Bresse Chalonnaise

Ouroux : de propos salissants au coup de couteau

Ouroux : de propos salissants au coup de couteau

Vingt ans et déjà en prison. Ce long jeune homme tout fin avait pris l’habitude de circuler avec un couteau, de fabrication artisanale « de type kunaï », comme Naruto mais sans sa formation de maîtrise de soi. Le 21 juin dernier, il l’a planté dans le dos d’un camarade.

La victime, un garçon âgé de 17 ans, présentait « une plaie dorsale profonde », un lobe pulmonaire touché. Et tout ça pourquoi ? Parce que « ça parlait » sur la sœur du prévenu, entendre par là des propos insultants, dégradants. Il n’a pas supporté. C’était des filles qui disaient ces choses, mais c’est l’hôte qui a pris. Il en avait « rigolé ».

Quelques jeunes gens, sur le secteur d'Ouroux, seraient inspirés de lever le pied sur la méchanceté et les ricanements sordides, car l'un d'eux est donc jugé ce lundi 15 juillet en comparution à délai différé - mais ce n'est pas forcément le pire d'entre eux. Pour autant l’acte commis est terriblement grave.

Pas d’intention de tuer, pas de préméditation, mais des toxiques et une forme de harcèlement

Comparution à délai différé pour avoir le retour des analyses toxicologiques qui confirment l’état d’ivresse du prévenu et sa consommation de cannabis (deux à trois joints chaque jour, reconnaît-il). 
C’est une histoire qui est passée à un cheveu de la cour d’assises. L’intention de tuer n’est finalement pas retenue. N’empêche, il s’en est fallu d’un cheveu, le procureur comme l’avocate de la victime le rappelleront. 
En attendant, pour des violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours avec deux circonstances aggravantes (état d’ivresse et usage d’une arme), le prévenu encourt 7 ans de prison. 

Alcool, médisances, moqueries, couteau, gendarmes

Le 21 juin après le boulot, le prévenu va se poser à Colombey avec des amis. Ils picolent un peu, puis se rendent à la fête que la victime organisait dans le garage de ses parents, lesquels étaient absents. Les filles disent des choses crades sur la sœur du prévenu qui s’énerve. Comme « il ne lâche pas le morceau », son hôte lui demande de partir. Le prévenu quitte la soirée puis « c’est le flou » dira maître Andali sur qui commence, qui cherche l’autre, mais on sait comment ça c’est en un éclair terminé : un jeune homme gravement blessé, avec un couteau. Les gendarmes, appelés peu avant 2 heures du matin, interpelleront l’auteur de l’agression, chez lui, un peu plus tard.

Enfant, témoin impuissant d’une ultra violence 

« Je regrette, pour lui, pour sa famille, pour ma famille. Je sais pas pourquoi j’ai fait ça, hein. C’était pas la première fois que ça parlait de ma sœur, c’était limite du harcèlement. ‘Pute’, ‘elle fait les caves’, etc. J’ai pété les plombs. » Soit, mais encore ? insiste la présidente Catala, parce que « péter les plombs » n’engage nécessairement pas de planter une lame dans le corps d’une personne. Et puis, ces addictions, là, si jeune ? « Y a 8 ans, j’ai vu mon père faire des trucs pas bien… Y a plein de trucs qui m’ont marqué. Après… ça n’excuse pas. » 
La présidente insiste encore un peu, posément, rigoureusement. Le ton du garçon, d’abord ému, s’emporte un peu. Il lâche un fait concret qu’on taira pour ne pas alimenter le vilain moulin qui s’exprimait lors de la soirée du 21 juin. Ce fait, on le met immédiatement en lien avec les « propos de déconsidération » comme dit le procureur de la République, et on se dit que deux fils qui se touchent font des étincelles.

La puissance des mots…

Les éléments que donne le prévenu au tribunal génèrent un moment de grande émotion, chez lui et dans la salle, y compris chez les parents de la victime. Une vie humaine, décidément, n’a rien de facile. 
Est-ce que les jeunes qui visiblement jouent à piquer avec des mots, à blesser avec des mots, prennent la mesure de ce qu’ils font ? Pour le prévenu, ces mots-là, leur nature, leur champ sémantique, sont venus faire effraction, faire surgir quelque chose d’ingérable pour lui, et paf ! Couteau, coupure, comme une éclipse. Il faisait noir, au propre comme au figuré.

« On peut tuer à l’arme blanche, et la victime n’était pas armée »

Maître Sarah Bouflija intervient pour le garçon victime, qui est présent et rétabli physiquement mais qui « souffre psychologiquement » d’autant qu’ « il a été agressé chez lui, et on sait que lorsqu’on est agressé chez soi, on ne se sent en sécurité nulle part ». Les parents se constituent aussi parties civiles, ils ont eu très peur. 
« Pour un mot, on n’hésite pas à utiliser une arme. » Charles Prost, procureur, se dit « légitimement inquiet » : « On peut tuer à l’arme blanche, et la victime n’était pas armée. Pourquoi porter une arme ? Pourquoi frapper dans le dos ? Partir sans se retourner ? » 
Le casier du prévenu n’a qu’une mention, une grosse amende dont il s’est acquitté. Le procureur demande une peine mixte de 3 ans de prison dont 2 ans seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Maintien en détention pour la partie ferme.

« Le coup de couteau, c’était un coup de sang »

Maître Andali ne mélange pas les places : la victime est victime, c’est indiscutable. Cependant, « la scène a aussi traumatisé monsieur. Il a dit en audition : ‘Je ne pensais pas être capable de faire ça’. Le couteau, c’était pour faire peur. Le coup de couteau, c’était un coup de sang. » Elise Andali ajoute que la victime elle-même avait déclaré : « Je suis sûr que c’est à cause de l’alcool qu’il m’a mis ce coup de couteau. Sinon, il n’aurait jamais fait ça. » 
« Ils se connaissent depuis la maternelle » dit encore l’avocate qui plaide contre l’incarcération et pour une peine aménagée : « Il est inséré professionnellement, il ne vit pas seul, en prison il s’est inscrit sur les listes d’attente pour voir un psychologue et un addictologue. Il est capable de respecter un cadre. »

Le prévenu réitère ses regrets, vraiment. « Même moi je suis traumatisé d’avoir fait ça. Je me demande ‘Pourquoi ?’, mais je ne trouve pas de réponse. »

10 mois ferme en DDSE et 2 ans de probation

Le tribunal le dit coupable, le condamne à la peine de 18 mois de prison dont 10 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec exécution provisoire : cela signifie que le jeune homme va sortir de détention provisoire (il y est depuis le 22 juin). Obligations de travailler et de suivre des soins, en addictologie et psychologiques. Interdiction de tout contact avec la victime ainsi que de paraître à son domicile. Obligation d’indemniser les parties civiles (les sommes seront fixées plus tard).

Peine complémentaires obligatoires : inéligibilité pendant 5 ans et interdiction de détenir et de porter une arme pendant 5 ans. Le tribunal rappelle au jeune homme qu’il a 10 mois de prison au-dessus de la tête. Aménage la partie ferme en détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).

FSA