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TRIBUNAL DE CHALON - Trafics de stupéfiants rue Jules Ferry, marques et moto dans le salon

TRIBUNAL DE CHALON - Trafics de stupéfiants rue Jules Ferry, marques et moto dans le salon

Ils sont partis en prison pour des peines de 12 à 30 mois. Deux des trois prévenus ont la vingtaine. Les trafics qu’ils menaient au 8 et au 12 rue Jules Ferry* ont pris fin mais leurs familles sont tendues, à l’audience, et ça s’est fini en règlement de compte rue du docteur Mauchamp.

C’était jeudi dernier, le 13 juin, à l’audience des comparutions immédiates. La colère, l’agressivité et le ressentiment étaient palpables dans la salle. Cyrielle Girard-Berthet, substitut du procureur, reviendra sur le détail de ce qui fut trouvé lors des perquisitions, et visiblement le coup du beau motocross dans le salon n’est pas passé. C’est que les prévenus n’ont aucun revenu – mise à part l’allocation pour adulte handicapé pour le plus âgé – en dehors de ceux que la revente de produits stupéfiants pouvait leur rapporter.

« Perturbateurs » de la tranquillité, suspicion de trafic

L’enquête a démarré suite à plusieurs signalements de « perturbateurs » dans le hall du 8 rue Jules Ferry. Suspicion de trafic. La police surveille aux abords, dès septembre 2023. La police surveille, et elle contrôle. Un premier consommateur de cannabis, fraîchement pourvu, cause un peu : on passe sa commande via Snapchat, puis on vient dans le hall et quelqu’un vous descend ce que vous avez commandé.

Une moyenne de 8 à 9 transactions par jour

Etape suivante : les policiers recherchent tous les contrôles effectués dans cette rue au cours des mois précédents. L’enquête progresse. Tapissage : un témoin reconnaît l’un des futurs prévenus. Cela conduit les policiers au numéro 12. 
Puis on passe aux interceptions des communications. D’un mois d’écoutes, il ressort, entre autres, une moyenne de 8 à 9 transactions par jour. L’envoi d’un SMS à un groupe, prévient tout le monde de l’ouverture du point de vente et des produits disponibles. D’un côté on vend du cannabis, de l’autre, de la cocaïne.

« T’as bien mis le petit au charbon ? »

Les enquêteurs recensent les clients, constatent qu’en dépit de leurs jeunes âges les dealers trouvent à se servir de plus petit qu’eux (« T’as bien mis le petit au charbon ? »), entendent qu’on demande des bombes de peinture pour aveugler les caméras (préjudice OPAC). 
La présidente Noirot donne ainsi lecture complète de toute la procédure qui conduit à interpeller quatre personnes début mars 2024, dont un mineur, jugé la semaine précédente.

Dans ce milieu aussi on aime les marques

Les perquisitions donnent de la drogue, des balances, des emballages, de l’argent (plus de 3000 euros en espèces), un sac Vuitton et des vestes de marque (ce goût, cette appétence pour lesdites marques laisse songeur, on le trouve dans des milieux aisés de la population, c’est donc un marqueur – un marqueur de marques, bon), batte, poing américain, couteau, et le fameux motocross trônant dans un appartement dans lequel, à l’exception d’une chambre, règne un gros bazar.

« J’étais en ligne de mire et me suis retrouvé là-dedans »

Le prévenu le plus âgé est celui qui souffre de schizophrénie. Il sort peu de chez lui et dépanne son petit frère en remettant de la drogue à des acheteurs à l’occasion et en en vendant un peu aussi, mais il n’est pas un pion essentiel du système, à l’instar de son demi-frère assis à côté de lui dans le box. Le plus jeune décharge le plus âgé : « Mon frère n’a rien à voir du tout, sauf me rendre service. Mon frère est malade, il a des traitements, il est innocent. » Ce frère plus jeune incrimine pour lui-même « un mauvais entourage », « j’étais en ligne de mire et me suis retrouvé là-dedans ».

« A partir de là, c’est ni vous ni la justice qui allez me protéger »

Le jeune homme de l’autre point de deal reconnaît tout, y compris une dégradation de caméra (conteste l’autre). Il a refusé de donner les codes de déverrouillage de son téléphone : « A partir de là, c’est ni vous ni la justice qui allez me protéger. La personne concernée (le trafiquant au-dessus de lui) trouvait toujours un prétexte pour me coller une amende. Il ne faisait que l’augmenter et donc tout allait dans sa poche. Je sais que j’étais mal barré à ce moment-là… Cette personne-là, elle n’est pas toute seule, il y a un réseau, alors… Mais aujourd’hui je sais que j’ai été remplacé. »

« Ça a pourri la vie des habitants de la rue »

Sur la question de l’argent, des bénéfices, la procureur n’est pas d’accord du tout : ce trafic a rapporté beaucoup. De surcroît : « Personne n’a été contraint, ça ne ressort de rien. » Et puis : « ça a pourri la vie des habitants de la rue. » Elle requiert la même peine pour chacun : 3 ans dont 18 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans (y compris pour celui qui bénéficie de l’altération du discernement, car il a un casier gros de 20 condamnations), et des amendes allant de 10 000 à 20 000 euros.

La peine unique, c’est du nanan pour les avocats…

… qui plaident tous l’individualisation de la peine. Maître Diry parle d’une « forfaitisation de la réponse pénale », rappelle que le mineur jugé hier (encore un frère) n’a pas été incarcéré et qu’au final l’écart d’âge entre lui et celui de 20 ans n’est pas si important, n’est pas décisif. 
« Il est la cinquième roue du carrosse, plaide maître Lopez pour le prévenu le plus âgé. Il n’est pas intégré au trafic, c’est un remplaçant. Il faut mettre son cas à part.

« On sait que ce n’est pas lui qui est au-dessus. On aurait pu chercher qui »

« Il a 19 ans au moment de son interpellation, ce n’est pas un habitué de ces procédures, plaide maître Lépine. On sait que ce n’est pas lui qui est au-dessus. On aurait pu chercher qui, ça aurait été plus utile à la réparation de la société. Il vous l’a dit, ‘j’étais mal barré’ et il était soulagé d’être arrêté. Il a subi également les risques, c’est un jeune majeur. » Sur l’amende : « Est-il utile de lui mettre de tels bâtons dans les roues, une telle dette à sa sortie ? Il veut changer de région. »

Le tribunal individualise les peines – deux maintiens en détention 

Condamne l’un à la peine de 3 ans de prison dont 1 an assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans, obligations de travailler, de payer les sommes dues au Trésor Public, de réparer les préjudices (dégradations de caméras de surveillance), le tribunal révoque en outre 6 mois d’un sursis antérieur, ordonne son maintien en détention pour 2 ans et 6 mois. Interdiction de contact avec les autres. Amende de 5 000 euros.

L’autre jeune est condamné à la peine de 30 mois de prison dont 12 mois sont assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, obligations de travailler, de payer les sommes dues au Trésor Public, interdiction de contact avec un coprévenu (celui qui n’est pas son frère, en toute logique). Amende de 5 000 euros. Maintien en détention.

Le plus âgé, sous curatelle, est condamné à la peine de 2 ans de prison dont 1 an assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de soins, de payer les sommes dues au Trésor Public. Interdiction de contact avec celui qui n’est pas son frère. 
Le tribunal ordonne la confiscation de tous les scellés. 
Le temps que les véhicules des escortes sortent du palais de justice, bagarre générale dans la rue.

FSA 

* https://www.info-chalon.com/articles/2024/04/25/89365/rue-jules-ferry-a-chalon-les-policiers-ont-mis-fin-a-un-trafic-d-heroine-et-de-cocaine/ 
https://www.info-chalon.com/articles/2024/05/17/89929/trafic-de-drogues-pas-d-escortes-penitentiaires-ce-jeudi/