Culture

Bernard et Serge, deux types limités mais attachants

Bernard et Serge, deux types limités mais attachants

Les magnifiques duettistes Michel Leeb et Francis Huster, deux faire-valoir, ont dans la comédie « les Pigeons », fait ressortir leur inaptitude à se tirer d’affaire. Le niveau supérieur, hélas pour eux, n’est qu’un rêve vaguement approché…

Ce dimanche en matinée, l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône avait tous ses sièges occupés, un rite inévitable, quoi ! On en était à l’avant-dernière parade distractive de haut vol des très enracinées Théâtrales pour l’exercice 2023-2024, et leur succès s’inscrit dans la continuité. Valant principalement par les pointures Leeb (il signe ici sa première pièce en qualité d’auteur)-Huster, des acteurs à la robustesse qui n’a que faire des décennies qui se consument les unes après les autres, et aux caractéristiques complémentaires, la comédie a emprunté des parcours sinueux.

Bernard (Michel Leeb) et Serge (Francis Huster), sont deux pauvres êtres en déshérence tout juste bons à faire de la figuration, et encore, dans ce qu’elle a de plus ingrat et superficiel. Ils sont bien pires que des seconds couteaux, et c’est là leur drame. Alors ressassent-ils à longueur de temps, l’âge aidant, leurs « faits d’armes » respectifs. Dépités, piqués au vif, aigris, libèrent-ils des propos acides au moment d’évoquer leurs pathétiques souvenirs réciproques. Bernard, trouble-fête, joyeux drille, à la moralité pas vraiment au-dessus de tout soupçon, se frotte à son vieil ami Serge, la ferveur faite homme, beau parleur, au style académique. Le jour et la nuit en somme. Même amis, à l’occasion ils se cherchent des noises, puis la tension se dégonfle. Les vieux de la vieille n’allaient quand même pas s’écharper !

Mais quand une réalisatrice (Chloé Lambert) leur soumet un casting avec enfin un rôle digne de ce nom, la situation se décantera-t-elle enfin au profit de l’un…ou de l’autre ? Que nenni ! Pièce supplémentaire au dossier, les instants d’insigne faiblesse de Bernard, lequel a entretenu par le passé une relation coupable avec elle…tandis qu’officiellement la liaison de la femme légère avec Serge, cependant chaotique, était en vigueur à l’époque…Quel méli-mélo mes aïeux ! Attraction supplémentaire, la survenue du vrai-faux auteur de la pièce (Philippe Vieux), un allumé de première qui essaie tant bien que mal de remettre l’église au centre du village, mais avec des fortunes diverses. D’autant plus que les personnages, soucieux de secouer le joug de l’autorité, se rebiffent méchamment…La rébellion avançait à visage découvert. Histoire de mettre tout le monde d’accord, la fin se voulait apaisante, conférant, contre toute attente, une dimension philosophique.

Confondante, à l’intrigue haletante spécialement à mi-chemin, la comédie aura étalé son lot de surprises, et l’addition des talents, conclu de manière magistrale les interactions. Subtilement conduite, elle a engendré le rire récurrent aux moments opportuns, le meilleur acquiescement qui soit.

                                                                                                     Michel Poiriault

                                                                                                     [email protected]