Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Un prévenu sous MICAS : mesure administrative de contrôle et de surveillance

TRIBUNAL DE CHALON - Un prévenu sous MICAS : mesure administrative de contrôle et de surveillance

Cet enfant du Creusot n’avait plus le droit de sortir de Chalon-sur-Saône, où il vivait avant d’être placé en détention provisoire le 25 mai dernier. Frappé d’une MICAS, il devait pointer chaque jour au commissariat de police et rester sur la commune.

Ce jeudi 11 juillet, il doit répondre de menaces de crime à l’encontre de policiers. Voilà un prévenu au profil particulier, car les MICAS ne courent pas les rues. « MICAS » pour « mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance ». Ce n’est pas une mesure judiciaire, c’est une mesure administrative qui dépend du ministère de l’Intérieur*.

Un cadre hyper contraignant 

Cela signifie que celui-ci, alors qu’il était sorti de prison à Perpignan mais avait rejoint Chalon où il a de la famille et un enfant, a vu un jour deux policiers lui notifier la décision de placement le concernant, avec un cadre hyper contraignant : pointage quotidien et confiné à Chalon-sur-Saône. L’autorité administrative avait donc décidé, puisque l’homme, fiché S, était désormais libre sans mesure judiciaire (type sursis probatoire, par exemple) de le maintenir sous surveillance.

La charge de la MICAS lui pesait déjà, en mars dernier

Le prévenu était toutefois suivi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), parce qu’il devait exécuter 3 condamnations à des TIG (travail d’intérêt général). La charge de la MICAS lui pesait déjà, en mars dernier, et il s’est plaint aussi de « l’humiliation ressentie durant certaines interventions policières ». Dans le même temps, il tâchait d’avancer, sauf que les obligations imposées lui compliquaient drôlement la vie, tant du côté de Pôle emploi (devenu France travail) où on le sommait d’expliquer pourquoi il lui était interdit de se rendre en formation à Dijon, que sur le volet santé : une agression sauvage à la prison de Perpignan l’a laissé avec un bras très abîmé. Il faudrait opérer encore, rééduquer, etc. « Tout ça, ça me stressait beaucoup. »

« Je ne comprends pas pourquoi j’ai été incarcéré »

La mesure de 3 mois est renouvelable. Tout se passait donc plutôt bien mais le prévenu a craqué lorsqu’un matin, au commissariat, on lui a présenté le papier qui ordonnait le prolongement de la mesure et il n’a pas supporté. « On me présente un document et on me dit qu’on ne me laissera pas sortir tant que je ne l’aurai pas signé. J’ai demandé qu’on attende quelques jours, soit le dernier jour des trois premiers mois. Une quinzaine de policiers m’a entourée, en me bousculant un peu. Ils me disaient : ‘Tu vas signer !’ Je ne comprends pas pourquoi j’ai été incarcéré. »

Ce qui a motivé son placement en détention provisoire

Le président Madignier le lui explique, à cette audience du 11 juillet. 
D’un il est poursuivi pour « menace de crime ou de délit (…) à l’encontre de dépositaires de l’autorité publique ». (Si on a bien compris, il aurait dit à sa CPIP, après l’épisode du renouvellement qu’il allait commettre « des actes comme il n’y en a jamais eu », visant des policiers de Chalon, ndla)
De deux, son casier judiciaire est lourd de 16 mentions qui comptent pas mal de faits de violences, d’outrages, de rébellion, et dont la dernière condamnation, en octobre 2021, pour des menaces de mort à l’encontre de policiers, constitue le premier terme de la récidive. En 2018, il fut condamné pour des menaces de crimes, pour apologie du terrorisme et refus de se soumettre au contrôle de son alcoolémie. 
De trois, il fait l’objet d’une MICAS. 
De quatre, il avait déclaré « être à bout » psychologiquement. 
De cinq, le renouvellement de la mesure de surveillance lui paraissait « insoutenable ». 
De six, il a dit vouloir prendre la fuite.
« Vous comprenez ce qui a motivé votre placement en détention provisoire ? »

En prison une surveillance toutes les deux heures

Le prévenu, bientôt 44 ans, dit que la détention se passe « très mal ». « D’abord il y a mes problèmes physiques, ensuite il y a beaucoup de violence et je m’entends pas très bien avec le codétenu qui ne supporte pas qu’on vienne toutes les deux heures, jeter un œil sur moi. J’ai signalé ce problème mais voilà on est en surpopulation, alors… Tout ça me stresse. »

« Vous n’avez pas à craindre de moi, j’ai changé »

L’homme devait rencontrer un expert-psychiatre, mais le médecin n’a pas encore pu le voir. Résultat, en l’absence d’expertise psychiatrique, l’audience de jugement est renvoyée. Et, s’il sortait libre de cette audience de renvoi, que ferait-il ? L’homme explique les démarches qu’il reprendrait puis déclare : « Vous n’avez pas à craindre de moi, j’ai changé. J’ai réellement envie de croquer la vie. J’ai beaucoup de stress pour mon bras. Pour la MICAS, avec ma CPIP (conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation), on a essayé de faire des choses, on a écrit au ministère de l’Intérieur mais c’est très long. »

« Je ne suis pas un terroriste »

Est-il conscient de ce qui a motivé cette mesure ? « Oui j’y ai réfléchi, pendant mes 2 ans (de prison, à Perpignan). Je ne suis pas fier de mon passé mais je ne suis pas un terroriste. A l’avenir, il n’y aura aucun problème, y compris avec la police, que je respecte, en fait. »
Le procureur de la République demande son maintien en détention provisoire. Maître Massard demande son élargissement. « Cette mesure de MICAS s’apparente à un contrôle judiciaire extrêmement renforcé. Monsieur s’est plié à toutes ces obligations. »
Le prévenu dit encore : « Je demande au tribunal de me laisser sortir. Je ne me sauverai pas. J’avais tenu des propos sous le coup de la colère, mais je ferai tout pour vous assurer que j’ai changé. »

Maintien en détention

Le tribunal renvoie l’audience à début août prochain, ordonne son maintien en détention d’ici là. L’homme accuse le coup, baisse la tête. Il n’a aucune visite au centre pénitentiaire. Des membres de sa famille ont fait des demandes de parloir mais « on leur a renvoyé le dossier ».

FSA

*Code de la sécurité intérieure : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000025503132/LEGISCTA000035934736/#LEGISCTA000035936402
https://www.dgsi.interieur.gouv.fr/la-dgsi-a-vos-cotes/lutte-contre-terrorisme/des-mesures-de-police-administrative-pour-lutter-contre