Faits divers
Deux braquages à Chalon sur Saône, vieux de 20 ans, ressurgissent du passé
Par FSA
Publié le 18 Octobre 2023 à 06h31
« Des personnes sont entrées dans l’agence, et nous ont braqués. C’était mon 11ème ou 12ème hold-up. » La femme qui témoigne devant la Cour d’assises de Saône-et-Loire ce mardi 17 octobre, travaillait à l’agence de la Banque Populaire qui fut victime de braquage le 14 octobre 2003 puis le 4 mars 2004.
La témoin ne parle que des faits du 14 octobre. Le 4 mars 2004, « je l’ai vécu à travers mes collègues ». Un témoignage très touchant, on y revient dans un instant, parce que loin de se victimiser, la femme donne un aperçu de la consistance de son rapport à son travail et laisse entrevoir aussi des pratiques courantes il y a 20 ans.
La Cour est sensible à ces victimes discrètes
Pas de victimisation, on l’a dit, mais des préjudices importants qu’elle met encore aujourd’hui au travail (avec un psy, suppose-t-on), pour aller bien ou le mieux possible. La présidente l’a bien vu. Elle demande à l’huissier audiencier d’informer tous les témoins à ce procès, de l’existence de l’association France-Victime qui peut leur apporter connaissance de leurs droits et les orienter utilement si nécessaire.
L’un reconnaît, l’autre conteste
Côté accusés : deux hommes et leurs avocats, maître Marceau et maître Sayn. On accuse M. d’avoir commis le 1er braquage, on accuse D. d’avoir commis le second. D. reconnaît sa responsabilité. M. conteste avoir fait quoi que ce soit.
Une enquête rouverte en 2017
Chaque vol fut commis par « deux individus encagoulés ». Les modes opératoires présentaient des points communs et les deux fois on a retrouvé des effets, dans des poubelles, dans le quartier : gants de vaisselle, un vêtement, casquette, cagoule, mais aussi à chaque fois, une réplique de pistolet. En 2005, l’enquête prend fin sur un non-lieu, mais en 2017, la police sollicite sa réouverture : on a pu rapprocher deux profils ADN - parmi les empreintes relevées sur les affaires trouvées dans des poubelles, à six mois d’intervalle - de deux hommes. L’un, D., né en 1980 dans la Loire, pour les faits de mars 2004 ; l’autre, M., né en 1974 dans la même ville que D., pour les faits d’octobre 2003.
Les hommes sont interpellés, placés en garde à vue, puis sous contrôle judiciaire le 13 avril 2017. D. reconnaît immédiatement avoir participé au braquage de mars 2004, mais dit que M. (ils se connaissent depuis l’enfance, ndla) n’était pas avec lui.
M. nie avoir participé à un quelconque braquage en octobre 2003 ou en mars 2004.
Ils sont pourtant renvoyés tous les deux devant la Cour d’assises pour répondre chacun d’un fait.
Autant de braquages, autant d’effractions dans le quotidien
« Un fait »… Dit comme ça, ça ne renvoie rien de la réalité. Vers 10 heures 30, ce mardi d’octobre 2023, une femme s’avance à la barre. Elle porte une jolie robe, encore légère mais imprimée de tons d’automne, chauds et doux, une écharpe frangée, les cheveux courts et elle porte aussi une carrière dans le secteur bancaire émaillée d’effractions violentes : autant de braquages, autant d’effractions dans le quotidien avec leurs effets et conséquences.
Cette année-là, elle occupait un poste de conseillère clientèle, ce qui fait qu’elle était dans un bureau et non au guichet. La femme précise clairement à la Cour et aux jurés qu’elle ne peut pas se souvenir correctement de ce qui s’est passé le 14 octobre 2003, elle renvoie à sa déposition « sur le vif » de l’époque, « vous pouvez vous y fier ».
« J’ai dit à la cliente : ça dure entre deux et trois minutes, quand tout se passe bien »
Au moment du braquage, cette femme recevait une cliente, une cliente enceinte. « On a le devoir de protéger nos clients. » Aussi dit-elle à cette cliente de mettre ses bras sur le bureau puis sa tête entre ses bras. « Vous vouliez la neutraliser, pour qu’il n’y ait pas d’agression sur sa personne », dit l’avocat général. « Oui, c’est ça. J’ai dit à la cliente : ça dure entre deux et trois minutes, quand tout se passe bien. »
Subir un braquage, selon que la place que l’on occupe
Alors, forcément : il faut que tout se passe bien. L’employée de banque répète que les choses sont vécues différemment selon que l’on est « actif » ou « passif ». Être au guichet, et donc en première ligne des exigences des braqueurs, c’est être « actif ». Devoir rester dans son bureau à entendre les injonctions des malfaiteurs, en subissant la situation et sans aucun moyen d’agir sur elle, c’est être « passif ». Elle dit que c’est plus difficile de subir.
Un courage certain et un sens du devoir remarquable
On se permet de remarquer que cette dame semble avoir un certain courage et un sens du devoir affirmé, car protéger comme elle l’a fait une femme enceinte, en se servant de ce qu’elle sait des attitudes, de ce qu’elles signifient, et ainsi la mettre à l’abri – sans garantie de rien mais au mieux de ce qui était possible – d’intentions agressives et donc de gestes violents, voire pire (l’arme retrouvée était factice, on rappelle que cela n’a aucune incidence sur la qualification pénale des faits, car la peur que cette menace fait peser sur les victimes est la même que si l’arme était vraie, puisqu’elles ne savent pas que c’est une réplique, ndla) –, eh bien faire cela c’est être active, responsable et courageuse.
Violence versus bienveillance et solidarité
C’était une façon de retrancher au maximum cette cliente de la scène de crime. Si tout s’est bien passé pour cette cliente et le bébé qu’elle portait, aujourd’hui une jeune fille ou un jeune homme âgé(e) de 20 ans pourrait dire que son arrivée au monde fut précédée d’un moment d’une grande violence causée par des tiers, mais doublé d’une grande bienveillance de la part d’autrui. Le pire et le meilleur « en deux ou trois minutes quand tout se passe bien ».
« Madame, n’aie pas peur, ça va bien se passer »
Dans sa déposition de 2003, la témoin a dit qu’un des hommes, celui qui était entré dans son bureau au début, était revenu et avait touché l’épaule de la future mère en lui disant : « Madame, n’aie pas peur, ça va bien se passer. Tu fais ton boulot et nous, on fait le nôtre. » Le butin, ce jour-là : 6 950 euros. Tout ça pour ça. Une somme importante c’est vrai, mais bien modeste au regard des moyens et de la violence déployés - que ce mouvement rassurant n’aurait su adoucir (même si c’est toujours mieux d’entendre ça que d’avoir le canon d’une arme posé sur la tête – difficile de finasser avec la violence : ses effets sont variables selon les gens, mais néanmoins terribles).
« Quelles répercussions ont eu ces faits sur vous ? » demande la présidente. L’émotion submerge la femme. « La banque vous a proposé une aide ? Un suivi ? – Cette banque-là, oui. Les précédentes, rien. Je pense que c’était dans l’air du temps de ne pas laisser les employés ainsi. »
Les braquages, « en région parisienne, c’était commun »
Maître Marceau, avocat de M. qui conteste avoir participé à ce braquage mais qui est accusé d’avoir été l’un des individus l’ayant commis, constate : « Onze braquages… C’est peu commun. – J’étais en région parisienne, avant ça, et là-bas, c’était commun. »
Autre question : « Avez-vous connu des braqueurs paniqués ? » Et la femme d’évoquer un jour d’août : il faisait chaud, une personne vêtue d’un long manteau s’est présentée à la porte de l’agence où elle travaillait alors. L’extrémité d’un fusil dépassait du manteau… Des mécanismes de sécurité avaient permis de bloquer cette personne et ses intentions malveillantes, dans le sas de la banque.
« En 2003, ils étaient venus à plusieurs. Je pense qu’il y avait une organisation. » A plusieurs... Seuls deux hommes sont accusés mais rien n’a permis de les inculper pour les deux braquages de cette même agence bancaire, place du général de Gaulle à Chalon, soit en face du palais de justice.
FSA
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