Pour ou contre le Diplôme d’État (DE) obligatoire pour les professeurs de Hip-Hop, Info-Chalon a recueilli les avis des acteurs du territoire
Publié le 06 Avril 2024 à 09h18
Le Hip-Hop a toujours eu une place importante dans notre ville où il est solidement implanté grâce à des acteurs passionnés et investis, devenus incontournables. Alors POUR ou CONTRE ?
Année importante pour le hip-hop grâce au breakdance qui fait son entrée comme discipline olympique, le texte adopté par les Députés rendant le Diplôme d’Etat obligatoire pour tous les professeurs de danse, incluant les enseignants de hip-hop, a créé la polémique. Les acteurs du territoire nous donnent un éclairage et leur avis sur la question. Mais tout d’abord, petit retour en arrière… et pour ce faire, nous avons demandé à Rachid Kassi de nous expliquer comment le hip-hop s’est implanté à Chalon-sur-Saône.
Qui ne se souvient pas de l’émission télévisée H.I.P. H.O.P. dédiée à la culture Hip-Hop
« Le hip-hop prend naissance à Chalon-sur-Saône en 1984 avec l’émission de Sidney », nous explique Rachid Kassi avant de poursuivre : « On pensait que c’était un phénomène de mode. Il a pris racine plus particulièrement sur le quartier Stade Fontaine Aux Loups et dans les cours d’école où les jeunes reproduisaient ce qu’ils avaient vu à la télévision. Même si la diffusion de l’émission prend fin assez vite, nous, on ne s'est jamais arrêté (rires). En 1986, on note une baisse de la pratique mais dès 1990, ça repart grâce à des jeunes venus de la région parisienne. L’année d’après avec Karim et Nejb (Petit Renard), on crée Génération Ghetto. En 1994, un collectif hip-hop avec la Cie Sobedo se produit à l’Espace des Arts. Deux ans après, nous participons aux rencontres nationales de danse de la Villette et puis ensuite c’est parti en flèche et on organise nos premiers ateliers à la Maison de Quartier Stade Stade Fontaine Aux Loups. Des danseurs ont marqué l’histoire, le directeur artistique de Pockemon Crew est originaire de Chalon, Karim de Chalon, Abderkader Ben Abdallah, rencontrent une renommée qui dépasse notre territoire. On a la chance d’avoir des groupes de petits jeunes très actifs, Univers-cité, Ghetto Family, Flex Impact, TsN, Atypik-Crew… Chalon a toujours eu une histoire d’amour avec le hip-hop - petite ville mais grande histoire. Avec ‘Espace de Rue’, le milieu du hip-hop a su se construire avec sa ville. La formation professionnalisante de danseur-interprète hip-hop qui y est proposée est le fruit d’une collaboration entre Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône, le Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Chalon, le CNAREP, LaPéniche, le Service Jeunesse de la ville et avec le soutien du Conseil Départemental de Saône-et-Loire. C’est assez atypique tant de transversalité… cela nous permet d’avoir une proposition tout à fait intéressante et innovante. ‘Espace de Rue’ est une salle dédiée aux cultures urbaines mise à disposition et il y a beaucoup de projets qui naissent autour de cette salle. On privilégie le travail avec des chorégraphes, les danseurs entrent ensuite parfois dans leurs Compagnies. C’est très symbolique que l’on soit implanté là, entre l’Espace des Arts et la Maison des Sports. Tout d’abord parce que lorsqu’on dansait sous l’ancienne Rotonde de l’EDA ou sous l’abri de la Maison des Sports, on se faisait jeter parfois par les Forces de l’ordre. Aujourd’hui on investit ce lieu, ouvert sur la ville, grâce au projet de Nicolas Royer, Directeur de l’Espace des Arts qui nous a donné cette opportunité en 2020. Je veux souligner tout de même que c’est Philippe Buquet, le directeur précédent qui nous a fait entrer à l’Espace des Arts en 2002 et lui rendre hommage. Ici à Chalon-sur-Saône, on a notre histoire ; les JO, c’est bien pour la visibilité et les retombées mais ça ne concerne que 2 ou 3 artistes. Le monde du hip- hop, lui, sur le terrain, continue de travailler. Pour moi, c’est un art, ce sont des artistes qui font du sport de haut niveau et rien ne peut fonctionner sans DJ, le beatboxer… »
Les professeurs de hip-hop sont-ils réticents au texte adopté par les Députés ?
Loin de là, bien qu’une pétition ait recueilli bon nombre de signatures. Mais pour Rachid Kassi, la pétition peut être tronquée, signée par des professeurs et danseurs d’autres disciplines. « Qui dit que ce sont toutes des signatures issues du monde du Hip-Hop ? » nous explique-t-il, difficilement impressionnable et de poursuivre : « Je pense qu’ils sont réticents parce que bien souvent ils n’ont pas connaissance de tous les tenants et aboutissants. Ce n’est pas la première fois que l’on tente de modifier le statut des professeurs Hip-Hop et sincèrement, moi, j’étais aussi ‘contre’ au début. Tout se joue sur la terminologie de ‘professeur’. Aujourd’hui, il faut avancer, il faut savoir que ce sont des acteurs hip-hop qui portent cette démarche. Tant que ce sont des gens qui font partie de la culture hip-hop qui s’investissent pour son avenir et que ce ne sont pas des gens d’autres esthétiques, ça me va. Ce texte ne touchera pas à la danse hip-hop à proprement parler car il ne s’agit pas de la codifier. Notre Ministre de la Culture, Madame Rachida Dati, a bien précisé que cela va permettre une reconnaissance d’État. C’était les profs de danse jazz qui jugeaient le hip-hop, ça va éviter ça. La formation sur 3 ans, accessible financièrement, va permettre aux danseurs de poursuivre ou reprendre des études, d’enseigner notamment la culture hip-hop. Je veux souligner que cette formation coûte beaucoup moins chère que les formations en écoles privées ; le DE va donc permettre une ouverture. Je peux comprendre ceux qui sont contre mais aujourd’hui il faut aussi penser aux acteurs hip-hop de demain. Ici, sur notre territoire où il est implanté depuis longtemps, où les Classes à Horaires Aménagés Danse existent depuis 2012, où il y a une formation professionnalisante de danseur interprète hip-hop depuis 2021, c’est une suite logique car certains voudront poursuivre avec un DE. Précisons que ce texte fait aussi mention d’équivalence ou de dispense (4 années d’expérience sur les 10 ans, donnent accès à une dispense). Aujourd’hui, il y a plus d’avantages que d’inconvénients. Un cas concret : par rapport à un collègue qui enseigne aussi dans un Conservatoire, à parts égales, sans DE l'enseignant hip-hop est moins payé. J’ai aussi changé d’avis grâce à l’échange avec un collectif d’artistes hip-hop qui s’est déplacé sur Chalon pour échanger avec les acteurs de la Région. Cela a regroupé une cinquantaine de personnes, principalement des jeunes en fin de cycle en Conservatoire et des professeurs de Bourgogne Franche-Comté. Ils ont fait la démarche de venir nous voir alors que ceux qui sont contre ne l’ont pas forcément faite. Honnêtement, je ne pense pas à moi, mais je pense aux autres et à plus tard. Le DE va permettre aux jeunes notamment d’avoir des connaissances sur l’histoire de la danse, du hip-hop et donner une égalité pour tous et de pouvoir reprendre des études pour certains, c’est valorisant même si ne pas avoir de diplôme n’empêche pas d’enseigner. Je rêve que des jeunes du quartier disent à leurs parents : "Papa, maman, je reprends mes études, je veux être professeur de danse", car à mon époque donner des cours, pour mes parents, n'était pas un métier".
Pour Corentin, professeur de danse Hip-Hop et membre actif du groupe Atypik-Crew, le Diplôme d’État va ouvrir une nouvelle ère pour le monde du hip-hop : « J’espère qu’il apportera plus de clarté à notre discipline fraîchement olympique ». Jérémy Pirello (Jey), activiste passionné de la culture Hip-Hop depuis les années 90 explique : « J’ai donné les premiers cours en 2003 dans diverses structures culturelles et sociales. En 2012, je mets en place le premier cursus danse hip-hop de France au sein des Conservatoires. Depuis, je travaille à plein temps au Conservatoire à Rayonnement Régional du Grand Chalon. Nous avons délivré les premiers DEC (Diplôme d’Études Chorégraphiques) en danse Hip-Hop. Il était pour moi logique d’avoir cette suite, avec un DE un avenir plus sûr pour nos jeunes passionnés et une considération des institutions pour notre pratique ».
Quant à Florian Chalumeau, Directeur artistique et chorégraphe de la Compagnie Flex Impact, enseignant danse hip-hop depuis 2011 au sein des écoles de danse et associations de Saône-et-Loire et à l’initiative de l’école IMPACT SCHOOL URBAN DANCE à Chalon-sur-Saône et du premier Pôle Compétition BREAKING en France, il explique : « Dans un monde où la danse hip-hop a évolué d'une expression culturelle de rue à une forme d'art mondialement influente, il est temps de lui accorder la reconnaissance qu'elle mérite. La mise en place d'un diplôme d'État en danse hip-hop représente bien plus qu'une simple formalité administrative ; c'est un acte de valorisation essentiel pour cette discipline dynamique et diversifiée. Premièrement, l'introduction d'un tel diplôme élèverait le statut du professeur de danse hip-hop. Actuellement, de nombreux enseignants brillants et passionnés transmettent leur savoir-faire sans reconnaissance officielle, ce qui limite leur potentiel de carrière et nuit à la professionnalisation de l'enseignement de la danse hip-hop. Le diplôme d'État permettrait de standardiser les compétences et les connaissances requises pour enseigner cette forme d'art, offrant ainsi aux professeurs une légitimité institutionnelle et une crédibilité accrue. Deuxièmement, la reconnaissance officielle de la danse hip-hop par le biais d'un diplôme d'État envoie un message fort quant à la valeur de cette discipline dans notre société. Bien plus qu'un simple divertissement, la danse hip-hop est un véhicule de créativité, d'expression personnelle et de connexion sociale. En lui accordant un statut éducatif formel, nous reconnaissons son importance culturelle et artistique, et nous encourageons son développement continu au sein de notre société. En outre, la mise en place du diplôme d'État en danse hip-hop ouvrirait de nouvelles voies d'évolution pour la discipline. En offrant un cadre éducatif structuré, cette initiative stimulerait la recherche, l'innovation et la diversification dans le domaine de la danse hip-hop. Elle favoriserait également l'émergence de nouvelles générations de danseurs et d'enseignants compétents, contribuant ainsi à pérenniser et à enrichir cette forme d'art pour les décennies à venir. Pour conclure, la mise en place du diplôme d'État en danse hip-hop est une étape cruciale vers la reconnaissance et l'évolution de cette discipline au sein de notre société. En valorisant le titre de professeur de danse, en reconnaissant l'importance culturelle de la danse hip-hop et en ouvrant de nouvelles voies d'évolution, cette initiative permettra à cette forme d'art dynamique de s'épanouir pleinement dans notre monde moderne. »
POUR ou CONTRE, le monde du Hip-Hop restera uni
Le mot de la fin revient à Rachid Kassi : « Qu’on soit pour ou contre, respectons nous et restons unis. Ceux qui sont contre ont des raisons et bien que ces raisons puissent être valables, nous concernant, nous sommes, de par notre histoire et par rapport au public qu’on touche dans notre région, POUR ».
SBR - Photos transmises par Rachid Kassi pour publication.
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