Chalon /autour de Chalon
Gilbert Montagné annonce la couleur : l’embrasement général de Chalon !
Par Michel POIRIAULT
Publié le 20 Avril 2024 à 19h04
Avec Gilbert Montagné aux commandes, c’est l’assurance d’une soirée durant laquelle la joie de vivre, l’exubérance, le punch, se montreront à leur avantage. Comme le samedi 25 mai à 20h30, en plein air au théâtre de Verdure de Chalon. Interview pour info-chalon.com
Des places sont encore à saisir
Tarif unique : 34,20 euros. Placement libre. Billetterie à l’Office de tourisme de Chalon-sur-Saône (4, place du Port Villiers, 03 85 48 37 97), ainsi qu’aux points de vente habituels. A noter qu’en cas d’intempéries un plan B prendrait effet : le spectacle se déroulerait à deux pas, au Parc des Expositions.
Alors, « On va s’aimer » le samedi 25 mai à Chalon-sur-Saône ?
« Ah oui, ça c‘est sûr ! J’adore cette région. Je ne suis pas très, très loin, je suis Bourbonnais, je suis de l’Allier, vers Moulins. En fait, les Montagné, nous sommes Bourbonnais depuis 1620, et donc je n’étais pas là, je n’ai pas pu venir ! C’est une région de France que j’affectionne beaucoup, Chalon-sur-Saône c’est la Bourgogne, ça me fait très plaisir de m’y rendre. J’ai commencé en 1971, et laissez-moi vous dire que chaque spectacle est important, chaque concert est important. Je n’ai jamais été blasé ou habitué, au contraire. Pour moi, le challenge c’est de mettre le feu. Normalement on a un public très chaud, et la scène c’est ce que je préfère. Vraiment. Alors on a une équipe de sept musiciens, une rythmique, et puis trois chœurs, avec les lumières, le son. On est une équipe de quatorze personnes au total. Ce qui est merveilleux, c’est que pour certains de mes musiciens nous jouons ensemble depuis vingt ans, carrément. Donc, il y a une compatibilité, une osmose, très fortes, parce qu’on se connaît bien. Ca me donne une confiance, dans le sens où je sais très bien qu’ils regardent mes signes, parce qu’on a des petites conventions bien sûr que j’envoie. Ca me donne une liberté en fait, c’est-à-dire qu’on a évidemment un canevas établi de titres, et la moindre des choses que je dois au public, c’est de jouer tous les titres qu’il a transformés en succès. Mais je peux intervertir, il peut me prendre que j’aie envie de jouer ça plutôt qu’autre chose. C’est génial, je suis en train de vous parler, et j’anticipe ce moment du 25 mai. Ca va être vraiment bien. »
Le phénomène années 80 qui s’étire en longueur, est-ce que ça vous surprend plus que sa renaissance ?
«En réalité je n’ai pas attendu après ce phénomène, car j’ai toujours fait mes concerts dans le monde entier. Je crois, si on voulait trouver une réponse à la question, que ce sont des mélodies que les gens peuvent chanter. De nos jours, il n’y a pas finalement tellement de mélodies que les gens peuvent chanter, me semble-t-il. Je pense que c’est pour ça que ça dure, je trouve ça vraiment bien. Je n’ai jamais accepté de faire les tournées « Stars 80 », etc., j’ai beaucoup de respect pour ça, mais il aurait fallu que je chante trois-quatre chansons, et ça, ça m’ennuierait, ça me frustrerait trop. J’aime bien faire mon show : deux heures moins vingt, deux heures moins le quart, une heure et demie…On ne compte pas, on n’a pas la pendule quand on est sur scène. »
Avez-vous le sentiment que ce que vous avez créé avant et après est un peu délaissé ?
« Non, dans la mesure où « The fool » est la première chanson que les gens ont connu, même les plus jeunes maintenant connaissent ça. Il est vrai que ce qui a beaucoup frappé, c’est « Les sunlights des tropiques » notamment. Ce qui est merveilleux, c’est que c’est toujours joué partout, dans toutes les fêtes, et ça c’est un beau cadeau que me fait le public. J’adore le public, les gens, ça m’intéresse beaucoup, car j’ai une devise : tout le monde est différent et important. Sauf preuve du contraire, tout le monde mérite de l’attention. C’est comme cela que je fonctionne et que je me sens bien. En même temps que je fais mon show je perçois le bruit des mains des hommes, des femmes, des enfants, qui n’est pas le même. »
D’où vient votre formidable enthousiasme qui enlumine vos chansons ?
«Je ne sais pas. En fait, là aussi, si je voulais chercher une réponse que je n’ai pas véritablement, je crois vraiment en la vie, j’adore la vie, terrestre, et même celle d’après. Quand je suis né j’étais un grand prématuré, j’allais mourir…Je pense que dès le début, dans ma couveuse, j’ai voulu m’accrocher à la vie. J’ai voulu rester. J’aurais pu ne pas rester. Je ressens ça. Pour être clair, les gens pensent parfois que les non-voyants ne voient que ce qui est beau, mais pas du tout. Je vois très bien tout ce qui ne va pas, et je vois très bien tout ce qui va bien. C’est vrai que je m’attache plus à ce qui va bien, et au fait que ce qui ne va pas est là pour que ça aille mieux, que ça s’arrange. Ca, ça m’intéresse. »
Et votre humour communicatif ?
(rires) « Alors là je ne sais pas du tout, je m’amuse beaucoup, et je m’éclate. Voyez-vous, je ne me suis jamais forcé quand je fais des traits d’humour, c’est parce que ça m’amuse. Je suis né à Ménilmontant, je viens d’un quartier populaire où sont nés Piaf, Chevalier, etc. Personne n’avait d’argent, on n’avait pas de voiture, on n’avait rien, mais ce n’était pas grave, on était très bien. Nous étions quatre enfants dans un petit appartement. Dans le quartier, dès l’âge de 7-8 ans, j’aimais aller faire les courses, ce ne sont pas mes parents qui m’obligeaient, ils ne voulaient pas que j’y aille. Donc je prenais ma canne et je faisais deux-trois trucs dans le coin, les gens qui me voyaient passer c’était avec un humour à la Ménilmontant, j’étais déjà très connu. Pour moi, être non-voyant n’a jamais été un problème, je ne vois pas ça comme un handicap, parce que j’ai été livré avec dès le début. Voir comme je vois, c’est ma normalité, mais je n’ai pas le mérite qu’ont les gens qui ont perdu la vue plus tard dans leur vie. Je les admire beaucoup, car ils ont dû surmonter pas mal de problèmes. Je n’ai rien eu à surmonter, c’était normal, c’était comme ça. Mon père était un ouvrier, il était chef-traceur en charpente métallique, a dit qu’il allait m’élever comme les autres, et puis voilà. Mes parents n’avaient pas le bouquin livré avec. Quand vous débarquez comme ça dans une famille, au début ça devait être quand même très dur pour eux, en tout cas pas facile. Mais pour moi c’était facile (rires), ça allait bien déjà, et j’avais la chance d’avoir une vie sociale très riche dans mon immeuble, parce que j’avais sur le même étage deux autres appartements où je pouvais aller vraiment n’importe quand, voir les voisins-voisines. Je vous parle de ça, parce que tout ça a favorisé mon envie de communiquer, mon sens de la communication, j’adore ça. Pour revenir à des choses plus actuelles, que l’on chante devant 5000, ou 50 000 personnes comme ça m’arrive encore, comme je le disais, eh bien l’important c’est de mettre le feu, de faire ressentir au public son importance. C’est merveilleux de pouvoir faire ce qu’on fait. L’idée c’est que le public me mettra à la retraite, ce n’est pas la retraite elle-même. Tant que les gens me voudront je serai là. »
D’après vous le succès d’un titre dépend-il davantage de la mélodie, du texte, ou d’une alchimie inexplicable ?
«Je pense que c’est ça, c’est inexplicable. Quand je compose, je ne prévois jamais le fait que je vais écrire. Les gens qui vous diraient : « Oui, oui, je me mets au piano et puis j’écris quelque chose », ce sont des conneries, parce que moi je préfère être ouvert à l’inspiration, c’est ça qui est magnifique, intéressant. Il y a deux choses passionnantes : le public et l’inspiration. L’inspiration on ne peut pas la prévoir, et j’adore quand ça arrive. Je ne m’y prends pas pendant des jours et des jours pour trouver une mélodie. Soit ça vient tout de suite, soit ça ne vient pas. C’est comme ça que je fonctionne. « The fool » je l’ai écrit dans l’Allier, sur un petit chemin. Je n’avais pas de piano, rien du tout. Je me promenais, car j’aime bien me promener seul à la campagne, et puis un petit oiseau a commencé à chanter, c’était au printemps. Je suis parti des trois notes de l’oiseau, et la mélodie m’est arrivée instantanément. Mais le problème, qui n’en était pas un, c’est qu’il n’y avait rien pour enregistrer. Dans la maison de ma grand-mère il n’y avait point de piano (il prend alors l’accent du terroir NDLR), je ne pouvais point enregistrer. Ce n’était pas un problème, dans le sens où quand je suis arrivé à Paris la mélodie était restée dans ma tête. Parfois c’est angoissant lorsque l’on a une mélodie et que l’on ne peut pas l’enregistrer, on se demande si on ne va pas l’oublier. Mais maintenant avec le téléphone on peut enregistrer immédiatement, c’est quand même merveilleux. Comme je vous le disais, j’aime bien tout ce qui est communication, l’électronique. Quand j’étais môme, on n’avait pas de téléphone à la maison. Mon rêve c’était d’avoir le téléphone. C’est la première chose que j’ai achetée à mes parents quand j’ai commencé à travailler en tant que musicien. Dès l’âge de 12 ans, j’imaginais que l’on aurait des petits téléphones comme maintenant, j’en étais sûr; à l’époque on me prenait pour un dingue quand je disais ça ! Donc ça veut dire qu’on peut être non-voyant et visionnaire ! L’œil n’a pas le monopole de la vision. »
Aviez-vous rêvé la carrière qui est la vôtre ?
« Oui, je rêvais d’être sur scène, mais pas forcément devant. Ca veut dire que j’aurais très bien vécu si j’avais été musicien pour accompagner des gens. Très vite est venu quelque chose de naturel, c’est que je chantais et j’avais envie d’essayer de faire un disque. »
Quels rapports entretenez-vous avec votre piano ?
« Ah, c’est vraiment merveilleux : le toucher du clavier, c’est extraordinaire. Ils ont fait des formes différentes pour les touches blanches et les touches noires. Seulement pour moi ça ne fait aucune différence, je ne sais même pas ce que c’est que le noir. Je ne suis pas dans le noir, les gens pensent qu’on est dans le noir parce qu’on ne voit pas avec les yeux. Mais pas du tout, dans mon cas ce n’est pas ça. Donc c’est très beau un clavier à toucher. Je me rappellerai toujours de la première fois où j’ai touché un clavier, c’était quand j’ai commencé à apprendre, à l’âge de 5 ans. J’étais émerveillé par la sensualité d’un clavier quand on le touche, c’est fantastique. J’adore.»
Lorsque l’on est un artiste engagé, cela pose-t-il un problème vis-à-vis de vos fans qui ne partagent pas vos prises de positions ?
«Ca n’a jamais été un problème pour moi de dire ce que je pense. Je comprends très bien que l’on puisse ne pas penser comme moi, mais ce n’est pas grave. Et moi ça ne me dérange pas que je ne pense pas comme d’autres personnes. Encore une fois, nous sommes tous différents et importants. »
La cause des non-voyants est-elle réellement prise en compte par les pouvoirs publics ?
« Oh, il y a encore du boulot ! Les pouvoirs publics sont comme beaucoup de gens, ils souffrent de cécité psychologique, et c’est pour ça que ça n’avance pas aussi vite qu’on le voudrait. Pour faire court, je suis très fier d’être à la source de ce que l’on appelle l’audiodescription. Quand vous entendez que ce film est projeté en audiodescription à la télé, eh bien j’ai fait ça. C’est-à-dire que j’ai consulté des présidents de chaîne, je les ai emmenés dans l’unique association qui, à l’époque, faisait ça. Ils m’ont dit : «Mais tu as raison, Gilbert, c’est vraiment bien, il faut le faire ». Et le premier programme en audiodescription sur France Télévisions ça a été le mien. C’était «Rendez-vous en terre inconnue », avec Frédéric Lopez. Quand il y a quelque chose de nouveau et d’intéressant, il ne faut pas que ce soit une exception, mais une généralité, et c’est ça que je veux. J’ai poussé l’idée dans les cinémas aussi, c’est important. Ca existe maintenant, avec le prêt d’un casque.»
Crédit photo : Jean-Marc Codron Propos recueillis par Michel Poiriault
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