Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Rue Pasteur, le revendeur de drogues avait une petite affaire qui tournait à plein régime

TRIBUNAL DE CHALON - Rue Pasteur, le revendeur de drogues avait une petite affaire qui tournait à plein régime

Le syndic de copropriété recevait trop de plaintes des locataires d’un immeuble sis rue Pasteur à Chalon : l’un d’entre eux reçoit des dizaines de personnes chaque jour, ce trafic est infernal. Le 31 mars dernier, le syndic signale le problème à la police.

Cocaïne, résine de cannabis, MDMA

Le 12 avril, première surveillance. On contrôle un homme qui quitte l’appartement désigné comme lieu de troubles. Bingo : il porte un pochon de 10 grammes de cocaïne. Pour se fournir, il passe par une boutique en ligne qui s’est installée sur la messagerie Telegram. Un menu détaille les marchandises - cocaïne, résine de cannabis, MDMA), les quantités et les tarifs. Soit vous appelez un 06 et on vous donne l’adresse, rue Pasteur, pour aller chercher votre commande, soit vous souhaitez être livré et alors c’est plus cher. 

Perquisition positive

Le 06 est au nom de X. Le 2 octobre, après feu vert du Procureur de la République, les policiers interpellent X. Il est placé en garde à vue et la police perquisitionne chez lui. Bonne pioche : outre une forte odeur de cannabis, on trouve 933 grammes de cocaïne, 128 grammes d’herbe de cannabis, 912 grammes de résine de cannabis, et 35 grammes de MDMA. On saisit également 5 plants de cannabis avec tout le matériel de culture nécessaire, et deux armes de catégorie D. 

Il avait demandé un délai pour préparer sa défense

Ce locataire particulier a 28 ans et une tête de chérubin. Il est jugé ce lundi 6 novembre en comparution immédiate. Le 5 octobre, il avait demandé un délai pour préparer sa défense : maître Nicolle est là. On lui reproche l’usage, la détention, l’offre ou la cession non autorisée de stupéfiants, du 1er février au 2 octobre 2023. 

Il se considère comme « salarié », à hauteur de 250 euros par jour

En garde à vue, le mis en cause dit consommer du cannabis depuis 8 ans, dit que le téléphone est bien le sien mais il refuse d’en donner le code de déverrouillage (= une infraction supplémentaire). Les pieds de cannabis sont pour son usage personnel mais le reste ne lui appartient pas : il se considère comme « salarié », à hauteur de 250 euros par jour. Il dit avoir touché environ 10 000 euros (soit 40 jours de cette activité de revente de drogues, et non les 8 mois qu’il reconnaît). L’argent trouvé à l’appartement n’est pas le sien, dit-il : c’est le fruit d’environ une semaine de vente. Il refuse de donner le nom de son fournisseur, c’est quelqu’un « de Chalon », « bien connu », rapporte la présidente Noirot pour les assesseurs. 

« Je ne voulais pas qu’ils (les enquêteurs) remontent à la personne. J’ai vu de quoi ils (les trafiquants) sont capables »

« Je n’ai jamais vu la couleur de l’argent. J’ai cassé un matériel (plus tard il concèdera que c’était une voiture) et on m’a demandé de rembourser 55 000 euros, en janvier 2023. J’ai dit qu’on pouvait s’arranger avec l’assurance, mais on m’a violenté, j’ai été forcé. On a pris mon téléphone, on a téléchargé Telegram. Je préfère ne pas préciser, par peur des représailles. Pourtant, je les ai remboursés. J’ai pas fait ça pour de l’argent, quoi. » Pourquoi refuser de donner le code de déverrouillage de son téléphone ? « Je ne voulais pas qu’ils (les enquêteurs) remontent à la personne. J’ai vu de quoi ils (les trafiquants) sont capables. »

« Quelle garantie vous donniez, pour ce trafic ? – Aucune »

Combien de clients par jour ? « Enormément. Entre 20 et 30 personnes, je pense. » Il dit aussi : « On m’a déjà tapé deux ou trois fois. Une fois j’ai essayé de me sauver, ils m’ont rattrapé. » La présidente observe que si on lui laisse 1 kg de cocaïne, c’est qu’on lui faisait « confiance ».
« Quelle garantie vous donniez, pour ce trafic ? demande un juge assesseur
- Aucune.
- C’est sur votre bonne mine ? 
- On profitait de moi. »
A son casier, 7 condamnations dont 5 pour usage de stupéfiants.

Début des réquisitions (une classe du lycée Mathias est dans la salle)

« Le trafic auquel monsieur se livrait était souterrain. Désormais, et c’est un élément qui aggrave la situation du trafic en France, grâce à ces messageries cryptées, c’est fait au vu et au su de tous. Ce supermarché en ligne est compliqué à démanteler, on ne peut pas intercepter les messages, les comptes sont anonymes, la plupart des lignes téléphoniques aussi. » 

« Des matières toutes plus dangereuses les unes que les autres »

Angélique Depetris, vice-procureur, poursuit ses réquisitions sur ce dossier : « Les quantités découvertes chez monsieur sont importantes, et des matières toutes plus dangereuses les unes que les autres. » Elle trouve le ton du prévenu bien monocorde pour quelqu’un qui sait quels ravages les drogues entraînent. 

« Il n’est pas la tête de réseau »

« Et il n’a pas voulu s’extraire du trafic. Il s’est qualifié de ‘salarié’ pour 250 euros par jour. Il a donc apporté volontairement son concours. Il dit qu’il a cassé ‘un bien’ et qu’il fut contraint, mais il donne ces explications aujourd’hui, soit un mois après son interpellation. Et quand bien même, qu’est-ce que ça change ? Il n’est pas la tête de réseau, ça c’est sûr. » La procureur requiert la peine de 4 ans de prison et la confiscation des scellés. 

« Il a emprunté une voiture sans avoir conscience de à qui elle appartenait »

C’est le tour de la défense. Maître Nicolle plaide pendant 35 minutes et consacre les 15 premières à vouloir démontrer ce que la procureur vient de dire : le prévenu n’est pas à la tête d’un réseau. Puis, « il n’a pas eu le choix ». « Il a emprunté une voiture sans avoir conscience de à qui elle appartenait. On sait que la contrainte et les représailles existent. » « Il est encore jeune, il a un entourage familial. Il doit quitter Chalon. » L’avocat plaide la peine, dit qu’une interdiction de paraître dans le département serait « une bonne chose » pour son client.

3 ans

Le tribunal déclare le revendeur de la rue Pasteur, coupable, et le condamne à la peine de 3 ans de prison. Maintien en détention. Confiscation des scellés (soit tout ce qui a été saisi). 

FSA