Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Vols dans le magasin qui les employait à Louhans : ils sont relaxés

TRIBUNAL DE CHALON - Vols dans le magasin qui les employait à Louhans : ils sont relaxés

« On a des magouilles, oui ! Mais ces magouilles, si vous reprenez la citation, ne sont pas poursuivies. Or le tribunal est lié par la citation (c’est-à-dire ne doit juger que sur les faits que décrit la citation), et les faits ne sont pas avérés. Donc je vous demande une relaxe. » 
Maître Marraud des Grottes (barreau de Lons le Saunier) plaide comme sur du velours, ce vendredi 15 mars, à l’audience correctionnelle du TJ de Chalon.

Pourtant l’affaire a fait du bruit à Louhans : deux vendeurs de prêt à porter masculin, employés depuis plus de 40 ans par « le plus grand magasin de confection de la ville » plaide maître Grenier-Guignard pour la partie civile, ont été licenciés en 2021, après que leur employeur a découvert qu’ils volaient.

En mars 2021 la gérante de la SARL écrit au procureur de la république pour dénoncer les agissements de ces employés. La gendarmerie entend chaque homme, visionne les images des caméras de vidéosurveillance du magasin, mais c’est la gérante elle-même qui va fournir le fruit de ses investigations et les projections de son expert-comptable pour estimer un préjudice matériel.

Rumeurs, ragots et blessures afférentes

Son avocate plaide aussi un préjudice moral : « Quand cette affaire va éclater, ça va être très pénible pour madame (la gérante), car ‘on’ (= un des vendeurs renvoyés) a fait passer le patron pour un malhonnête qui vire ses employés sans raison, ‘on’ a dit qu’on irait aux prud’hommes… Les retours de ragots sous les arcades, c’était ça ! Faire courir ces bruits a porté préjudice à la gérante et au magasin. Il y a une atteinte à l’image de la société. L’un des prévenus a répandu des rumeurs. Ces deux-là n’ont jamais saisi le conseil des prud’hommes, et pour cause ! »

Les trois heures d’audience vont faire pschitt : les hommes, nés en 1957 et en 1960, retraités aujourd’hui, ont à répondre d’escroquerie (donc d’avoir trompé la société qui les employait) mais ne reconnaissent que des « magouilles » comme ils disent, au préjudice de … clients !

Etiquettes interverties (article vendu plus cher et on empoche la différence quand on est payé en espèces), prix d’articles soldés majorés (et on empoche la différence quand on le peut), les prévenus reconnaissent ces faits, mais du coup le préjudice est inférieur à celui estimé par la SARL, et puis de toute façon, la prévention ne vise pas le vol de clients… donc même s’ils reconnaissent, le tribunal ne peut pas les condamner pour ça.

« Ils volent bien la société ! » - « Oui, mais il faut le démontrer » 

La gérante explique, à la barre, les différentes malversations qu’elle a mis au jour et insiste sur ce fait, capté par des caméras de surveillance : les deux employés ont volé chacun un billet de 50 euros qu’ils avaient laissés en caisse la veille au soir. « Dans la caisse il y avait l’étiquette d’un gilet à 99 euros. » 
Autre procédé : « Prenons un produit à 250 euros, soldé à 150 euros : le client paie 150 euros et les vendeurs mettent qu’il a payé 120 euros. Donc ils volent bien la société ! » Réponse de la présidente : « Oui, mais il faut le démontrer. »

Les euros de retouches (ourlets, par exemple) volés, le sont, eux, au préjudice de la société et c’est pourquoi la substitut du procureur demande la requalification des faits, en abus de confiance… La défense renvoie le parquet à relire la citation, rappelle au tribunal qu’il est lié par ses termes, demande la relaxe. « Ils ont magouillé, effectivement, mais uniquement au détriment des consommateurs. » Les prix trafiqués sur les étiquettes, et puis les interversions d’étiquettes, « c’est ça, les magouilles réalisées par ces ceux-là ».

Relaxés - « Juridiquement, les faits ne sont pas caractérisés » 

Le tribunal prononce la relaxe des prévenus – « Juridiquement, les faits ne sont pas caractérisés » -, rejette par conséquent les demandes de la partie civile, effondrée par cette décision. 
Un des prévenus ne retient pas un geste provoquant : il claque bruyamment des mains pour saluer l’issue de ce dossier et de cette histoire qui évoque une histoire de famille explosant sous la charge des rancœurs, trahisons et déchirements, et d’une prévention mal ficelée dès le départ.

FSA