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TRIBUNAL DE CHALON - Hospitalisation et interdiction de tout contact avec sa mère pendant 5 ans

TRIBUNAL DE CHALON - Hospitalisation et interdiction de tout contact avec sa mère pendant 5 ans

 « C’est une circonstance atténuante, parce qu’elle me maltraitait. Alors, j’ai explosé. Je savais ce que je faisais, j’étais pas malade. »
Le prévenu, arrivé tout droit, sous escorte, de l’UHSA* de Lyon Vinatier prend la parole au début de l’audience de ce 19 octobre, et en trois phrases, il dit tout. 

« Elle », c’est sa mère. Lui, il a 37 ans. Il est suivi et traité par des psychiatres depuis plus de 20 ans pour une schizophrénie paranoïde, c’est pour cela qu’il précise « je savais ce que je faisais » : il est informé de sa maladie et du fait qu’il est susceptible de délirer. 

Il le sait d’autant mieux que l’expert psychiatre qui a fait l’expertise en se rendant à l’UHSA a conclu à son irresponsabilité pénale en écrivant que son discernement était aboli au moment des faits. Le prévenu sait qu’il risque d’être hospitalisé : « J’ai peur d’être enfermé. C’est encore une maltraitance de plus. » 

Parlons des faits tels que les expose la présidente 

L’homme qui est dans le box dit qu’à plusieurs reprises il a eu des velléités d’indépendance mais qu’à chaque fois il revient chez sa mère, « parce qu’on me dit de prendre soin d’elle ». 
Le 18 juin dernier, ça faisait un an qu’il était revenu. Ce jour-là les gendarmes sont appelés à se rendre au domicile, à Sevrey, pour des violences « sur votre maman ». « Vous auriez donné un coup de poing au visage de votre maman et menacé de lui faire une balayette si les gendarmes n’arrivaient pas rapidement. » C’est le fils lui-même qui appelle les gendarmes. Lorsque ceux-ci arrivent, « ils apprennent que vous auriez ébouillanté votre maman ». De fait, ils trouvent la femme avec le visage et les yeux « boursouflés ». Ils interpellent le fils qui les abreuve d’insultes.

« Une brûlure importante de la face »

Un médecin examine la mère, constate « une brûlure importante de la face », elle ne peut pas ouvrir les yeux. « Je précise que votre maman, elle a 74 ans. » Et « concernant votre maman, on a tenté de l’entendre mais ça a été compliqué, c’est difficile pour elle de parler ». 
La mère ne veut pas porter plainte contre son fils mais dit avoir peur de lui et pour cause : il lui a jeté l’eau des pâtes à la figure. Le fils dit que depuis très longtemps sa mère le maltraite et que ça fait 36 ans que ça dure. Il montre des marques anciennes aux gendarmes. « Conviction délirante » écrit le médecin expert. 

« Je me suis dit ‘y en a marre’, et quitte à aller en prison… »

A l’audience, le fils insiste : « Ces 10 jours d’ITT, c’est rien par rapport à 37 ans de maltraitance. Elle est caractérielle. Quand ça va pas, elle m’insulte, me jette des trucs à la gueule. » Et il insiste : « J’étais stabilisé (par les traitements, ndla), je savais ce que je faisais. Je me suis dit ‘y en a marre’, et quitte à aller en prison… » 

Il appelle lui-même les gendarmes avant de commettre le geste le plus grave

Pourquoi a-t-il appelé les gendarmes lui-même ? « Pour qu’ils m’emmènent. » Ce point aurait sans doute mérité un peu d’attention mais le tribunal focalise sur « votre maman », « âgée », là où lui, dit « ma mère », et où l’âge ne change rien à l’affaire en matière de graves brûlures causées par un tiers. Le prévenu demande : « Elle a jamais eu d’amour envers moi. Est-ce que c’est vraiment une mère ? » 
Si le diable se niche dans les détails comme le plaidait un avocat dans un autre dossier, le choix du vocabulaire utilisé aurait mérité dans ce dossier, un peu de finesse. 

« Vous n’êtes pas médecin, monsieur »

« C’est des faits graves, ça, monsieur.
- Oui mais la maltraitance !?!
- Le tribunal a bien compris que vous comparez ce qui s’est passé le 18 juin, avec 37 ans de maltraitance. On n’est pas dans votre tête mais on a bien compris.
- J’étais stabilisé quand je l’ai fait. »
Le prévenu est vraiment angoissé par le sort qui l’attend.
« Oui mais vous n’êtes pas médecin, monsieur, lui renvoie la présidente.
- Il m’a vu 5 minutes !
- Donc, vous saviez ce que vous faisiez. C’est encore plus grave. »

L’abord du dossier pendant son instruction à l’audience laisse perplexe

Le prévenu dit qu’il voudrait une peine avec sursis, « ça fait 4 mois que je suis en prison et c’est l’enfer », et puis « j’ai une circonstance atténuante : elle m’a toujours maltraité ». Le tribunal lui renvoie une objection qui laisse vraiment perplexe quant à l’abord du dossier : « Oui, mais c’est pas parce qu’on vous a fait quelque chose qu’il faut répondre ! » 

Est-il pertinent d’entrer dans son délire ?

Perplexe, car de deux choses l’une : soit le tribunal suit la conclusion de l’expert qui estime que c’est un délire qui conduit le fils à se penser victime depuis sa naissance d’une maltraitance constante de la part de sa mère, et à ce moment-là est-il judicieux, est-il pertinent, d’entrer dans son délire ? Soit le tribunal suppose qu’il a réellement été maltraité pendant 37 ans et dans ces conditions lui dire que ce n’est pas parce qu’on lui a fait « quelque chose » qu’il faut répondre, est une réponse lunaire. 

Un grand malade mental se tient dans le box

Du coup l’audience se trouve colorée une fois encore par une imperméabilité à ce qu’est la maladie mentale, et empesée d’une morale moralisante qui court les rues et les réseaux dits sociaux mais ne devrait pas avoir de place dans les audiences de jugement. Cela rend le spectacle encore plus affligeant. « Je suis calme, je suis gentil. – Vous êtes tellement gentil que le 18 juin vous avez jeté une casserole d’eau bouillante sur votre maman. – C’est la seule fois ! – C’est la fois de trop, monsieur ! »

La mère n’écarte pas une reprise de contact avec son fils

Bref. Maître Duquennoy intervient pour la mère qui n’écarte pas « une reprise de contact, dans un cadre qui la protègerait, mais pas tout de suite ». 
Là-dessus la substitut du procureur requiert une interdiction de contact de 10 ans entre la mère et le fils, ainsi que l’interdiction de son domicile. Elle requiert que le prévenu soit hospitalisé, car il est « extrêmement dangereux ». 
Maître Andali ferme la marche en plaidant que ces 10 années-là d’interdiction de se voir sont « excessives ». 

Le prévenu a la parole en dernier : « Je ne suis pas dangereux pour la société. C’est à cause de la maltraitance. J’ai explosé une fois et je ne recommencerai plus. » 
« Entendu » répond d’une voix pointue la présidente.

Hospitalisation et interdiction de tout contact avec sa mère pendant 5 ans

Le tribunal constate que le prévenu a commis les faits qu’on lui reproche, constate également qu’il n’est pas pénalement responsable, constate que ses « troubles nécessitent des soins et compromettent la sécurité des personnes », ordonne son hospitalisation complète au CHS de Sevrey.
Peines complémentaires : interdiction de détenir ou de porter une arme pendant 10 ans, et interdiction de tout contact avec sa mère - reconnue partie civile - pendant 5 ans, ainsi que de paraître à son domicile.

« Ça veut dire quoi ? demande le prévenu.
- Ça veut dire que vous allez retourner au centre pénitentiaire pour faire la levée d’écrou (elle ne se fait donc pas à l’UHSA de Lyon, semble-t-il - ?-, ndla) et ensuite le personnel de Sevrey va venir vous chercher et vous emmener à l’hôpital.
- Mais c’est quoi ? Une HDT ?
- C’est une hospitalisation complète, donc, là, vous allez voir avec les médecins. »

FSA

* http://www.ch-le-vinatier.fr/annuaires/poles-et-services/unites-657/uhsa-179.html?cHash=1e30b4af0d3ce45cb14b2ac0c16cc209