Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - 14 vols entre le 22 mai dernier et le 11 août, sur les communes de Bantanges, Cuisery, l’Abergement de Cuisery et Ratenelle.

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 27 Septembre 2024 à 08h49

TRIBUNAL DE CHALON - 14 vols entre le 22 mai dernier et le 11 août, sur les communes de Bantanges, Cuisery, l’Abergement de Cuisery et Ratenelle.

 Il pleuvait sur Nantes, ce lundi 26 septembre, et il pleuvait aussi dans la salle d’audience correctionnelle du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône. Il a plu également des larmes du prévenu. Que d’eau, décidément.

Un problème récurrent, jusqu’à effondrement du plafond ?

En ce qui concerne la salle d’audience, les infiltrations déjà anciennes tâchent le plafond de brun et n’attendent plus des orages puissants, désormais, pour laisser passer quantité de gouttes qui s’écrasent à l’arrière de la salle, sur le parquet et sur les banquettes du fond, sans compter celles qui roulent le long des câbles de suspension d’immenses barres lumineuses qui traversent la salle dans sa largeur. Faudrait-il du budget ?

Le tribunal ne s’en émeut pas

La présidente est imperturbable. Elle notifie au prévenu qu’il a le droit de garder le silence au cours de l’audience, « elle se tiendra quand même ». Dans le box, un homme de nationalité française, âgé de 22 ans. Il est en détention provisoire depuis le 16 août dernier, parce qu’il est en état de récidive légale pour deux types d’infraction et qu’il était de surcroît en sursis probatoire au moment des faits.

Les faits  

La procureur en fera la synthèse : pas moins de 14 vols (dont une tentative, dont 9 en réunion et avec dégradation) entre le 22 mai dernier et le 11 août, sur les communes de Bantanges, Cuisery, l’Abergement de Cuisery et Ratenelle. 
Infraction supplémentaire : conduite sans permis, en récidive (le prévenu l’a eu eu, son permis, mais ne l’a plus suite à une condamnation judiciaire).

Les victimes ? 

Distributeurs de pizzas, de pain, machine de paiement dans une station de lavage auto... et leurs propriétaires, naturellement. Au final, du numéraire volé, des machines cassées. Les assurances ont rempli leur office mais quand même… L’enquête a été relancée par une plainte de la mairie de l’Abergement de Cuisery. Deux distributeurs cassés ce matin-là, et, au sol, une lampe-torche portant un ADN qui se révèlera être celui du prévenu. Sur les images de vidéosurveillance, ils sont deux mais le jeune homme ne veut pas donner de nom.

Et tout ça, pourquoi ? 

En ce qui concerne celui qui est dans le box, c’est simple : ancien (à 22 ans) polytoxicomane, il s’était arrêté pendant 2 ans, ne prenait plus que du Subutex. Et puis il a replongé, il ne travaillait pas, il avait besoin d’argent et quand le manque venait le faire souffrir… « Vous alliez fracturer au plus près de chez vous » observe la présidente qui lui demande dans quelles circonstances il a repris. « Une mauvaise connaissance… - Il vous a donné de l’héroïne et vous avez accepté ? » Au bruit des gouttes de pluie qui s’écrasent sur le parquet de la salle s’ajoute le sanglot du prévenu. « J’avais besoin de me vider la tête… alors j’ai retouché à ça. »

« Être comme tout le monde, quoi »

« Quel homme voudriez-vous être, à 30 ans ? lui demande alors la présidente.
- Je voudrais avoir un travail, ne plus être chez ma mère, vivre loin d’ici, loin de Tournus, avoir ma petite famille, être comme tout le monde, quoi.
- Quel travail vous imaginez ? 
- Je voudrais reprendre un CAP mécanique voiture. »
Il n’a pas de diplôme mais un projet somme toute réaliste, sauf en ce qui concerne être « comme tout le monde ». Ça ne veut rien dire, au fond, mais on voit bien à quoi ce prévenu, comme tant d’autres, peut aspirer, forcément.

« …celui qui, tel un zombie, va chercher des pièces »

Compte-tenu du casier judiciaire qui porte 10 mentions, compte-tenu du sursis probatoire qui était en cours, compte-tenu de la multiplicité des vols et de la conduite sans permis en récidive, la procureur requiert une peine qui au total le maintiendrait en prison pour 16 mois suivis d’un nouveau sursis probatoire. Maître Dufour enchaîne, sur un autre mode : « Je distingue entre un voleur qui en a fait un commerce, une vie professionnelle, et celui qui, tel un zombie, va chercher des pièces. Et il retourne au même endroit deux jours après, alors qu’il n’y a plus rien à prendre. »

« Vous devez juger cet homme sous l’angle de sa maladie »

« Ce garçon, je le connais depuis longtemps. Il a une intelligence, il est bien élevé, mais quand il est en manque, il ne se préoccupe plus de rien. Il est littéralement pris dans cette bouffée quasiment délirante. Vous devez juger cet homme sous l’angle de sa maladie. Si la toxicomanie n’existe plus, alors il n’y a plus de vols. Il n’y a eu aucune violence, c’est à souligner, même si ça occasionne une gêne pour les victimes. Il a reconnu les faits, comme il a toujours reconnu, il ne fait pas suer les gendarmes, comme on dit. »

L’avocat plaide contre l’incarcération et pour une détention « même longue » sous surveillance électronique. « Je le vois encore comme un gamin qui a besoin qu’on le tienne par la main ou, pardonnez-moi l’expression, par le pied. »

10 mois incarcéré puis 2 ans sous main de justice

Le tribunal dit le prévenu coupable, le condamne à la peine de 18 mois dont 10 mois sont assortis d’un sursis probatoire (obligations de travailler, de suivre des soins, de payer les droits fixes de procédure, d’indemniser la partie civile, de se présenter aux épreuves du permis de conduire). 
Pour la partie ferme : maintien en détention et incarcération immédiate pour la révocation partielle du sursis précédent, soit 2 mois de prison.
10 mois ferme, « du temps pour préparer votre sortie ».

FSA