les années à venir. « La table ronde a été un échec. La Région et la DRAC ont consenti à un effort mais les autres partenaires n’ont pas tous répondu à notre besoin », déplore L’Arrosoir qui « comptait sur l’investissement de la ville et du Grand Chalon ».
L’activité concert a été suspendue au 2e trimestre mais les projets avec les écoles ou l’accueil des étudiants du CRR*, ont continué. « D’ailleurs, depuis plusieurs années, beaucoup d’élèves du Conservatoire ont fait leurs enregistrements pour leur examen d’accession aux grandes écoles ici, comme Samuel Apoutou par exemple et nous sommes fiers d'avoir terminé notre saison avec les examens jazz, un spectacle de la classe de chant musiques actuelles et une soirée de l'association étudiante du CRR.» Entre avril et juin, les discussions se sont poursuivies ; une réflexion sur les musiques actuelles et la place de L’Arrosoir sur le territoire, ses relations aux autres structures a été menée et même une mutualisation évoquée avec d’autres lieux mais au final « le projet Arrosoir n’était pas assuré dans son budget », regrette-t-on. « Les aides sont moins élevées aujourd’hui que ce que L’Arrosoir percevait en 2011 ! Sans même parler de l’inflation. Toute l’évolution du projet n’a pas été accompagnée par les pouvoirs publics. Il n’y a pas de retour en arrière possible, on ne peut pas travailler qu’avec du bénévolat. C’est-à-dire sans salariés, sans payer les artistes… ».
Arrêt de l’activité pour éviter la cessation de paiement et horrible sentiment de gâchis
Cela a été une décision très difficile à prendre de la part de l’équipe de L’Arrosoir et ce, comme cela a été expliqué malgré une année 2022 de tous les records ! « La situation actuelle découle de plus d’une dizaine d’années de fragilité de ce lieu, pourtant apprécié de tous. On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas de concertation sur les politiques publiques culturelles (Etat, Ville, Région), c’est fort dommage."
L’ Arrosoir ne rouvre pas. La décision formelle de dissolution sera prise dans quelques jours.
Ce sont 52 ans d’histoire de ce lieu qui s’arrêtent.
Avec pour conséquence : plus de concerts, plus de résidences, deux personnes licenciées. "Si on n’avait pas fait avec des bouts de ficelle, sans faire appel à des contrats aidés, du bricolage et de la générosité, L’Arrosoir aurait fermé ses portes il y a 15 ans ! », conclut le Directeur qui a reçu énormément de messages bienveillants et de soutien d’autres salles de concert, d'artistes et de spectateurs.
En guise de « faire part de deuil », un grand rassemblement est prévu samedi 9 septembre à partir de 14h à L’Arrosoir, impasse de l’ancienne prison à Chalon-sur-Saône. Une déambulation en fanfare, festive et militante, est organisée entre 15h et 18h où toutes les musiciennes et musiciens qui le souhaitent sont invités à venir jouer (partitions en ligne sur le site de l’Arrosoir). A partir de 18h, une buvette et pique-nique partagé prendront place dans la cour, pour continuer à échanger.
SBR
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