Bourgogne

ON EST TOUS CHARLIE ! « Oui, mais » Une soirée essentielle autour des dessins de CHARB et de la liberté d’expression à Chevigny-Saint-Sauveur

ON EST TOUS CHARLIE ! « Oui, mais » Une soirée essentielle autour des dessins de CHARB et de la liberté d’expression à Chevigny-Saint-Sauveur

50 dessins de presse de Charb, ex-rédacteur en chef de Charlie Hebdo : une exposition qui devrait faire le tour de la France ! Mardi 8 octobre, le maire Guillaume Ruet avait invité Marika Bret qui perpétue l’œuvre du dessinateur-journaliste assassiné.

À Chevigny-Saint-Sauveur, la salle de la médiathèque est bondée pour écouter Marika Bret, Me Emmanuel Touraille, avocat du Barreau de Dijon et Guillaume Ruet, maire de la Ville. Une conférence animée par Younès Ben Haddou, co-initiateur du projet.

Dix ans que Marika Bret vit sous protection policière. « On ne s’habitue jamais, confie cette femme courageuse, mais on avance. » Ancienne directrice des ressources humaines du journal satirique Charlie Hebdo, amie de Stéphane Charbonnier (alias Charb), elle est devenue celle qui transmet l’œuvre de Charb. Et en effet, Marika Bret avance, malgré les menaces, malgré la frilosité teintée de peur et de lâcheté des institutions.

Guillaume RUET, maire de Chevigny-Saint-Sauveur et Marika Bret

L’exposition

Aucun des 50 dessins exposés ne concerne l’islam radical – faut-il rappeler qu’en 10 ans, seulement 7 % des unes de Charlie Hebdo concernaient les religions – juste la patte de l’artiste : l’irrévérence joyeuse et libre, vertu française que saluait déjà Flaubert. L’humour que Charb cultivait comme une seconde nature, dit son amie Marika : « il avait cette passion de faire du dessin avec humour. C’était impossible de se fâcher avec lui, il avait toujours un mot drôle pour désamorcer les conflits. Pas n’importe quel humour : l’humour à bon escient, celui où on raconte quelque chose. Une fois que vous avez ri, c’est la réflexion qui doit prendre la place. »

Et pourtant… depuis 3 ans, trois villes seulement ont accueilli l’exposition, dont Villeurbanne et Chevigny-Saint-Sauveur. « Ce n’est évidemment pas la qualité des dessins de Charb qui est en question, explique posément Marika, ça relève à la fois de la peur et du “pas d’ennuis”. La peur, c’est exactement ce que voulaient instaurer les bouchers assassins, donc c’est ma bataille à moi. »
Quant au “pas d’ennuis”, nous lui opposerons les mots si justes de Voltaire, flambeau de l’esprit des Lumières qui vacille de nos jours : « Il est honteux que les fanatiques aient du zèle et que les sages n’en aient pas. »

Le seul credo de Marika Bret aujourd’hui est : discuter et faire reculer la peur. C’est cela qui la fait avancer, aller dans les établissements scolaires et parler aux jeunes.

Retour sur l’horreur du 7 janvier 2015

Douze morts, parmi lesquels les dessinateurs de presse Charb, Cabu, Tignous, Wolinski, assassinés par des terroristes islamistes dans les locaux du journal. Pourquoi ? Parce que Charlie Hebdo avait publié des caricatures sur l’actualité – sa mission – et elle portait, en l’occurrence, sur les islamistes radicaux qui gangrènent la foi musulmane.

En France, que dit la loi ?

Maître Emmanuel Touraille pose le cadre. En substance, le blasphème (parole qui outrage la religion) n’existe pas dans le droit français, le “délit de blasphème” a été supprimé en 1881. Critiquer ou se moquer d’une religion est parfaitement autorisé, à l’inverse de l’injure qui touche une personne, une communauté. Ce sont les personnes réelles que la République protège, non les croyances.

L’acte républicain d’un maire

Il a fait ce que la majorité des Français attendent d’un élu : réaffirmer et défendre les valeurs de son pays, le nôtre, démocratique et laïque, pays de liberté. Nous parlons de Guillaume Ruet, maire de Chevigny-Saint-Sauveur, qui a accueilli l’exposition des dessins de presse de Charb. Une première en Bourgogne–Franche-Comté.

Dans son discours, le maire pose la question : « 10 ans après, sommes-nous encore Charlie ? A-t-on le droit de penser, surtout de dire ce qu’on pense en France ? Un paradoxe est inquiétant : on a moins à craindre de la censure du pouvoir en place que de l’autocensure que l’on s’impose ».

Au lendemain du 7 janvier 2015, nous étions tous « Charlie ». Nous défilions dans les rues, brandissant notre attachement à cette liberté qu’on nous envie.

Mais ça, c’était avant. Avant que la peur, la lâcheté, l’hypocrisie ne verrouillent la parole et les portes. Et pour les sceptiques, les prudents et autres hypocrites modérés, les mots de Marika Bret révèlent les faits : « Quand je propose cette expo, politiques et élus saluent ce travail, mais ils trouvent toujours une “excuse” pour refuser sa programmation dans leur ville : « Nous ne voulons pas d’ennuis », j’ai même entendu de la bouche de plusieurs élus : « Dans le principe, oui, mais il faut avant que je consulte… l’imam de la ville ». Glaçant.

La lueur d’espoir, Marika Bret la trouve chez certains jeunes comme Younès Ben Haddou, Floriane, Maxime ou Lydia, qui n’hésitent pas à s’engager pour défendre nos libertés.

Par Nathalie DUNAND
[email protected]

Expo de 50 dessins de presse de Charb
Du 9 au 13 octobre 2024
Lieu : médiathèque lucien Brenot, place Général de Gaulle (Chevigny-st-sauveur)
Conférence en vidéo : dijon-actualites.fr/2024
Pour plus d’infos sur l’expo : [email protected]