Bourgogne
Hugues Aufray à Chalon-sur-Saône
Par SD
Publié le 21 Septembre 2023 à 11h26 , mise à jour le 10 Octobre 2023 à 18h36
L’un des artistes français les plus populaires depuis les années 60 réalise une tournée exceptionnelle. Vendredi 13 octobre, Hugues Aufray sera sur la scène de la salle Sembat.
Il a chanté la fierté des voyages et de la fraternité, le fameux trois-mâts de « Santiano », l’humilité et l’amitié dans des chansons cultes. Proche d’un Renaud (son ami et voisin), d’un Brassens (dont il a interprété des titres), d’un Gainsbourg, d’un Bob Dylan, qu’il a fait connaître à toute la France et l’Europe. Il est en dehors du star-system et des modes, nourri de valeurs humanistes (il a chanté devant Martin Luther King au Palais des Sports !) ; en un mot Hugues Aufray est le même dans la vie que sur la scène. Peut-être un secret de son énergie rarissime ?
Il n’avait jamais rêvé devenir chanteur, encore moins « vedette ». Ses premières amours vont à la sculpture et la peinture, qu’il pratique encore, loin du tapage et des paillettes du show-biz… Il est pourtant entré dans la légende de la chanson française, mais à son image : authentique, engagée, atemporelle comme le folk, la poésie et les chants traditionnels.
Hugues Aufray a accepté de répondre aux questions d’Infochalon en toute… authenticité !
Serge Dunand : Sur cette tournée 2023-2024, certaines dates, à l’instar de Voulzy, vont se dérouler dans des lieux de culte – cathédrales, basiliques, églises. Chanter dans ce genre de lieu revêt-il un caractère particulier pour vous ?
Hugues Aufray : Évidemment, l’architecture d’une église, d’une chapelle ou d’une collégiale inspire un état d’esprit transcendantal. Quand vous entrez dans ces lieux, vous levez les yeux, vous admirez l’architecture, la lumière qui descend à travers les vitraux ; tout ça vient du ciel, d’en haut, et cette transcendance est salutaire à la réflexion sur la vie, sur la mort, la bonté, la méchanceté… Aujourd’hui, avec l’évolution des mœurs, les églises sont de moins en moins fréquentées. C’est regrettable parce que ce sont les lieux où les chrétiens allaient à la recherche de ce qui nous dépasse, la transcendance, pour essayer de comprendre le monde. Ces lieux sont habités de ce besoin d’élévation, du plus grand que soi. Les transformer en discothèque, je trouve que c’est un désastre culturel et cultuel. Et finalement, ça révèle un double constat : le culte du christianisme en voie de disparition, et la culture de notre société en grande difficulté.
Il y a aussi la date de l’Olympia, prévue en janvier 2024 : c’est une salle particulière pour vous ?
Bien sûr, c’est là que j’ai gagné mes premiers galons de “vedette” en 1959. C’est au concours d’Europe 1 que je suis arrivé en finale, à l’Olympia.
En 2005, vous avez sorti un album live. Avez-vous prévu de le faire pour cette tournée ?
La tournée 2023-2024 sera très spéciale, mais je ne peux pas vous en dire plus, l’effet de surprise… Mais vous savez, les années passent, on finit par devenir prudent en sachant qu’on n’est pas très loin de la dernière sortie de l’autoroute… Il faut l’envisager, quand même. Je peux considérer qu’en 2024, on se rapprochera des adieux. Cette dernière tournée aura donc un fort caractère symbolique.
Si on parlait de vos musiciens ? Certains sont des fidèles ? Combien vous accompagnent dans cette tournée ?
Avec certains d’entre eux, ça fait plus de 50 ans de fidélité ! Actuellement, 4 musiciens m’accompagnent. En tournée, il y en aura plus. Leur nombre dépend du lieu : dans les lieux de culte, on ne peut pas avoir de percussionniste car la réverbération des bâtiments est trop importante. Dans les salles – et on va faire des grandes salles – il y aura plus de musiciens.
Le vendredi 13 octobre, vous serez en concert à Chalon-sur-Saône. Superstitieux ?
Non, ce genre de superstition me paraît ridicule. Mais j’avoue que dans ma loge, je fais des gestes rituels avant le spectacle. C’est une manière de bien m’installer, de m’approprier les lieux pour être concentré sur ce que je dois faire.
Une question plus sociétale parce que vous êtes un homme engagé par tempérament. Récemment, vous avez lancé un appel au nouveau ministre de l’Éducation nationale : l’avenir de nos enfants est un sujet qui vous touche particulièrement ?
C’est un sujet très important pour moi. Peut-être mon dernier combat. Le précédent ministre a été viré, heureusement, parce qu’il s’est montré vraiment incompétent. J’ai davantage confiance avec le nouveau, Gabriel Attal. Il m’est très sympathique et je pense qu’on pourrait s’entendre – encore faudrait-il que je le rencontre – car j’ai beaucoup de choses à lui dire.
La première chose, c’est qu’il faudrait supprimer le nom « ministère de l’Éducation ». La Révolution française, que les Français vénèrent, n’a jamais voulu créer un ministère de l’Éducation, ils ont créé un ministère de « l’Instruction publique ». C’est très différent. Et comme le disait Camus, « Mal nommer les choses, c’est ajouter encore au désordre du monde ». Le choix des mots n’est pas innocent et il faut s’efforcer au langage clair pour lutter contre l’erreur. « Éducation » et « enseignement ou instruction » sont deux réalités bien différentes. Considérer que l’éducation doit être confiée aux enseignants, c’est les mettre en danger. Moi, je pense qu’on doit revenir au ministère de l’Instruction publique et créer un autre corps de métier qui s’appellerait « éducateur national » comme vous avez « police nationale » ou municipale. Les enseignements transmettent des savoirs : math, français, anglais, chimie, physique, etc. Les élèves, eux, n’ont pas à discuter avec les professeurs. En ce qui concerne l’éducation, Camus a confié : « Tout ce que j’ai appris de la morale, en philosophie, je l’ai appris sur le terrain de sport ». Parce que sur le terrain, il y a l’arbitre qui est un éducateur : il impose la tenue ou l’uniforme d’un club, d’un collège et surtout l’obéissance aux règles. On ne doit pas demander à un prof de chimie d’expliquer aux élèves ce qu’était Charlie Hebdo car le résultat, vous le connaissez. Ça, c’est désormais le sujet le plus important pour moi.
Question subsidiaire et clin d’œil amical de la part d’un ami que nous avons en commun dans la vraie vie : le chanteur Renaud. Avec sa compagne Cerise, ils m’ont transmis une question pour vous : « Comment s’est passée ta nuit de noces ? »
(Rires) Mais c’est complètement indiscret comme question ! Tout s’est très bien passé…
Plus sérieusement, nous avions fait une cérémonie originale qui a beaucoup plu aux invités. Et j’ai eu la chance d’avoir Renaud et Cerise, dans les quatre moments importants : la mairie, l’église, le vin d’honneur et le dîner. Renaud est comme un petit frère pour moi, je l’aime, et je sais que vous l’aimez. Le fait qu’il soit venu avec Cerise, c’était un cadeau du ciel : je craignais qu’ils ne viennent pas.
Un dernier mot ?
Oui, j’espère vous n’allez pas faire un montage de cette interview, mais écrire intégralement ce que je vous ai dit !
Propos recueillis par Serge DUNAND
Vendredi 13 octobre 2023, 20 h à la Salle Marcel Sembat
Chalon-sur-Saône
Réservation :
À Chalon Spectacles – Tél. : 03 85 46 65 89
Office du Tourisme – Tél. : 03 85 48 37 97
Lien : www.mlprods.com
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