Chalon sur Saône
Octobre rose : Alexandra ou le parcours d’une combattante
Par J.P.B
Publié le 04 Octobre 2023 à 08h03
Interview d’une des marraines de la course ‘La Chalonnaise’
En ce mois dédié à Octobre rose, il était important de recueillir les témoignages de celles qui ont été confrontées, de près ou de loin, au cancer du sein. Pour Alexandra Guillaumé, la maladie se déclare il y a un an et demi, l’annonce est terrible : 2 cancers du sein (droit et gauche) !
Cette jeune femme, quadragénaire, bien entourée par sa famille, a combattu avec succès cette maladie. Elle entrevoit aujourd’hui, suite à de récentes bonnes nouvelles, un avenir plus radieux. Néanmoins, elle continuera avec un traitement anti-hormonal qu’elle prendra pendant 5 ans minimum !
Oui, elle continuera d’avoir des douleurs physiques et articulaires, et oui, elle continuera son bénévolat auprès des associations qui luttent contre le cancer…
(Alexandra sur le stand de la chalonnaise à la foire de Chalon-sur-Saône)
L’Interview
L’annonce vous a été faite il y a un an et demi. Quelles ont été vos premières prérogatives et vos premières décisions ?
A.G : « En fait, je me suis déjà donnée le temps d’intégrer cette donnée. Une chose aussi très importante, c’est que ce jour-là, j’étais accompagnée de mon mari et on a entendu tous les deux les résultats en même temps et cela, c’est une chance parce que tu n’as pas besoin de le répéter en arrivant à la maison. La chance aussi de l’avoir à mes côtés, c’est que les mots que moi je n’ai pas entendu ou que je n’ai peut-être pas voulu entendre, mon mari les a entendus et vice-versa. Quand je parle de ces mots, c’est quand on vient d’annoncer que j’ai deux cancers et qu’ils commencent à t’expliquer quels types de cancers, qu’est-ce qui va se faire, quelle sorte de traitement… parce qu'à ce moment-là, le cerveau déconnecte et il ne reste pas concentré. Forcément, il vient de subir un choc. Donc, deux personnes pour entendre c’est bien et cela évite aussi à la personne malade de répéter en rentrant parce que c’est compliqué à expliquer, mais aussi parce que l’autre personne, certaines fois, n’est pas prête à recevoir cette information ; je parle bien sûr d’un conjoint, enfant ou autre ! Donc dans un premier temps, nous avons partagé l’information mais aussi, avec mon mari, on attendait d’avoir les résultats officiels afin de pouvoir aborder cette maladie avec nos enfants ! ».
Alors justement quels ont été vos premiers mots envers vos enfants ?
A.G : « Alors tout d’abord cela n’a pas été facile du tout dans le sens où celui qui avait 15 ans ne voulait pas du tout entendre le mot cancer au début. Il avait compris ce qui se passait mais il ne voulait pas l’entendre. Je lui ai donc dit que l’on en parlerait quand même, qu’on n’avait pas le choix, que l’on aurait cette conversation et de me dire quand il serait prêt, tout en sachant que le plus vite serait le mieux. Nous avons donc pu échanger ensemble et je lui ai tout de suite dit que le mot cancer ne voulait pas forcément dire mort ; parce que pour un enfant, ce mot cancer, c’est tout de suite l’image qu’il en a ! ».
J’imagine que vous avez voulu en savoir plus et qu’internet est un outil tentant ?
A.G : « Tout d’abord, il faut avoir une vision de tout ce que l’on a, c’est pour cela que je n’ai pas beaucoup cherché les causes sur internet. J’ai privilégié mes échanges avec mon médecin qui me traitait mais aussi avec les différents médecins que je pouvais rencontrer parce qu’en fait, quand on a une tumeur cancéreuse, tout ce que l’on peut trouver sur internet ne rentre pas forcément dans le cadre de ce qu’on lit. Donc c’est assez piégeux car d’un côté c’est bien, cela peut dégrossir de simples notions, et comme on ne fait pas partie du monde médical… Mais en même temps, par exemple, mes tumeurs n’étaient pas identifiées à 100% sur internet. Donc j’ai préféré avoir des retours plus personnalisés et plus justifiés par rapport à ma pathologie et demandé plus d’explications aux médecins.
Une fois la confirmation de deux cancers faite, quelles décisions prenez-vous ?
A.G : « Je vais prendre mes propres directives car je pense qu’il faut laisser le malade acteur de sa situation. Par exemple au début, j’étais dans le domaine privé parce que ma gynécologue était dans le privé et c’est moi qui prend la décision de partir sur le CGFL de Dijon (Centre Régional de Lutte contre le Cancer Georges François Leclerc) ; ce qui peut inquiéter parce quand on est déjà dans une structure de soins pourquoi aller ailleurs ? Moi j’avais pris conseil et c’est surtout le fait que l’on m’avait trouvé 2 cancers différents en même temps qui m’a décidé à prendre cette décision. Cela me semblait pertinent d’aller dans un centre de lutte contre le cancer et on a la chance d’en avoir un pas trop loin ! ».
Comment cela se passe quand on arrive dans une telle structure, parce que l’on ne connaît personne ?
A.G : « Non effectivement on ne connaît personne ! Mais c’est en accord avec ma gynécologue et elle m’avait envoyé chez la spécialiste qui opère les cancers du sein et donc d’une certaine façon j’ai fait confiance où on m’envoyait. Ensuite, il ne faut pas avoir peur de discuter, de demander des explications, d’essayer de comprendre ce qui va arriver. Ensuite, je n’ai pas hésité à adhérer à une association locale à Chalon-sur-Saône, ‘Toujours Femme’ qui m’a tout de suite reçue, qui m’a expliqué, qui m’a demandé ce qui m’arrivait et qui m’ont tout de suite dirigée vers une sophrologue pour essayer d’avoir tout de suite une respiration plus calme et plus apaisée. Ensuite, les femmes de cette association m’ont gentiment expliqué, au fur et à mesure de mes étapes, qu’elles aussi étaient passées par là et de toutes les petites combines qu’elles avaient trouvées. Donc moi, j’entends tout cela, je note tout et après j’essaie d’avancer en ayant confiance et je mets en application tous ces conseils. Donc avec mon mari qui a toujours été très présent à mes côtés depuis le début, une fois que tout le système a été mis en place et dès les premières chimiothérapies, je me tourne aussi vers les associations chalonnaises pour décharger un petit peu la famille parce qu’ils ne peuvent pas tout porter. Ils ont leur vie et en même temps, on ne peut pas rester enfermé et sclérosé chez soi ! ».
Je crois savoir que le traitement était de haute intensité, pouvez-vous pouvez m’en dire plus ?
A.G : « À Dijon, les médecins vous expliquent bien les plus gros effets éventuels et cela il faut savoir l’entendre. C’est une réalité et c’est fait pour traiter les tumeurs mais du coup cela fatigue énormément. Ensuite, il y a une dégradation physique qu’il faut savoir expliquer aux membres de sa famille qui font suite au traitement et qu’il faut accepter. Par exemple moi, en premier, cela a été la perte des cheveux, ma peau qui est devenue différente, mon visage qui est devenu plus bouffi sans compter les douleurs et la fatigue. Par contre maintenant, le monde médical a beaucoup avancé et ils ont des anti-nauséeux puissants et cela m’a permis de pouvoir manger. C’était important pour moi car je me disais qu’il fallait bien manger pour garder des forces ! ».
Quand on dit que vous avez eu une chimiothérapie très puissante cela veut dire quoi exactement ?
A.G : « En fait c’est au niveau de la densité, c'est-à-dire que le dosage que j’avais était fort. Ils ont attaqué fort depuis le début dans le but de contrer tout de suite mes deux cancers, surtout que l’un des deux était très agressif. J’avais un cancer au sein droit et un cancer au sein gauche en même temps et tous les deux étaient différents car ils n’avaient pas les mêmes facteurs avec notamment mon sein droit qui était le cancer le plus agressif ! ».
Quel souvenir de ce traitement ?
A.G : « Alors douloureux d’abord car je suis passée par la perte d’un ongle qu’il a fallu traiter. Ensuite la phase radiothérapie tout en sachant que, comme j’avais un cancer très agressif, pendant 1 an, j’ai eu 18 piqûres dont une toutes les trois semaines, avec en plus un traitement lourd où j'avais une chimiothérapie ciblée. Donc un voyage à Dijon toutes les semaines et ajouté à cela un autre toutes les trois semaines pour la radiothérapie où j’ai eu 2 fois 33 séances ! ».
Quand commencez-vous à ressentir une petite amélioration de votre santé ?
A.G : « Je commence seulement à me sentir mieux quand j’arrive à faire la cure de remise en forme à Dracy-le-Fort qui se nomme ‘Arcania’, c'est-à-dire 1 an après. Je sentais mon corps très fatigué, j’avais toujours des piqûres dans la cuisse mais comme ce programme est bien pensé, il permet de remettre en forme mes muscles, la tête, le côté social car on voit du monde et c’est à ce moment-là que je commence à me sentir mieux ! ».
Quand vous dites ‘mieux’ cela veut dire quoi ?
A.G : « Alors physiquement, moins de douleurs, pouvoir récupérer du souffle, avoir moins mal aux articulations, la peau aussi qui reprend son épiderme normal, les ongles, la force, la motricité et la coordination des mouvements car quand on est malade, on est très maladroit. Ce traitement Arcania, je le conseille parce que nous sommes encadrées sur des journées complètes, c’est intéressant, cela nous bouscule aussi mais cela fait du bien ! ».
Et le bout du tunnel, il arrive quand ?
A.G : « Il n’y a pas vraiment le bout du tunnel avec ce genre de maladie, mais moi je me sens beaucoup mieux, du moment où j’ai eu ma dernière piqûre, où j’ai commencé aussi à ne plus rien avoir en traitement, c'est-à-dire cet été. C’est un soulagement psychologique et physiquement une délivrance ! ».
Quel message voulez-vous adresser aux femmes du bassin chalonnais ?
A.G : « De ne pas avoir peur d’aller se faire dépister à partir de 50 ans quand on reçoit le courrier et qu’avant 50 ans, en autopalpation ; si on se trouve une boule de ne pas avoir peur d’aller tout de suite consulter. Le monde médical est vraiment très à l’écoute par rapport à ces problématiques et ils réagissent très vite même si on a l’impression d’être pris dans un engrenage qui va trop vite au début. Cela est nécessaire car il faut vraiment mettre en place le traitement tout de suite. J’ai d’ailleurs appris qu’en Saône-et-Loire, on est au-dessus de la moyenne nationale au niveau du dépistage mais qu’il y a quand même 54% seulement des femmes de notre département qui vont faire le dépistage ! ».
Une philosophie à partager ?
A.G : « Chaque épreuve nous fait grandir ! La maladie n’est pas une fatalité, elle est juste l’opportunité de se parler en toute franchise et de se dire que l’on s’aime ! »
Un conseil ?
A.G : « Il faut savoir que l’on parle du cancer du sein parce que l’on a les moyens de les détecter mais que toutes les personnes qui ont un cancer doivent aller dans les associations qui apportent un soutien aux cancéreux car elles y trouveront de l’écoute et de l’aide ! ».
J.P.B
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