Opinion

LOUP EN SAÔNE ET LOIRE - L'association Ferus réagit et appelle à être présente aux réunions des services de l'Etat

 

 

Lettre ouverte de l'association FERUS à Monsieur le Préfet de Saône-et-Loire

 
Les associations de protection de la nature (APN) nationales et régionales sont préoccupées par la politique de gestion des problèmes relatifs aux prédations lupines en Saône-et-Loire. 

Alors que le nouveau Plan National d’Actions (PNA) Loup et activités d’élevage 2024-2029 a été annoncé en septembre et que la situation est toujours tendue dans le département, aucune initiative n’a été prise par les services de l’État pour réunir toutes les parties prenantes autour d’une table de discussion. 

Les réunions qui ont lieu se font soit en urgence, soit en petit comité, et toujours sans les APN, malgré la demande commune de certaines d’entre elles au printemps 2023 qui a débouché sur un Comité départemental loup (CDL) en juin. Depuis, d’autres réunions ont eu lieu, mais nous n’y avons jamais été conviés.

Cela pose plusieurs problèmes : 

Notre seule voie d’information sur ce qui se passe et se décide dans le département nous vient des médias. L’information y est donc forcément biaisée, non pas qu’elle soit fausse, mais les journalistes, n’étant pas des spécialistes du loup ou de l’élevage, doivent faire des choix lors de la rédaction des articles et, bien souvent, ne garder que les décisions phares, ce qui nous mène parfois à des questionnements, voire nous pousse à penser que des décisions sont prises sans tenir compte de la réglementation actuelle. 
Notre voix ne peut se faire entendre que via des communiqués de presse ou des courriers/e-mails officiels, comme ceux qui ont été envoyés par les associations Ferus et FNE il y a quelques jours, en réaction aux divers articles parus dans les médias régionaux. Ceci n’améliore pas les relations entre les parties prenantes et ne permet pas un débat sain et serein. 
Contrairement à d’autres départements comme la Côte d’Or, aucune donnée officielle ne nous provient de la DDT lorsqu’il y a des attaques ou lorsque des décisions sont prises. Nos réactions se font donc dans un contexte opaque, ce qui engendre des malentendus dommageables qui font perdre du temps et de l’énergie à tout le monde.

Au-delà de ces problématiques d’ordre pratique, nous souhaitons réagir quant à la dernière réunion qui a fait grand bruit dans les médias locaux (notamment Info-Chalon, le JSL et le Bien Public). Au-delà des propos outranciers tenus par certains élus, qui ne font qu’attiser les tensions, le dernier paragraphe de l’article d’Info-Chalon du 10 novembre 2023 intitulé Le loup en Saône-et-Loire… « Ça suffit, il va falloir arrêter les conneries… ! » nous pose sérieusement question. En effet, le journaliste écrit : « le Préfet a fixé l'élaboration d'une action majeure dont les contours devraient être connus la semaine prochaine. L'idée étant d'isoler les troupeaux, de se servir d'un certain nombre comme des appâts et de mettre en protection les autres. Une action qui ne pourra se faire qu'avec la pleine et entière participation de tous les acteurs. De toute évidence, les jours sont comptés pour le prédateur... ».

Nous comprenons que, lors de cette réunion mouvementée, les services de l’État ont été poussés dans leurs retranchements par des élus visiblement fort virulents sur la question des prédations récentes, au point que M. le Préfet en soit arrivé à de telles conclusions.

Toutefois, personne n’est censé ignorer la loi, et encore moins les élus et les représentants de l’État. De fait, l’utilisation d’appâts pour abattre une espèce protégée est strictement interdite, n’en déplaise aux élus présents lors de cette réunion.

Nous souhaitons aussi porter à votre attention que tuer le(s) loup(s) présent(s) sur le territoire ne changera strictement rien à la situation.Cela a été prouvé par des décennies de situations similaires plus à l’est. Les attaques se calmeront certes pendant quelques semaines, mais des loups finiront par revenir, et si rien ne change en matière de protection des troupeaux, l’histoire se répétera : stress pour les éleveurs, stress pour les troupeaux, tension croissante au sein du département. On en fait l’amère expérience depuis quelques années en Saône-et-Loire, mais visiblement, aucune leçon n’en est tirée.

La solution pérenne et sur le long terme pour réduire les attaques est de mettre en place des mesures de protection efficaces. Elles sont connues, nous nous efforçons sans cesse de les rappeler à tous les CDL.

Au-delà de ces protections physiques, de nombreuses autres solutions existent : études de vulnérabilité, évolution des sélections génétiques, changements des conduites d’élevage, etc. L’Agence Régionale de la Biodiversité de Bourgogne-Franche-Comté travaille d’ailleurs sur la question et met à disposition des éleveurs M. Frank Müller, ancien éleveur lui-même, qui propose ses services de médiation et de diagnostics de vulnérabilité.

Il est vrai que ces solutions ne sont pas miraculeuses (le zéro prédation n’est pas possible) et se mettent en place sur le temps long, mais nier le fait que les loups sont une réalité territoriale et écologique avec laquelle nous devons tous à présent composer, c’est leurrer les éleveurs et les soumettre à toujours plus de nuits blanches dans le stress de savoir si les troupeaux seront toujours là au petit matin.

Lorsque la grêle arrive, les arboriculteurs protègent leurs vergers et ne tirent pas sur les nuages orageux : les canons à grêle sont en effet des réalités d’un autre temps, au vu des problèmes qu’ils engendraient. Lorsque les maladies arrivent, les éleveurs eux-mêmes protègent leurs troupeaux grâce aux vaccins. Il serait donc temps d’accepter que les loups reviennent toujours, et qu’à moins d’éradiquer la population entière du continent — ce qui n’arrivera jamais —, la gestion de l’espèce uniquement par les tirs ne change rien.


C’est à l’État qu’il revient d’anticiper ces problématiques et de permettre aux éleveurs d’être plus sereins, et nous ne pouvons donc que nous désoler de voir que le nouveau PNA ne répondra pas à ces nécessités. Les associations signataires ne s’opposent pas à l’élevage, elles s’opposent aux décisions qui manquent de bon sens et elles souhaitent voir respecter les lois, tout en tendant la main à toutes les parties prenantes pour un dialogue constructif et une entre-aide toujours plus efficace. Or, cela ne peut se faire que si nous sommes, nous aussi, invités aux réunions que les services de l’État organisent.

Enfin, nous lisons ici et là que dans ces moments de doute, « on n’entend plus les écologistes ».

Entendez-nous. Invitez-nous à ces échanges. Nos positions n’ont jamais varié. Nous ne faisons que répéter, encore et encore, las, il faut bien le dire, les mêmes choses depuis des années. Jamais contre les éleveurs. Toujours pour la coexistence. Nous ne faisons que tendre des mains, et nous continuerons de le faire autant qu’il faudra, car nous pensons que l’invective et la violence ne peuvent qu’aboutir à un échec collectif.